fut couvert et pluvieux. Nous vîmes un 1776. koedoe, et notre Hottentot tireur, qui étoit Févr. allé roder le long de Zondags-rivier, me

dit avoir vu une vache marine portant sur. son dos son petit, à l'instant où elle montoit au-dessus de l'eau pour respirer. Le Hottentot me dit qu'aussitôt qu'elle l'eut éventé, elle replongea tout son corps dans l'eau, excepté le bout du museau, et dès qu'elle avoit repris haleine, elle se plongeoit la tête en avant avec tant d'exactitude, que le petit alors n'avoit que le nez au-dessus de la surface de l'eau, et pouvoit aussi se souffler; exercice qu'elle répéta plusieurs fois.

Le 14, nous arrivâmes à Kuga; le thermomètre, à cinq heures, étoit à 72 degrés. Le 15, le thermomètre, au point du jour, étoit à 62. Nous vîmes quelques buffles et trois Hottentots fugitifs. Nous allâmes de nouveau visiter la saline, et y recruter quelques insectes. A midi, le thermomètre à l'ombre étoit à 90 degrés. Nous allâmes voir un petit craal de Caffres, qui s'étoient récemment établis à Zwart-kops-rivier. Nous rendîmes aussi visite, vers le haut de cette rivière, à un colon nommé Gert Skepper, qui résidoit en . cet endroit depuis long-tems, en partie con

formément aux ordres du gouvernement, et en partie contre ces mêmes ordres: car 1776. le gouvernement, qui, malgré qu'il eût Févr employé pendant long-tems des arpenteurs, étoit encore dans une obscurité profonde sur la géographie de cette contrée, n'avoit permis à aucuns colons de cultiver, ni d'habiter les terres au-delà de Kabeljaauw-rivier; mais il leur avoit permis de s'établir parItout où ils voudroient, au sud de Camdebo. Qu'avoit fait le rusé paysan ?il étoit venu prendre possession de cet emplacement, par le chemin du Cap à Camdebo, et par ce long détour, faisant prendre le change aux directeurs, il en obtint des lettres de cession, au lieu qu'il eût été trèssévérement puni, si pour parvenir au même endroit, il eût pris la route la plus courte et la plus commode.

Nous espérions faire en ce lieu notre provision de pain; nous fûmes trompés dans notre attente. Le fermier lui-même, depuis quelques jours aimoit mieux s'en passer, que d'avoir l'embarras de faire moudre du blé dans son moulin à bras. Il nous fallut donc vivre uniquement de viande. Depuis le cinq février jusqu'alors, nous avions toujours eu à notre disposition un peu de farine grossière, dont nos Hottentots, en

y ajoutant un peu d'eau et la pêtrissant, 1776. faisoient chaque jour une pâte, puis des Févr. galettes ou gâteaux de sept ou huit pouces

de diamètre, et épaisses environ d'un demipouce; leur manière de les faire cuire étoit facile et prompte, elle consistoit à poser ces galettes sur la terre échauffée par nos . feux, et à les couvrir ensuite de cendres. chaudes, et de quelques charbons.

Une petite société de Hottentots-Gunjemans, dont les ancêtres habitoient les environs de la montagne de la Table et de Constance, lorsque les Hollandois envahirent cette contrée, vivoient là en bonne intelligence avec le fermier. Ces hommes, autant que je pus voir, formoient depuis long-temps une petite société sans chef, sans pauvres, sans statuts ni loix pénales, comme sans crimes et sans forfaits. Ils n'avoient été réunis, et n'étoient actuellement gouvernés que par un amour inné pour la justice, par la douceur de leur caractère, et par

les coutumes et usages communs entre tous les Hottentots. Ceux que j'avois amenés avec moi de Zwellendam semblèrent avoir une si haute idée de la vertu, de la liberté et de l'état heureux de ces hommes, qu'ils étoient, me dirent-ils, décidés à venir partager leur bonheur, dès qu'ils auroient

T

fini avec nous le voyage jusqu'au Cap. Dans ce dessein, ils me sollicitèrent de leur 1776. acheter en cet endroit, pour chacun d'eux, Févr.. une vache et un veau, que suivant nos conventions, ils avoient droit de me demander pour leur récompense. Ces goûts et ces projets philosophiques dans des Hottentots, n'étoient pas faits pour les décréditer dans mon esprit. J'avançai donc pour eux des grains de verre, des boîtes de cuivre pour l'amadou, des couteaux, des briquets, pour la valeur de neuf ou dix rixdallers, et en considération de toute cette quincaillerie, ils eurent la permission de choisir entre tout le troupeau du craal, les deux plus belles vaches, qui furent mises à part pour eux.

La portion la plus considérable de ce troupeau appartenoit à une veuve Hottentote, qu'on estimpit riche de soixante vaches à lait, et c'étoit, au moins sous ce rapport, la plus respectable Hottentote que j'aie jamais connue : elle étoit sans enfans; un de ses cousins devoit être l'héritier de sa fortune. Elle avoit passé le milieu de l'âge, et dans sa jeunesse, elle avoit été une beauté dans le genre Hottentot. A l'exception d'un collier de coquilles d'un fort grand prix, et un bonnet de cérémonie (Voy. pl. I, tom. I.) que, par parenthèse, après bien

des résistances, elle me céda en échange de 1776. quelques autres objets, cette femme n'étoit Févr. pas mieux vêtue que les autres; elle n'avoit

ni plus d'anneaux de cuir aux bras et aux jambes, ni une plus belle peau de mouton sur les épaules, ni même plus de graisse sur le corps: il est vrai qu'outre quelques grains de verre ordinaires, je m'apperçus qu'elle tenoit de côté dans un petit sac deux cordons de petits grains de cuivre (1); c'étoient tous ses joyaux, et les seules richesses qui pussent exciter l'envie de ses compagnes. Il y a pourtant lieu de croire que ce vice ne peut jamais prendre de fortes racines dans des cœurs si doux et si paisibles. Cette femme, quoique la plus riche, n'en faisoit pas plus la fière avec les autres femmes qui fumoient sans cérémonie leurs pipes à côté d'elle, et mes Hottentots galans les remplissoient à toutes sans distinction, d'une meilleure sorte de tabac plus serré qu'ils avoient avec eux. De leur côté, en considération des étrangers, elles proposèrent un bal, qui devoit s'ouvrir à la nuit et au clair de la lune. Un peu fatigués, et sentant le besoin de sommeil, M. Immelman et moi nous renonçâmes au plaisir de voir et de

(1) Voy. tome premier page 312.

pouvoir