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Conferences

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Cependant l'Empereur après la

1544 prife de Saint-Difier,où il laiffa une tenues pour la nombreufe garnifon, s'étoit avancé jufqu'à Vitri, & ce fut là que Henri lui fit fçavoir que malgré les engagemens qu'ils avoient pris enfemble, il étoit réfolu de ne l'aller joindre que lorsqu'il fe feroit rendu maître de Montreuil & de Boulogne; & la raifon qu'il en apportoit, étoit que ce feroit pour lui & pour la nation Angloife, un trop grand affront de lever le fiége de ces deux places. L'Empereur,fur cette réponfe, fit réfléxion que s'il paffoit outre avec fes feules forces,qui étoient déja confidérablement diminuées, la difette de vivres fuffiroit feule pour ruiner fon armée; & qu'ainfi il se verroit peut-être obligé de faire une honteufe retraite, l'armée du Roi étant en état de lui couper le retour, s'il s'avançoit trop dans le Royaume. L'effet que produifirent ces confidérations, fut que Charles-Quint commença à goûter les propofitions de paix qui lui avoient été faites durant le fiége de Saint-Difier, par l'entremife de Granvelle fon Miniftre, & de Martin de Gufman Dominicain,

fon Confeffeur. Mais il ne crut pas devoir faire part de fon deffein à 1544. Henri, vû que ce Prince avoit refufé de remplir fes engagemens, & qu'il étoit à craindre qu'il ne fe rendît encore plus difficile dans la fuite, fi les fiéges qu'il avoit entrepris lui reuffiffoient. Charles n'avoit pu fe déguifer à lui-même, que le projet qu'il avoit formé avec fon allié fouffroit bien des difficultés qu'il n'avoient pas prévuës, & qui lui parurent infurmontables, dès qu'il fe vit arrêté devant les plus petites places: auffi fon intention avoit toujours été de traiter féparément avec la France; il avoit lui-même avancé quelques propos, qui faifoient connoître qu'il fouffriroit volontiers qu'on lui parlât d'accommodement; mais il attendoit que la néceffité l'obligeât de s'expliquer plus clairement; & c'étoit là le cas où il fe trouvoit : ainfiil accepta avecjoye l'offre qu'on lui fit de traiter de paix, & il fut réglé que les Députés des deux partis s'affembleroient à la chauffée entre Châlons & Vitri. L'Amiral d'Annebaut, & le fieur de Chemans Garde des Sceaux, s'y rendi

rent de la part du Roi, & Ferdinand 1544. de Gonzague avec Granvelle, pour l'Empereur. Le Cardinal du Bellai & les fieurs Remond premier Préfident du Parlement de Rouen, & l'Aubefpine Sécretaire d'Etat, furent envoyés au Roi d'Angleterre, pour lui propofer d'envoyer auffi des Députés au lieu de l'affemblée. Les conférences qui s'y tinrent furent infructueufes; les Plénipotentiaires s'étant féparés fans avoir pu convenir d'aucun article, l'Amiral revint au camp d'où il écrivit au Roi pour l'informer des propofitions déraifonnables que faifoient les Ministres Impériaux.

Sur ces entrefaites, l'Empereur s'avanca jufqu'à Thin-l'Evêque, à deux lieues de Châlons; puis paffant entre cette ville, & Notre-Dame de l'Epine, il vint fe pofter près de notre camp, les deux armées n'étant féparées que par la riviere de Marne. Les jeunes Seigneurs qui étoient à Châlons avec le Duc de Nevers, ne crurent pas devoir laiffer échapper l'occafion qui fe préfentoit de rompre quelques lances à l'honneur de leurs Maîtreffes. Ac

compagnés des chevaux-légers, ils fortirent de la place, & attaque- 1544 rent les coureurs de l'armée Impériale; l'efcarmouche fut vive, & il y eut bien des gens de tués de -part & d'autre. Desbandes & Gentés, qui tous les deux étoient de la maifon du Duc d'Orléans, furent tués avec des armes d'une nouvelle invention; (a) c'étoient des piftoles ou piftolets, qui font, dit notre Hiftorien, de petites arquebuses, qui n'ont environ qu'un pied de canon, & tirelon avec une main,donnant le feu avec le rouet. Le combat'ne finit que lorf que nos jeunes Volontaires fe virent fur le point d'être accablés par la plus grande partie de l'armée ennemie.

Ce même jour fut marqué par l'en- 1 levement du Comte Guillaume de Furftemberg. Ce Seigneur qui pendant fept à huit ans avoit été au service du Roi, avoit coûtume de

(h) On croit, dit le Pere Daniel, dans fon hiftoire de la Milice Françoife, que ces armes furent appellées piftoles ou piftolets, parce que les premiers furent faits à Piftoye en Tofeane. Les Allemans s'en fervirent en France avant les François, & les Reistres qui les portoient du tems d'Henri II. étoient appellés Piftoliers.

Le Comte

Furftem

rg eft en

leve:

cotoyer la Marne, lorfqu'il venoit 1544. d'Allemagne en France; & comme il connoiffoit parfaitement les gués de cette riviere, il avoit conseillé à l'Empereur de venir la paffer à une lieue au deffous de Châlons. Accompagné d'un feul guide, il étoit forti du camp pendant la nuit,pour aller fonder un gué qu'il trouva tel qu'il l'avoit trouvé autrefois; il ne voulut pas que fon guide le fuivit,& traversa feul la riviere. Quelques Gentilhommes de la maifon du Roi, & une partie de la compagnie d'hommes d'armes de l'Amiral qui étoient de garde cette nuit là pour défendre le paffage de la Marne, ayant apperçu le Comte, fe jetterent entre lui & la riviere, & l'enleverent fans qu'il fit aucune résistance. Ayant été conduit au camp, il y fut reconnu, & envoyé de-là à la Bastille, d'où il ne fe retira qu'en payant trente mille écus pour fa rançon.

L'Empereur furprend E

Cependant la difette de vivres pernai&Châ. Continuant de fe faire fentir toujours teau Thieri. plus vivement dans l'armée ennemie, l'Empereur prit le parti de fe retirer vers Soiffons; mais il fit agir fecrettement Gufman fon confef

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