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tueufes; & que par ce moyen il engagera tout le monde à devenir vertueux.

La Pauvreté répond, & prouve en forme, que fi cela arrive, ou fi tout le monde eft riche, il n'y aura plus ni maîtres ni valets, ni fubordination ni arts; par conféquent que les richesses deviendront tout-à-fait inutiles. Elle conclát que Pindigence eft la mere de tout bon gouvernement.

Chrémyle prend la chofe au pire, & fait un tableau parlant d'une extrême mifere, qui réduit des malheureux à manquer absolument de tout. Ainsi, à fon gré, la Pauvreté ne prouve. rien en prouvant trop

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Elle réplique fans prendre le change. Elle reproche aux acteurs, ou plutôt aux Athéniens de confondre la vertu & le vice, la guéuferie criminelle & volontaire avec une honnête médiocrité, Thrafybule avec Denys: Thrafybule étoit celui qui avoit chaffé d'Athènes les gotyrans, établis par les Lacédémoniens paprès la conquête de cette ville par Lyfander. Denys, tyran de Syracuse, est trop connu pour en parler. si

Le bourgeois ripofte & fe jette fur l'épargne qui ne produit que beaucoup de travail & peu de fruit, , pas même fouvent de quoi fe faire enterrer. Mais la pauvreté ne fe rend pas à ce badinage. Elle fe compare avec Plutus, & montre que les

* Jamais à craindre pour les gens de bien.

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hommes n'ont de lui que des maladies héréditai res, au lieu qu'ils obtiennent d'elle la fanté & la force qui les rend redoutables aux ennemis. Elle passe aux avantages plus réels. Plutus n'enfante que des vices, l'orgueil fur-tout & l'infolence, tandis qu'elle met au jour les vertus, l'honnêteté & la modération. On drappe ici les juges & les orateurs eh paffant. Tandis qu'ils font pauvres, ils font » équitables: deviennent-ils riches? les voilà in » juftes». Chrémyle convient de ce dernier point; mais toutes les belles raifons de la Pauvreté ne le touchent nullement en fa faveur. Elle a beau dire que les hommes ne la fuyent que parce qu'elle les rend meilleurs, comme les enfans fuyent leurs peres qui veulent les rendre fages, le bourgeois retombe fur Jupiter'; & il dit d'une maniere impie · que ce dieu garde Pluturs pour lui, & donne la Pauvreté aux hommes. La vieille déeffe, qui ne s'attendoit point à cette objection, y répond d'une façon affez finguliere; c'eft que «fi Jupiter étoit » riche il ne s'aviferoit pas de ne donner qu'une fimple couronne de laurier, au lieu d'une cou» ronne d'or aux vainqueurs des jeux olym» piques ». L'on ne fçait fi elle juftifie ou fi elle raille Jupiter, fous prétexte de le juftifier. Cette fcène eft mene remplie d'un air fi goguenard, même malgré la morale qui femble y régner, › qu'on n'en fçauroit juger autre chofe, finon Si

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poëte a voulu fe divertir de tout. Il traite du même air les festins que faifoient les riches à Proferpine chaque mois, & que les pauvres avoient grand foin d'enlever, en difant que la Lune ou Hécate avoit tout mangé. La Pauvreté eft donc congédiée avec fes raisonnemens ; & elle ne fe venge qu'en déclarant aux acteurs qu'ils la rappelleront un jour. Comme ils poffedent Plutus, ils s'embarraffent peu de fes menaces, & ne fongent plus qu'à conduire ce dieu aveugle au temple d'Efculape, pour être guéri.

ACTE III.

Tout ce qui a précédé s'est paffé fans doute le foir, & même affez tard: car il n'eft pas croyable qu'Ariftophane eût mis une nuit toute entiere & plus, entre deux actes. Il s'agiffoit toutefois de mener Plutus dormir dans le temple du dieumédecin, suivant l'ufage de ceux qui vouloient guérir par fon opération. Mais comme il fuffifoit apparemment d'y dormir quelques heures, l'on peut fuppofer que Plutus en aura employé peu, fans qu'on foit obligé de croire avec madame Dacier, que cette piéce d'Ariftophane ait été jouée à deux reprises.

Carion revient donc du temple dès le grand matin, & appercevant les payfans qui ont attendu l'iffue de l'opération d'Efculape : « Bonne nou

» velle, s'écrie-t-il, courage, gens de bien, qui " avez fait fi mauvaise chere aux fêtes mêmes de » Théfée ; vous allez tous être à votre aise ».

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Il y avoit des repas fondés pour pauvres en l'honneur de Théfée, ancien roi d'Athènes, repas qui, par avarice, étoient dégénérés en fort peu de chofe.

Les payfans piqués de curiofité s'assemblent autour du valet, qui leur dit nettement que Plutus a recouvré l'ufage des yeux. Ceux-ci, pour remercier Esculape, jettent des cris de joye, qui attirent la femme de Chrémyle (que madame Dacier nomme Myrrhine, en donnant ainfi des noms à quelques autres perfonnages qui n'en ont point chez le poëte.) La femme en question, non moins curieufe que les hommes, brûle de fçavoir d'où viennent ces cris d'heureux préfage. Son valet fait précisément comme les valets de Térence & de Moliere, ou plutôt ceux-ci font comme celui-là. On a beau le presser avec impatience, il faut qu'il raconte la chofe tout au long avant que de venir au fait.

Ce récit, fouvent interrompu par fa maîtresse, eft une scène fort maligne contre Efculape, ou pour mieux dire, contre fes prêtres ; & il devient comique, tant par les interruptions de la villageoife, que par la malignité naïve du valet : Carion commence, comme l'on dity AB OVO. On

d'abord baigné Plutus dans la mer. « Belle céré » monie, dit la femme, de plonger un vieillard » dans l'eau froide ! Le voila fort chanceux ! » raillerie contre les ablutions payennes. Carion continue: «< « Arrivés au temple, ils ont mis fur l'autel les offrandes accoutumées. Ils ont fait » coucher Plutus dans un lit, & fe font couchés » eux-mêmes, comme ils ont pû. Y avoit-il » d'autres gens qui euffent befoin d'Efculape » dit la femme ? Sans doute, répond-il. Hé, Néoclidès étoit, ce voleur fi fubtil, quoiqu'aveugle ». C'étoit un juge ou un orateur concuffionnaire & incommodé des yeux. Il en a été déjà parlé dans les HARANGUEUSES,

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Carion le note parmi bien d'autres malades de même efpéce. « Cependant, dit-il, le facrificateur éteint les lumieres, ordonne un fommeil religieux, ou du moins le filence, en cas qu'on » entende le fifflement du dieu ferpent. On dort, » ou l'on en fait femblant mais Carion fentoit » la marmite d'une vieille, & alleché. l'o

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deur, il ne pouvoit fermer l'œil. Il met le nés » hors du lit, lorgne ce qui fe paffe, & voit le

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facrificateur qui enlevoit fans bruit toutes les ➜ offrandes bonnes à manger, & qui les mettoit » dans un fac. Get exemple le tente. Pour imiter » la dévotion du facrificateur, il fe jette fur le * potage de la vieille, Quoi, miférable, (reprend

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