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DU BELLAI. 37 feur, pour qu'on reprit les négociations de paix; & en attendant 1544. quel en feroit le fuccès, il continua de marcher le long de la Marne, toujours très-embarraffé de fçavoir comment il feroit fubfifter fon armée un avis qu'il recut fort à propos le tira de peine (a). Il apprit

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(a) Cet avis, par qui fut-il donné? C'est ce que du Bellai n'explique point; mais prefque tous les Auteurs qui ont écrit après lui, conviennent que ce fut la Ducheffe d'Etampes, maîtreffe du Roi, qui fauva l'armée de l'Empereur. Il s'étoit formé à la Cour deux factions puiffantes, l'une pour Monfieur le Dauphin, & l'autre pour le Duc d'Orléans. La jaloufie de deux Dames fit naître ces deux partis. L'une étoit Diane de Poitiers, qui, quoique dans un âge avancé, avoit confervé fa beauté, & s'étoit attaché le Dauphin. L'autre étoit la Ducheffe d'Etampes, à qui le grand crédit de Diane auprès du jeune Prince, commençoit à donner de l'ombrage. Comme elle voyoit que la fanté chancelante du Roi ne lui promettoit pas une longue vie, & qu'elle avoit des raifons particulieres qui lui faifoient craindre de demeurer en France après la mort de ce Prince, elle fongea à procurer au Duc d'Orléans un établiffement hors du Royaume, ou elle trouvât du répos & de la fûreté lorfqu'elle en auroit befoin. L'Empereur avoit propofé de donner l'inveftiture du Duché de Milan ou des Pays-Bas au Duc d'Orléans à

que Monfieur le Dauphin avoit don 1544. né ordre à un Capitaine de gens de pied, d'aller rompre le pont d'Epernai, d'enlever toutes les provifions qui fe trouvoient dans cette place, & de gâter ou de jetter dans la riviere tout ce qu'il ne pourroit pas fauver; mais cet Officier s'acquitta fort mal de fa commiffion, & fe laiffa prévenir par l'Empereur,qui ayant trouvé le pont en bon état,

deux conditions. L'une d'époufer la fille, ou la niéce de Charles V. L'autre, d'empêcher que ce qui feroit donné en faveur de l'un ou de l'autre de ces deux mariages, ne fut un jour réuni à la Monarchie Françoise. Mais cet article étoit trop préjudiciable au Dauphin, pour qu'il y donnât fon confentement. Cependant la Ducheffe d'Etampes remontroit fans ceffe au Roi la néceffité de conclure la paix à ces conditions. Pour l'y déterminer, elle travailla à empêcher la retraite que l'Empereur fe propofoit de faire dans les Pays-Bas, à caufe que les vivres lui manquoient en Champagne. Nicolas de Longueval, Seigneur de Boffu qui étoit tout à elle, fut celui dont elle fe fervit pour conduire cette intrigue. Il gagna le Capitaine qui avoit ordre du Dauphin de rompre le Pont d'Epernai: on trouva moyen de l'amufer, de forte que l'armée Impériale arriva avant la rupture du Pont, & fe faifit des ma→ gafins, enfuite de ceux de Château-Tierri

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parut lorfqu'on s'en défioit le moins,
devant Epernai, dont les habitans in- 1544
timidés lui ouvrirent les portes. Il
trouva dans cette place, de même
qu'à Château-Thierri,de grands ma-
gafins de vivres. Les Lanfquenets
indignés que les munitions leur fuf-
fent diftribuées par les Efpagnols, fe
mutinerent; & la présence de l'Em-
pereur fut à peine capable d'empê-
cher les deux nations d'en venir aux
mains.

La nouvelle de la furprise de ces
deux places (a) ayant été portée à
Monfieur le Dauphin, il détacha le
fieur de Lorges avec fept à huit mille
hommes de gens de pied, & qua-
tre cens Gens-d'armes pour les faire
entrer dans Paris, fi l'Empereur s'a-
vançoit de ce côté-là. De Lorges
pour fe mettre à portée de fecourir
la capitale, s'il en étoit befoin, s'ar-
rêta à Lagni, qui n'en eft éloigné que

(k) Le Roi, dit Belleforêt, averti que l'Empereur marchoit vers Paris, afin d'affamer le camp de l'Empereur, feit brûler la ville d'Ef pernay avec les vivres, étant tant en la ville, qu'ès lieux prochains d'icelle, dont la pitié fut grande, & l'exécution bien cruelle. Ne voilà-il pas un Auteur bien instruit?

de fix lieues, & Monfieur le Dau1544. phin ayant gagné les devants, alla camper à la Ferté fous Jouarre, à quatre lieues au-deffous de Château-Thierri ; & pour défendre aux ennemis le paffage de la Marne, il jetta dans Meaux une nombreuse garnifon. L'Empereur, averti que Monfieur le Dauphin l'avoit devancé traverfa le Valois, & conduifit fon armée dans le Soiffonnois, où il efperoit de pouvoir la faire fubfifter aifément.

Le Roi cependant que l'on ne ceffoit de folliciter de faire la paix, y. donna enfin les mains, quoiqu'il prévit qu'elle ne pourroit fe faire. fans qu'il facrifiât la plupart de fes nouvelles conquêtes. Mais il confidéroit que s'il donnoit bataille, & qu'il fût affez heureux pour la gagner, ce feroit au prix de la vie d'un grand nombre des plus vaillans hommes de fes troupes; que le Roi d'Anterre, & les Comtes de Roux & de Bures auxquels il refteroit deux armées lui pourroient livrer une feconde bataille, qui expoferoit la France au même danger que s'il perdoit la premiere, ou peut-être

toutes

les deux, fa couronne feroit fort ébranlée; & que s'il étoit vainqueur, il ne gagneroit pas pour cela un feul pouce de terre. Il fçavoit d'ailleurs que le Maréchal de Biez qui défendoit Montreuil feroit obligé de capituler, fi cette place n'étoit promptement ravitaillée, & qu'il y avoit tout à craindre pour Boulogne, à caufe du peu d'expérience de Vervin qui y commandoit: or la prise de ces deux places n'auroit-elle pas laiffé la France ouverte à l'armée Angloife; ainfi il n'y avoit qu'un moyen de les fauver, qui étoit de commencer par s'accommoder avec l'Empereur.

Il fut donc réfolu que l'Amiral iroit trouver ce Prince qui avoit pris fon logement dans l'Abbaye de Saint Jean-des-Vignes, au fauxbourg de Soiffons. A peine Annebaut y fut-il arrivé que le Roi lui envoya ordre par un courier de conclure à quelque prix que ce fût; parce que l'on venoit d'apprendre la reddition de Boulogne, & qu'il étoit à craindre que fi l'Empereur étoit informé de la prife de cette place, l'efpérance d'être fecondé par l'armée d'AngleTome VI.

C

1544.

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