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nous y confiderons ce qui prévient tout raifonnement & toute réflexion, & ce qui fuit naturellement la direction des efprits pour caufer certains mouvemens. Et encore que nous ayons vû dans le Chapitre de l'Ame, que les paffions fe diverfifient à la préfence, ou à l'absence des objets, & par la facilité ou à la difficulté de les acquerir, ce n'eft pas qu'il intervienne une réflexion par laquelle nous conceviens l'objet préfent ou abfent, facile ou difficile à acquerir; mais c'eft que l'éloignement auffi-bien que la préfence de l'objet, ont leurs caracteres propres qui fe marquent dans lesorganes & dans le cerveau, d'où fuivent dans tout le corps les difpofitions convenables, & dans l'ame auffi des fentimens & des défirs proportionnés.

Au refte il est bien certain que les réflexions qui fuivent après, augmentent ou rallentiffent les paffions:mais ce n'eft pas encore de quoi il s'agit. Je ne regarde ici que le premier coup que porte la paffion au corps & à l'ame. Et il me fuffit d'avoir obfervé comme une chofe indubitable,que le corps eft difpofé par les paffions à de certains mouvemens, & que l'ame eft en même-temps puill mment portée à y confentir. De-là vien

XII.

fet de l'union

nent les efforts qu'elle fait quand il faut par vertu s'éloigner des chofes où le corpseft difpofé. Elle s'apperçoit alors combien elle y tient, & que la correspondance n'eft que trop grande.

Jufques ici nous avons regardé dans l'ame, ce qui fuit les mouvemens du corps. Voyons maintenant dans le corps ce qui fuit les penfées de l'ame.

C'eft ici le bel endroit de l'homme Second ef- Dans ce que nous venons de voir, c'estde l'ame & à-dire dans les opérations fenfuelles, du corps, où l'ame eft affujettie au corps; mais dans mouvemens les opérations intellectuelles que nous du corps af allons confiderer, non feulement elle actions de eft libre; mais elle commande.

fe voyent les

fujettis aux

J'ame.

Et il lui convenoit d'être la maîtreffe, parce qu'elle eft la plus noble, & qu'elle. eft née par confequent pour commander Nous voyons en effet comme nos membres fe meuyent à fon commandement, & comme le corps fe tranfporte promptement où elle veut.

Un auffi prompt effet du commande. ment de l'ame, ne nous donne plus d'admiration, parce nous y fommes accoû tumés: mais nous en demeurons étonnés fi peu que nous y faffions de réflexion,

Pour remuer la main, nous avons vû qu'il faut faire agir premierement le cer

Veau, & enfuite les efprits, les nerfs & les mufcles, & cependant de toutes ces parties il n'y a fouvent que la main qui nous foit connue. Sans connoître toutes les autres, ni les refforts interieurs qui font mouvoir notre main, il ne laiffe pas d'agir, pourvû que nous yeuillions feulement la remuer.

Il en eft de même des autres membres qui obéiffent à la volonté. Je veux exprimer ma pensée, les paroles convenables me fortent auffi-tôt de la bouche, fans que je fache aucun des mouvemens que doivent faire pour les former la langue ou les lévres, encore moins ceux du cerveau, du poulmon & de la trachéeartere, puifque je ne fçai pas méme naturellement fi j'ai de telles parties, & que j'ai eu befoin de m'étudier moimême pour le fçavoir.

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A

Que je veuille avaler, la trachéeartere fe ferme infailliblement fans que je fonge à la remuer, & fans que je la connoiffe, ni que je la fente agir.

Que je veuille regarder loin, la prunelle de l'œil fe dilate, & au contraire elle fe refferre quand je veux regarder de prés, fans que je fçache qu'elle foit capable de ce mouvement, ou en quelle partie précisément il fe fait. Il y a une

infinité d'autres mouvemens femblables qui fe font dans notre corps à notre feule volonté, fans que nous fçachions comment ni pourquoi,ni même s'ils fe font.

Celui de la refpiration eft admirable, en ce que nous le fufpendons & l'avançons quand il nous plaît. Ce qui étoit neceffaire pour avoir le libre ufage de la parole, & cependant quand nous dormons, elle fe fait fans que notre volonté y ait part.

Ainfi pour fecret merveilleux, le mouvement de tant de parties, dont nous n'avons nulle connoiffance, ne

laiffe pas de dépendre de notre volonté.. Nous n'avons qu'à nous propofer

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willy, pay you

de regarder, de parler, ou de marcher, auffi-tôt mille refforts inconnus des efprits, des nerfs, des muscles, & le cerveau même qui mene tous ces mouvemens, fe remuent pour le duire, fans que nous connoiffions autre chofe, fi-non que nous le voulons, & qu'auffi-tôt que nous le voulons l'ef◄ fet s'enfuit.

pro

Et outre tous ces mouvemens qui dé-. pendent du cerveau,il faut que nous exercions fur le cerveau même un pouvoir immédiat, puifque nous pouvons être

attentifs quand nous le voulons, ce qui ne fe fait pas fans quelque tenfion du cerveau,comme l'experience le fait voir.

Par cette même attention, nous mettons volontairement certaines chofes dans notre mémoire, que nous appellons auffi quand il nous plaît,avec plus ou moins de peine, fuivant que le cerveau est bien ou mal difpofé.

Car il en eft de cette partie comme des autres, qui pour être en état d'obéir à l'ame, demande certaines difpofitions, ce qui montre en paffant, que le pouvoir de l'ame fur le corps a fes limites.

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Afin donc que l'ame commande avec effet, il faut toûjours fuppofer que les parties foient bien difpofées. & que le corps foit en bon état. Car quelquefois on a beau vouloir marcher, il fe fera jetté telle humeur fur les jambes, ou tout le corps fe trouvera fi foible par l'épuifement des efprits, que cette volonté fera inutile.

Il y a pourtant certains empêchemens dans les parties qu'une forte volonté peut furmouter, & c'eft un grand effet du pouvoir de l'ame fur le corps,qu'elle puille même délier des organes,qui juf queslà avoient été empêchés dagir, comme ont dit du fils de Créfus, qui ayant

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