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vages en général, et la promptitude avec 1776. laquelle ils passent tout-à-coup d'un état Janv. de paix et de tranquillité à la rapine et au carnage, sont bien suffisans pour justifier nos soupçons et nos précautions. Depuis mon retour en Suède, j'ai reçu dernièrement une lettre de M. Immelman datée du Cap le 25 mars 1781. Il m'apprend dans cette lettre, que les Caffres en ce moment ravagent les possessions des fermiers Chrétiens; qu'entr'autres, mon vieux et digne hôte Prinstlo, le premier chez qui j'avois logé à Bruntjes-hoogte, a eu la dou-leur de voir sa maison réduite en cendres par ces barbares, après avoir perdu ses nombreux troupeaux de bétail, dont il n'a pu sauver que six boeufs. Une femme nommée Koestje, se sauvant avec précipitation, a été forcée de laisser derrière elle un de ses enfans, qu'elle a retrouvé ensuite. percé de sept hassagays. La perte que les Chrétiens ont faite dans cette circonstance, est montée à vingt et un mille têtes de bétail. Les Caffres, de leur côté, n'avoient pas en propre le tiers de cette quantité. Ils : avoient à leur tête, me dit M. Immelman, les capitaines MOSAN et KOBA. Je ne puis dire s'ils étoient de ceux qui nous affligè-rent de leur visite, ayant oublié de pren

dre

dre note de leurs noms. Vers le minuit, nous eûmes de la pluie, du tonnerre et 1776. des éclairs.

Le lendemain matin 22, à dix heures, toute la troupe des Caffres partit sans nous dire adieu, après avoir sous prétexte de nous vendre une vache, tenté de voir tout le fer et le cuivre qu'ils croyoient être dans notre chariot. Cependant, afin de ne leur donner aucun sujet de tentation, je leur montrai seulement les plantes et insectes, dont nous avions bonne provision, en leur disant que c'étoient les seuls objets précieux que nous eussions avec nous. Je me doutois bien qu'ils n'auroient pas voulu échanger leur vache contre toute ma collection.

Ils prirent leur route vers Agter Bruntjes-hoogte, et rencontrèrent en chemin trois fermiers, Jacob Potgieter, son fils Flip, et son gendre Fr. Labescanje, qui venoient, comme nous en étions convenus, suivis de trois Hottentots, se joindre à notre partie de chasse, et nous aider à assiéger et à tuer quelques vaches marines.

Comme il est expressément défendu aux Colons de faire aucune espèce de commerce avec les Hottentots et les Caffes; que d'ailleurs ces fermiers suspectoient, non Tome III,

L

Janv.

sans raison, les desseins des Caffres, et 3776. qu'ils craignoient que leur arrivée à BruntJanv. jes-hoogte n'inspirât au moins de la terreur,

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ils tâchèrent d'abord de les dissuader, d'une
manière amicale, d'aller jusque là; ensuite
ils eurent recours aux menaces qui leur
réussirent mieux, en leur protestant que
s'ils ne vouloient pas retourner directe-
ment et paisiblement à leurs habitations
ils alloient faire parmi eux un dégât affreux
avec leurs armes à feu; ce qu'ils auroient
pu faire en effet sans danger, étant mon-
tés sur de bons chevaux, et en prenant
les Caffres séparément : ceux-ci, de 'leur
côté, n'avoient pas oublié quel étoit l'effet
de ces armes.

Quant à l'extérieur de ces hommes, je
ne les trouvai pas en général aussi grands
que les Hottentots- gonaquas, et les autres
Caffres qui vivoient dans leur société ; ils
étoient aussi moins ornés de grains de verre
et de cuivre; mais ils étoient tout aussi
robustes.

En attendant l'arrivée des trois fermiers, et ne voyant dans cet endroit aucun sujet d'histoire naturelle qui méritât mon attention, je me mis à chercher dans la terre quelques antiquités. J'avois déjà observé pendant ma prémière résidence près de la

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grande Vish-rivier, des monceaux de pierre plus gros que ceux que j'avois vus près de 1776. Grakeel rivier, et composés de pierres aussi Janv. grosses. Ils avoient de trois à quatre ou quatre pieds et demi de hauteur, et à la base, six, huit et dix pieds de diamètre; ils étoient situés à la distance de dix, vingt, cinquante, deux cent pas et même plus, l'un de l'autre, mais constamment entre deux points particuliers du compas, et conséquemment en lignes droites et toujours parallèles.

J'ai aussi trouvé de ces tas de pierres éloignés de ce lieu de la distance de plusieurs journées, et je tiens des Colons. qu'ils se prolongent fort avant dans le nord. à travers les plaines incultes (Sneese- Vlak tens), où l'on trouve, m'ont-ils dit, un bien plus grand nombre de ces lignes parallèles. Ces monumens sont donc regardés comme des preuves incontestables que ce pays fut jadis habité par une race d'hommes plus puissans et plus nombreux que les Hottentots ou les Caffres, dont on connoît trop bien les cérémonies funéraires et les autres coutumes, mais surtout la paresse, pour les soupçonner d'être les auteurs d'ou vrages d'une si vaste étendue, et en appa rence si peu utiles.

On a formé sur l'intention de ces mon1776. ceaux de pierres, diverses conjectures, Janv. avec divers degrés de probabilité. Ce qu'il

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y a de certain, c'est qu'ils n'ont pu être formés que par des esclaves. Si ces hommes étoient attachés au joug de la supers tition ou à celui d'une monarchie ou d'une aristocratie, c'est ce que je n'entreprendrai point de décider. Dans le premier cas, on conçoit aisément qu'ils se crussent obligés de faire à leurs dieux tyranniques, des of frandes de ce genre, fort laborieuses et fort inutiles. Dans le second cas, on conçoit encore qu'ils aient pu être forcés de payer ce tribut à l'orgueil et à la vanité de quelque despote, qui, même après sa mort voulant immortaliser sa mémoire et assurer à sa cendre des honneurs imaginaires, ait inventé ce moyen de disloquer les bras et d'épuiser les forces de ses sujets survivans. Quoiqu'il en soit, ces pierres accumulées sont certainement des monumens antiques d'un siècle où quelque peuple nombreux, gémissant sous le fouet de la superstition, ou sous la verge de la tyrannie, et venant à se résoudre en un petit nombre de pâtres dispersés, a peut-être enfin dégénéré jusqu'à l'état actuel des Caffies, Hot tentots Boshis et autres Sauvages.

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