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finguliere prudence & folicitude; ce camp, dy-je, eftoit aultre chofe que Tunes; mais toutesfoys fi l'Empereur fe fuft au moins mis en fon debvoir de faire ou de prendre quelque chofe, il euft donné moins d'occafion aulx hommes de s'efmerveiller comment il eft poffible qu'en fi long-temps il n'a e faict ung feul acte d'homme de guerre & fur quel

fondement il baftiffoit la haulteur de fes paroles & refponfes, quant on luy parloit de la paix, non feulement en Italie , quant par le Roy très - Chreftien luy fut envoyé le très-illuftre Monfeigneur le Cardinal de Lorreine, avec puiffance (a) trèsamble de traicter & conclure: là où (4) tsès-amcertes à chafcun peult eftre mani-ple. fefte la bonne & faincte volunté de fa très-chreftienne Majefté envers la paix, voyant que de part icelle a efté envoyé ung fi grand Prince, & d'elle tant cher tenu au temps que fes forces eftoient grandes en Lombardie, & de beaucoup fupérieures à celles des ennemis, fur le poinct que s'ilz euffent voulu, ilz povoient prendre Vercel. Or je laiffe les refponfes qu'il fit

á ceulx qui luy parloient de la paix, luy eftant encore en Italye, & viens à aulcunes qu'il fit après qu'il fut entré en Provence, là où eftant requis de paix par le très-révérend Monfeigneur le Légat Trivolce, envoyé pour cefte caufe de part noftre Sainct Pere, l'Empereur luy faifant refponfe fur aulcuns articles de la volunté du Roy très-Chref tien, bien peu de jours avant qu'il deslogeaft de Ais, luy efcripvit (comme jay entendu) le&tres plaines de grandeur, de confiance & de mefpris, faignant de ne tenir compte ne de la paix, ne d'homme du monde; de forte que à ung aultre qui euft tenu la victoire plus que certaine, euft efté très-mal feant d'efcripre ce qu'il escripvoit, lorsqu'il penfoit de fuyr, ou pour plus honnorablement dire, de fe retirer en Italye. Et fe la mémoire de fes maintes braveries & menaces, ne le incitoit point à exécuter quelque entreprinfe', pour ne faire une fi grande playe à fa réputation, je m'efbahys au moins comment l'extrême néceffité de fon armée, à ce ne l'ef mouvoit, là où à peine me puis-je

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tenir

tenir de rire, quant il me fouvient d'une fentence efcripte de luy en ces lectres qu'il envoya au très-révérend Monfeigneur le Légat, qu'il s'efmerveilloit fort que le Roy n'avoit pitié de fon pays qui eftoit gaf té de la guerre & luy efcripvant cecy, voyoit fes gens mourir de mauldicte fain, devant fes yeulx, & n'en avoit non plus de pitié que s'ilz fe euffent efté brebis, de quoy je a pence que fes fouldars luy doib- (a) pense vent vouloir ung très-grand mal, je dy ce peu qui eft demeuré en vie, après avoir remplies toutes les maifons de Ais, tous les puys, eftables, rues & chemins de Provence, de corps mortz. Pour ce que combien que les Efpaignolz foyent accouftumez à eftre fobres & à faire abftinence, je ne puis pourtant penfer qu'il leur duft fembler beau de n'avoir rien à manger, & d'eftre efforcez de raige de fain eulx gecter en terre, & ficher leurs dentz és cuifes d'un cheval mort, comme loups affamez, ainfy que aulcuns d'eulx ont efté trouvez par les gens du Roy, pour la préfence defquelz ilz ne lafchoyent poinct leur prife, ne fe Tone VI.

P

années.

fouciant en rien d'eftre pris. Que fi bien les Efpaignolz enduroient patiemment la nouvelle diette, que dirons-nous des povres Lansquenetz, èfquelz tant pour le nombre comme pour la vertu, eftoit la force de l'Empereur? Iceulx eftantz il y a (a) corr. desja plufieurs (a) anas délivrez des jeufnes & vigiles commandées de l'Eglife, penfoient perpétuellement jouyr de leur liberté, de manger toutes & quantes foys il leur plairóit, & de quelconque chofe que bon leur fembleroit ; & maintenant mercy de l'Empereur, eftoyent contrainctz faire des jeufnes & vigiles qui ne furent jamais commandées ne de Dieu ne des hommes; auquel cas, comme l'on pourroit grandement blafmer le peu d'humanité de l'Empereur, auffy debvroit-on fouverainement louer & prefcher la .bonté & cortoifie du Roy trèsChreftien, lequel trouvant en chemin en divers lieulx plufieurs Lanfquenetz par foibleffe & fain demeurez derriere, leur a faict donner à manger, & argent pour s'en retourner là où premierement est à croire que voluntiers euft faulvé le

rer

refte,s'il euft peu. Puis eft à (a) con- (4) confidefideré la différence des deux Princes, defquelz l'ung a laiffé & quafi faict. mourir fes ferviteurs & amys, l'aultre a faulvé fes ennemys. Et comme Scipion , quant il rendit ce beau thoreau d'arain à ceulx d'Agrigento en Sicile, (fai jadis par Phalaris leur tyrant, pour dedans y mecre les hommes tous vifz, & le feu deffoubz, puis ravy & emporté par ceulx de Cartage) dift à iceulx Citoyens & Bourgois, que c'eftoit chofe raisonnable qu'ils confidérasfent bien quel eftoit le meilleur ou d'eftre ferfz dès leur mefmes, ou du peuple de Romme, ayantz cefte mefme ftatue & thoreau pour tefmoignaige de la domefticque cruaulté & de la clémence des Romains: ainfy pourroit-on dire aulx Alemans, eftre chofe digne de confydération, à quel Prince il eft meilleur de fervir, ou à celluy duquel ont efté abandonnez, eftans amys, ou à celluy qui les a faulvez, estantz ennemys. Et pour ce l'on ne fe doibt poinct efmerveiller fi du cofté où il y avoit plus de pitié & clémence, a efté plus grande la faveur de Dieu

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