Tripoli. Le Grand-Maître ne douta point que Soliman ne fit affiéger cette place; il fit partir le Commandeur George Scheiling, avec plufieurs Chevaliers & plufieurs Soldats pour en augmenter la Garnifon. Il y envoya toutes fortes de munitions, & ordonna au Commandeur Borigella de fe mettre en mer avec les Galeres pour s'opofer aux Corfaires qui troubloient la Navigation.

Mulei Affam envoya un Cherif & Anfranio Camugi pour demander du secours au Grand-Maître & à l'Empereur. Le Grand-Maître fit détacher un Regiment d'Infanterie & deux cents Chevaliers, & ordonna à Borigella de les conduire en Afrique. Les Commandeurs de ToucheBoeuf & Clermont commandoient les Chevaliers, & Grolée étoit Colonel de l'Infanterie; ils partirent le trente May. Les Chevaliers rencontrerent près de Sardaigne la Flote de l'Empereur & du S. Siege, l'Empereur y étoit en Perfonne; ils firent trois décharges d'artillerie,& baifferent trois fois Pavillon pour faluer la Reale, & la Capitaine de Malte prit la gauche de la Reale; celle du Pape étoit à la droite. La Flote étoit compofée de fix cents bâtiments, le Prieur de Pife & le Cherif du Roy d'Alger entrerent dans la

Réale pour faluer l'Empereur.

II.

Prife de la

La Flote arriva heureufement le ving--
huitiéme Juin à Porto-Farina, c'est l'an-
cien Port Dulique, d'où elle partit pour Goulete.
la Goulete. L'armée prit terre, & le cam-

pa
entre la Tour de l' Eau & les Salins.Ta-
bac Gouverneur de la Place fit une for-
tie avec la Garnifon; il repouffa les Ef-
pagnols & les fit reculer affez loin. Spinola
voulut les ralier,& les mener à la charge;
les Turcs l'enveloperent & le pafferent au
fil de l'épée. Tabac avança toujours, &
vint attaquer les retranchemens des Ef-
pagnols; il ne put pourtant y entrer, &
les Efpagnols les deffendirent avec ferme-
té. Tabac fe retira après avoir tué plu-
fieurs Espagnols & le Capitaine Mendez,
un des plus braves de l'armée, & avoir
enlevé un Drapeau.

Les Espagnols ouvrirent la tranchée, & drefferent leur Batterie contre la Goulete. Les Chevaliers étoient dans les Vaiffeaux la Caraque de Malte qui étoit un Vailfeau à trois Ponts, & qui portoit trente piéces de gros Canons, tiroit continuellement contre la place; Giafer Lieutenant de Tabac fit une feconde fortie, & vint attaquer la tranchée; les Efpagnols l'arrêterent avec leur Moufqueterie. Le Marquis du Gaft & Diego d'Avila fortirent

de la tranchée avec les Espagnols, & ils chafferent les Turcs; ils les pourfuivirent jufques fur les remparts, ils, planterent leurs Enfeignes, & s'y logerent.

La Caraque de la Religion abbatit la grande Tour, & démonta la batterie des ennemis du côté de la mer; elle batit les autres Tours, & les ouvrit en peu de temps'; & le quatorze de Juillet les Vaiffeaux & les Galeres fe rangerent en bataille devant la place. On donna enfuite le fignal pour l'affaut general. Les Troupes de terre monterent fur les bréches, les bâtiments ne pouvoient pas approcher de la place; le Chevalier Copier pris l'Enfeigne de la Religion, fe jetta dans l'eau, & marcha vers la place. Tous les Chevaliers le fuivirent, l'épée à la main 5 ils attaquerent le Boulevart où les Turcs les attendoient. Les Chevaliers fe rangerent en bataille, marcherent ferrés contre les ennemis, les chargerent & les chafferent du Bouleyart; ils entrerent enfuite dans la groffe Tour; les Turcs voyant que les Chevaliers étoient maîtres de la place défilerent par un Pont qui aboutisfoit à un étang, & fe retirerent à Tunis, après avoir perdu quinze cents hommes. Les Chrétiens en perdirent cinq cents; ils pillerent la Ville, prirent huit Gale

res, quelques Galiotes que les Turcs avoient abandonné dans le Port, & trois cents piéces de Canon..

III.

Prife de

L'Empereur fit marcher fon armée par terre, & la mena devant Tunis. Barbe- Tunis. rouffe affembla toutes les Troupes des Turcs, envoya chercher la Cavalerie des Arabes; & l'ayant fait venir, il fe préfenta devant l'armée de Charles-Quint. La Cavalerie vint charger l'Infanterie Efs pagnole, le fabre à la main; les premiers rangs reculerent; l'Empereur détacha les Gendarmes de fa Garde pour arrêter les Arabes, les Gendarmes pafferent-au fil de l'épée les premiers Arabes qu'ils rencontrerent; & comme ils avoient l'avantagé des Chevaux, ils renverferent leurs rangs, & les mirent en fuite, & Barbe rouffe fe retira.

Il revint quelques temps après avec la Cavalerie pour charger l'Infanterie Allemande; les Allemands préfenterent leurs piques, & arrêterent les ennemis. La Cavalerie de l'Empereur les attaqua par efcadrons, les renverfa confufément les uns fur les autres,en tailla en piéces un grand nombre, fans leur donner le temps de le deffendre, & les obligea de fuïren défordre. Barberouffe fe retira dans Tunis ;

l'Empereur y mit le Siége. Mulei Aflam

vint le faluer & le remercier de la peine qu'il prenoit pour le mettre fur fon Trône. Les Efpagnols & les Allemands ouvrirent la tranchée. Les Chevaliers gardoient les bâtiments de mer; ils demanderent d'être employez pour le fiége; l'Empereur leur répondit qu'ils étoient neceffaires fur mer pour garantir la Flote des attaques de Barberouffe. Les efclaves Chrétiens furent tous mis en prifon, & Barberouffe ordonna de les faire mourir. Deux Chevaliers nommez Paul & Simon parlerent à Vincent de Cataro & à François de Mitilene, deux rénegats, & les exhorterent de fauver les Chrétiens. Ces deux rénegats avoient encore quelque inclination pour leur premiere réligion; ils écouterent les Chevaliers, & fuivirent leurs fentiments. Ils ôterent les fers aux efclaves, & leur ouvrirent les portes de la prifon du Château où ils étoient enfermez.

les

Ramadan Gouverneur du Château voyant les efclaves qui fe répandoient dans la place, courut aux armes pour arrêter; les efclaves enfoncerent l'Arcenal, s'armerent de fabres & de lances, & attaquerent la Garnifon du Château, la taillerent en piéces,& mirent en fuite Ramandan. Ils arborerent un Enfeigne pour