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mouvement continué fur les mêmes regles,& en conformité du premier branle que

la nature a reçû au commencement. Quel Architecte eft celui qui faifant un bâtiment caduc > y met un principe pour fe relever dans fes ruines, & qui fçait immortalifer par tels moyens fon ouvrage en general, ne pourra-t-il pas immortalifer quelque ouvrage qu'il luy plaira en particulier?

Si nous confiderons une plante qui porte en elle-même la graine, d'où il fe forme une autre plante, nous ferons forcés d'avouer qu'il y a dans cette graine un principe fecret d'ordre & d'arrangement, puifqu'on voit les branches, les feuilles, les fleurs & les fruits s'expliquer & fe déveloper de-là aveċ une telle regularité, & nous verrons en même temps qu'il n'y a qu'une profonde fageffe qui ait pû renfermer toutte une grande plante dans une fi petite graine, & l'en faire fortir par des mouvemens fi reglés.

Mais la formation de nos corps eft beaucoup plus admirable, puifqu'il y a fans comparaifon plus de juftefle plus de varieté, & plus de tre toutes leurs parties..

rapports en

Il n'y a rien certainement de plus

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merveilleux que de confiderer tout t grand ouvrage dans fes premiers principes, où il eft comme ramaffé, & où il fe trouve tout entier en petit.

On admire avec raifon la beauté & l'artifice d'un moule, ou la matiere étant jettée, il s'en forme un vifage fait au naturel, ou quelque autre figure reguliere. Mais tout cela eft groffier à comparaifon des principes d'où vien nent nos corps, par lefquels une fi belle ftructure fe forme de fi petits com mencemens, fe conferve d'une ma niere fi aifée & fi admirable, fe réparé dans fa chûte & fe perpetue par un ordre fi immuable.

Les plantes & les animaux,en fe per petuant fans deffein les uns les autres avec une exacte reffemblance, font voir qu'ils ont été une fois formés avec deffein fur un modéle immuable, fur une idée éternelle.

Ainfi nos corps dans leur formation & dans leur conservation, portent la marque d'une invention, d'un deffein, d'une induftrie explicable. Tout y a fa raison, tout y a fa fin, tout y a fa proportion & fa mefure, & par con Lequent tout eft fait par art,

veilleux

Mais que ferviroit à l'ame d'avoir III. an corps fi fagement conftruit, fi elle Deffein met. qui le doit conduire n'étoit avertie de dans les fent fes befoins? Auffi l'eft-elle admirable- fations, & ment par les fenfations, qui lui fervent fes qui en à difcerner les objets qui peuvent dé- dépendent. truire, ou entretenir en bon état le corps qui lui eft uni.

Bien plus, il a fallu qu'elle fût obligée à en prendre foin par quelque chofe de fort. C'est ce que font le plaifir & la douleur, qui lui venant à l'occafion des befoins du corps, ou de fes bonnes difpofitions, l'engagent à pourvoir à ce qui le touche.

Au refte, nous avons affez obfervé la jufte proportion qui fe trouve entre Tébranlement paffager des nerfs & les fenfations, entre les impreffions permanentes du cerveau, & les imagina tions qui devoient durer & fe renouveller de temps en temps, enfin entre ces fecrettes difpofitions du corps qui l'ébranlent pour s'approcher ou s'éloigner de certains objets, & les defirs ou les averfions, par lefquelles l'ame s'y unit, ou s'en éloigne par la penfée.

Par-là s'entend admirablement bien T'ordre que tiennent la fenfation, l'imagination, & la paffion, tant entre elles

dans les cho

neceffaire

tions, & re

rieurs, de

qu'à l'égard des mouvemens corporels d'où elles dépendent. Et ce qui acheve de faire voir la beauté d'une proportion fi jufte, eft que la même fuite qui fe trouve entre trois difpofitions du corps, fe trouve auffi entre trois difpofitions de l'ame. Je veux dire que comme la difpofition qu'a le corps dans les paffions à s'avancer ou fe reculer, dépend des impreffions du cerveau, & les impreffions du cerveau de l'ébranlement des nerfs, ainfi le defir & les averfions dépendent naturellement des imaginations, comme celles-ci dépendent des fenfations.

IV. Mais quoique l'ame foit avertie des La raifon befoins du corps, & de la diverfité des pour juger objets par les fenfations & les paffions, des fenfa elle ne profiteroit pas de ces avertiffegler les mou. mens fans ce principe fecret de raisonvemens exte nement par lequel elle comprend les voit nousetre rapports des chofes, & juge de ce que donnée,&ne les chofes lui font experimenter. l'a pas été fansurgrand Ce même principe de raisonnement la fait fortir de fon corps, pour fe jetter -par la pensée fur le refte de la nature, & comprendre l'enchaînement des parties qui compofent un fi grand tout. Aces connoiffances devoit être jointe une volonté maîtreffe d'elle-même, & capable d'ufer felon la raifon, des or

deflein,

ganes, des fentimens, & des connoiffan

ces mêmes.

Et c'étoit de cette volonté qu'il falloit faire dépendre les membres du corps, afin que la partie principale eût l'empire qui lui convenoit fur la moindre."

Auffioyons nous qu'il eft ainf. Nos mufcles agiffent, nos membres remuent, & notre corps eft tranfporté à l'inftant que nous le voulons. Cet empire eft une image du pouvoir abfolu de Dieu, qui remue tout l'Univers par fa volonté, & fait tout ce qu'il lui plaît.

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Et il a tellement voulu que tous ces mouvemens de notre corps ferviffent à la volonté, que même les involontaires, par où fe fait la diftribution des efprits & des alimens, tendent naturellement

à rendre le corps plus fouples puifque jamais il n'obéit mieux que lorfqu'il eft fain, c'eft-à-dire, quand ces mouvemens naturels & interieurs, vont felon leur regle.

Ainfi les mouvemens interieurs qui font naturels & néceffaires, fervent à faciliter les mouvemens exterieurs qui font volontaires.

Mais en même temps que Dieu a foûmis à la volonté les mouvemens exte-rieurs, il nous a laiffé deux marques

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