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quefte defquelz il a enfevely for honneur, & donné l'ame en proye au diable, & melmement quant en paffant parmy le païs, villes & villages, il fe orra tout bas appeller en derriere, traiftre ; & luy pourroit encores aisément advenir que quelque Seigneur luy dict à fon vifaige, & l'appellaft par ce beau nom; de quoy s'il fe vouloit puis après plaindre à l'Empereur, il luy pourroit bien refpondre ce que Phelippe Roy de Macedoine dict à ung Olinthio qui avoit trahy fon pays pour l'amour de luy car ledict Olinthio se plaignant des Macédoiniens qui l'appelloyent traiftre, le Roy, pour le confoler luy refpondit: mes Gentilzhommes font mal nourris & groffes perfonnes: car le pain ils l'appellent pain. Et pour ce, quel debvonsnous croire que fuft le courage de ceul-cy en foy retirant & abondonnant par force le pays fur lequel ilz avoient fondé toutes leurs efpérances? certainement tel comme a couftume d'eftre celluy des hommes défefpérez, & auxquelz plus chere fe. roit la mort que la vie ; mais il vault mieulx laiffer ces deux-cy, & re

tourner à s'efmerveiller, pour quel cause l'Empereur oubliaft fitouft toutes les menaces qu'il avoit faictes, & pourquoy il n'efprouva quelque entreprise, veu qu'il fçavoit bien que fon camp de Picardie, duquel eftoit Capitaine le Conte de (a) Nanfot, avoit monftré d'avoir ( ‹) Nassau. bon coeur en affaillant premiérement Sainct Quentin, d'où eftant reboutté, ne perdit pourtant le courage; mais alla mettre le fiége devant Peronne, là où eftant advenues choses dignes de mémoire & d'eftre entendues plus au long, je vous efcripray ce qu'il en eft venu à ma congnoiffance. Peronne eft une ville plus petite que nulle qui foit en Italie, je dy beaucoup plus que Creme: la. quelle du cofté de France, c'est-àdire devers Paris, a force marestz qui rendent ce cofté-là fort feur des ennemys: dedans y avoit mille cinq cent hommes de pied Françoys, & cent cinquante hommes d'armes, foubz la charge & conduite de Monfieur le Marefchal de la Marche: devant ladicte ville,s'eftant préfenté le Conte de Nanfot avec xxx mille hommes, dont xiiij mille eftoyent

Lanfquenetz, & vj mille chevaulx, il entendit premierement à deftourner les eaues pour fécher les marestż; ce que, avec l'ayde de la faifon du temps, il fit en peu de jours, puis planta l'artillerie dont il en avoit Ixx. piéces, entre lequelles y avoit xlviij. gros canons, & avec icelles commença à faire la batterie de deux coftez, qui fut grande en peu d'heures, puis donna auffy l'affault defdictz deux coftez, fi vivement, que peu s'en faillit qu'il ne print la ville. Toutesffois voyant qu'il y avoit failly & perdu beaucoup de fes gens, il demoura fort efmerveillé ; néantmoins il délibéra de renouveller & renforcer l'affault, tenant la victoire pour certaine, & de cela encores demeura trompé. Parquoy adjouxtant l'obftination au Confeil & à la force, fe réfoulut de n'abandonner l'entreprinse qu'il ne l'euft gaignée, tant pour fon honneur comme pour pouvoir mander quelque bonne nouvelle de Picardie à l'Empereur, puifque de luy n'en avoit aulcune qui valuft, de Provence. Ainfy procéda à la feconde batterie en aultres endroitz

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de la ville, avec affaulx afpres & longs, dont neluy revint aultre chofe que la perte de plufieurs Capitaines, & grand nombre de fouldars. Or pour faire l'hyftoire courte, moins de fix fepmaines, fe retrouva avoir fait quatre batteries; à fçavoir, deux avec l'artillerie, & deux par force de mines; de forte que la plus grande préce des murs de laville qui foit demeurée entiere, n'eft point longue de quatre aulnes, & huict ou neuf affaulx fi merveilleux & continuelz, que ceulx de dedans avec leur Capitaine, fe font demeu. rer fix & huit jours nuict & jour aulx murailles & rempars, & là manger & coucher fans jamais en partir: laquelle diligence & vertu a contraint à la fin les ennemys, quelque obstinez & terribles qu'ilz fuffent, d'eulx retirer, non fans grand dommaige & perte de plufieurs de leurs gens de guerre. Telle a été la fin de la guerre de Picardie,laquelle vrayement me femble digne de perpétuelle mémoire: car il ne fe trouvera par adventure, que de noftre temps, nulle ville aye efté baptue de tant coups de canon, ne combattue

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avec tant d'affaulx, ne deffendue avec fi grand couraige & vertu : parquoy on peult de-là faire conjecture & penfer qu'elle eft la proueffe & valeur des Gentilzhommes & fouldars Françoys, quant ilz ont bonne conduite & qu'ilz fe déliberent d'avoir honneur. Et pour ce fi l'Empereur, à l'exemple de fes gens de Picardie, euft effayé de faire quelque chofe en Provence ou aultre part, il euft au moins donné aulx gens de quoy devifer; & d'autant plus eftant accompaigné d'une armée fi grande, fi brave, fi vaillante & quafi invincible, & laquelle aulcuns appelloyent Africana pour l'entreprinse faicte à Tunes qui eft en Afrique; mais vous me refpondrez qu'entre plufieurs chofes que les fouldars Efpaignolz cognoiffent de la guerre, ilz congnoiffent auffy la paour, & je le vous accorderay, & diray que pour certain Marseille eftoit aultre chofe que la Golette; & le champ près Avignon auquel eftoit Lieutenant du Roy très-Chref tien Monfieur de Montmorency, Grand-Maiftre de France, homme plain de bon efperit, de vertu, de

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