Imágenes de páginas
PDF
EPUB

que la garnifon & les bourgeois fortiroient avec tout ce qu'ils pour- 1544. roient emporter, & qu'ils auroient la liberté de fe retirer en toute fùreté où bon leur fembleroit; mais l'artillerie avec les munitions de guerre & de bouche, dont la place étoit abondamment pourvue, devoient demeurer aux Anglois. Vervin propofa ces conditions aux bourgeois, qui beaucoup plus courageux que lui, refuferent de les figner. Le Maire de la ville eut même la hardieffe de lui dire, qu'il pouvoit fe retirer s'il le trouvoit bon; que les bourgeois pleins de courage & de zéle, n'avoient befoin que d'eux feuls pour défendre leur ville: mais ces reproches fi capables de l'humilier, ne le firent point changer de deffein. Il s'éleva pendant la nuit un fi furieux orage, que toutes les tentes des Anglois furent renver fées, & la pluye qui lui fuccéda, tomba en fi grande abondance,qu'elle ruina tous les travaux, & détrempa tellement la terre fur laquelle leur camp étoit affis, qu'ils ne pouvoient fe tenir fur leurs pieds. Comme les ôtages n'avoient pas encore

été livrés, l'on fit de nouvelles re1544. montrances à Vervin; mais ce fut inutilement toute fa reponfe fut qu'il y alloit de fon honneur de tenir la parole qu'il avoit donnée à un grand Roi, dans le même-tems qu'il manquoit de fidélité à fonSouverain. Sa lâcheté ne fut pas laiffée impunie, il fut mis depuis au Confeil de guerre, & condamné à perdre la tête fur un échaffaut. II eft certain que s'il eût tenu feulement encore deux jours, la place eût été fauvée, parce qu'il n'auroit pas été poffible aux Anglois de monter à l'affaut, & qu'ils étoient d'ailleurs hors d'état de s'oppofer au fecours qu'amenoit Monfieur le Dauphin.

Peu de tems auparavant, SaintAndré, jeune Seigneur qui étoit ten drement chéri du Dauphin, avoit entrepris de faire lever aux Anglois te fiége de cette place, ou du moins d'en rafraîchir la garnifon, & c'étoit par mer qu'il vouloit y jetter du fecours; parce que les ennemis étoient trop bien rétranchés, & faifoient trop bonne garde, pour que l'on pût efpérer de les forcer ou de les furprendre par terré mais ce fut

inutilement trois fois il fe pré

que

Lége de Mon

fenta à la vue du Port, jamais il 1544.
ne put aborder, autant de fois il
fut rejetté en pleine mer par des
vents contraires; deforte qu'il fut
obligé d'abandonner fon entreprise.
Dès que la paix concluë à Crê- Ils levent le
pi eut été fignée, le Roi fit marcher el.
fon armée à Montreuil pour en faire
le fiége, & de là elle devoit aller
livrer bataille au Roi d'Angleterre,
campé avec fes principales forces
devant Boulogne, ou l'obliger de fe
retirer; l'on fe propofoit auffi de re-
prendre cette derniere place avant
que les Anglois euffent eu le tems
de la réparer. Le Duc de Norfolck,
qui affiégeoit Montreuil, ayant eu
avis que notre armée s'approchoit
d'Hedin,craignant qu'elle ne fe jettât
entre Boulogne & fon camp, hâta fa
retraite, & pria le Comte de Bures
de l'accompagner jufqu'en lieu de
fûreté. Henri ne jugeant pas qu'a-
vec fes forces feules, il pût faire
tête à celles de France, fit embar-
quer une partie de fa groffe artille
rie, & reprit la route de Calais,
après avoir laiffé dans Boulogne une
forte garnison fous les ordres de Mi-

[ocr errors]

ford Seimer, frere de la feue Reine, 1544. qui fut mere d'Edouard, Succeffeur de Henri VIII.

Les François

tilement de

Monfieur le Dauphin ayant été effayent u averti que le fiége de Montreuil étoit reprendre levé, & que le Roi d'Angleterre ette place. s'étoit retiré avec tant de précipitation, qu'il avoit laiffé la plus grande partie de fon artillerie, avec toutes fes munitions de guerre & de bouche dans la ville baffe de Boulogne, qui étoit ouverte de toutes parts, réfolut d'aller furprendre cette place; & pour cet effet, il partit d'Auchi-le-château, & s'avança jufqu'à la Marquife, à mi-chemin de Boulogne & de Calais, où il fit faire alte à fon armée. Le Capitaine Fouqueffoles, & le Colonel Tais furent chargés de l'exécution de l'entreprise, & on leur donna fix mille Grifons pour les foutenir, & qui avoient ordre de fe pofter dans un vallon: mais il me femble que l'on auroit du jetter une tête de dix à douze Enfeignes entre la ville haute & la ville baffe, pour empêcher que les Anglois, qui étoient dans la 'ville haute, ne puffent faire des forties; & ce fut là une précaution qui

fut négligée. L'on oublia auffi de pofter dans la place d'armes de la 1144. ville baffe, cinq ou fix Enfeignes, & c'eût été là où les troupes fe fuffent raffemblées en cas d'allarme. Fouqueffoles,conformément aux ordres qui lui avoient été donnés, fit fa premiere attaque, & fut fuivi de près par le Golonel Tais. Ils forcerent la baffe ville', & pafferent au fil de l'épée tout ce qui s'y étoit mis en défense: mais pendant que les foldats s'amusoient au pillage, cinq ou fix Enfeignes des ennemis, qui étoient fortis de la ville haute, fondirent tout-à-coup fur eux avec tant de furie, qu'ils les mirent en déroute. Le Capitaine Fouqueffoles fut tué fur la place, & le Capitaine Tais bleffé d'un coup de fleche. Ce fut envain que l'on s'efforça de rallier les fuyards; menaces, remontrances, rien ne put les engager à retourner à la charge, quoiqu'ils fuffent bien fupérieurs en nombre & qu'il fe trouvât parmi eux d'auffi bons foldats qu'il y en eût alors en Europe. D'ou je conclus que la principale attention d'un Chef qui forme quelque entreprise, doit être de pré

1

« AnteriorContinuar »