fons de Witgh feroient dans les Provinces voifines; que la poffeffion 1545. de Porftmouth mettoit en notre difpofition le trajet d'Angleterre en Flandres, en Espagne & en France, ce qui reduiroit les Anglois à l'impoffibilité de fecourir ce qu'ils tenoient dans la Picardie, & enfin qu'au bout de quelque tems, l'Isle étant bien cultivée pourroit rapporter autant de grains qu'il en faudroit la fubfiftance des troupes qui la garderoient. pour Tais, Saint Remi, & quelques autres Capitaines opinerent bien différemment; ils remontrerent qu'il n'y avoit qu'un feul endroit dans 'Ife qui pût être fortifié, que cet endroit étoit en demi cercle, qu'il y plus grands dangers, parce que la 1545. premiere tourmente qui furviendroit dans ce long espace de tems, briferoit tous les vaiffeaux François, ou du moins les diffiperoit avec d'autant plus de facilité, qu'ils n'auroient aucun port pour se refugier; & que quand on éviteroit cet inconvenient on feroit toujours obligé de laiffer dans l'Ifle au moins fix mille foldats, ce qui ne se pourroit fans dégarnir tellement la flotte qu'elle ne feroit plus en état de réfifter à celle des Anglois, s'ils venoient l'attaquer. Toutes ces raifons furent approuvées ; & il fut décidé que l'on remettroit à la voile pour retourner fur les côtes de France; mais n'en déplaise à Meffieurs de Tais & de Saint Remi, je crois que l'on auroit dû profiter de l'occafion qui fe préfentoit de rendre au Roi le plus important de tous les services, en le délivrant des inquiétudes que lui caufoit l'Angleterre, & cette occafion on ne pouvoit efpérer de la retrouver de longtems. Mais Dieu conduit les chofes felon qu'il lui plait. Cependant les Galeres, après s'être pourvûe d'eau firent voile vers Douvres & côtoyerent l'Ifle 1545. de Wigth. L'endroit qui fe trouva le plus propre à fe rafraichir étoit au bas d'une montagne à l'extrêmité de cette Ifle, vis-à-vis le Havre de Grace. Le Chevalier d'Aux, Provençal, Capitaine d'une des Galeres qui avoient été conftruites en Normandie, crut ne pouvoir prendre-trop de précautions pour mettre fes gens à couvert de toute furprife; & pour cet effet il alla avec une petite troupe faire le guet fur le haut de la montagne, où un grand nombre d'Anglois s'étoient mis en embuscade. La charge qu'ils firent fut fi brufque & fi vive que le Chevalier fe vit en un inftant abandonné de tous fes gens qui prirent honteufement la fuite. Bleffé d'une fleche qui lui perça le genouil, il fut d'abord renverfé; & au moment qu'il fe relevoit on lui déchargea fur la tête un coup de vonge qui fit fauter fon morion, & un fecond coup lui partagea la tête en deux. Le Roi perdit dans ce brave homme un excellent Officier, également fage & vaillant, Pendant que quelques Anglois s'amusoient à 1545. le défarmer, leurs compagnons pourfuivirent nos gens jufqu'à la vie de notre flotte. Le Colonel Tais com mandé pour les aller rallier & les foutenir, les joignit avec une troupe de foldats déterminés, & marcha fiérement à l'ennemi, qui fut obligé de reculer, & regagna la montagne. Le Prieur de Capoue tomba dans un autre embufcade; mais il fe trouva heureusement fi bien accompagné, que ceux qui l'attaquerent furent mis en déroute, après avoir vû trente de leurs compagnons paffés au fil de l'épée. France. Notre ficte Les provifions d'eau étant faites, revient en la flotte remit à la voile, & l'Amiral fe chargea de conduire l'arrieregarde compofée des galeres. Le vent nous fut fi favorable que nos vaiffeaux arriverent à Valfeau, village qui fe trouve à quatorze lieues de l'Ile de Witgh, avant que les galeres paruffent en mer. La beauté du lieu tenta quelques-uns de nos foldats, & ils firent la faute de def cendre, & de s'éloigner de la flotte, mais leur imprudence leur coûta cher. S'étant approchés d'un village qui étoit à l'écart & qu'ils fe propofoient de piller, une partie de la 1545. troupe, à l'aide de quelques planches paffa un ruiffeau alors affez profond à caufe du reflux de la mer; mais à peine eurent-ils paffé, que les Anglois qui étoient près de-là en embuscade dans un fort les chargerent vivement, & les obligerent de prendre la fuite; il y en eut plufieurs qui fe noyerent en repaffant le ruiffeau, & ceux qui fçavoient nager fe fauverent à la faveur de leurs compagnons qui étant de l'autre côté de l'eau les foutinrent par le feu de leurs arquebufes. Sur ces entrefaites arriverent nos galeres qui éloignerent l'ennemi à coups de canon. . Sur le foir la flotte fit voile vers Blanchef, cotoya la Rie & s'approcha de Douvres, d'où elle prit le chemin de Boulogne, & prit terre au Portet, à un quart de lieue en deça de Boulogne: ce fut-là que l'Amiral jetta dans les forts que l'on bâtiffoit autour de cette place quatre mille foldats, & trois mille Pioniers. Il eft donc vrai qu'il auroit pû les laiffer dans l'Ile de Wigth, ce |