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mission la plus servile. Il étoit souvent luimême l'exécuteur de ses arrêts de mort; 1776. d'autres fois il ordonnoit à quelqu'un de sa Janva suite d'envoyer à l'autre monde celui qu'il avoit marqué pour victime de sa vengeance. Si le Hottentot balançoit à lui obéir, il lui passoit à lui-même sa javeline au travers du corps.

Sans doute il s'étoit fait des principes d'une politique fausse et mal entendue; peutêtre agissoit-il aussi par un penchant naturel à la cruauté; mais lorsque des Chrétiens firent à Ruyter des reproches de sa barbarie, il leur répondit : « C'est par un heureux hasard que je me suis soustrait aux atteintes de votre autorité : vous m'auriez pendu pour avoir tué mon adversaire, comme si j'avois commis un crime, tandis qu'il est généralement reconnu que tuer un ennemi est une action louable, et d'un homme de cœur. » Il se conduisit toujours envers les Colons en fidèle allié. En récompense du tabac et autres denrées dont ils lui faisoient présent, il leur prêtoit la main pour faire esclaves tous les Boshis vagabonds, qui ne vivoient pas sous sa jurisdiction. En tenant les Caffres en respect pour sa propre utilité, il rendoit un grand service aux Colons. Cependant, quoiqu'il fût très-jaloux de se maintenir en paix

avec eux, lorsque vers le milieu de sa vie 1776. il se vit au faite de sa puissance, il les receJanv. voit avec une arrogance extrême, insulte

que nous avions beaucoup de peine à digérer disoit mon auteur, de la part d'un vagabond de prince à peau de mouton. Il soutint pendant assez long-tems son importance et son rang, tant avec les Chrétiens qu'avec son peuple. Aujourd'hui devenu vieux et infirme, il n'est plus prince, mais seulement directeur d'une société beaucoup moins nombreuse et plus libre, composée d'environ deux cent hommes. Il reçoit à présent sans fierté et de la manière la plus amicale les Chrétiens ses anciennes connoissances, et leur demande les larmes aux yeux, un peu de tabac, non. plus comme un tribut, mais comme un cadeau qu'il est prêt à recevoir de leur générosité.

La conduite despotique par laquelle ce chef s'étoit rendu si fameux, si puissant pendant quelque tems et même si rédouté, a probablement été la cause de sa décadence: il est à croire qu'elle le précipitera plus bas encore, et qu'à la fin ce héros sauvage se verra réduit à l'état misérable du lion de la fable. Une autre cause a encore contribué à sa ruine. Ses sujets fatigués de l'ambition de leur chef et de sa discipline sévère, prirent un jour le parti de déserter au moment même

où, marchant vaillamment à leur tête, il les conduisoit à une expédition contre les Caffres. 1776. Ruyter n'avoit plus le pied léger comme dans Janv sa jeunesse, il ne put se sauver assez vîte, et il fut fait prisonnier. Comme on le reconnut pour chef des Hottentots, les Caffres, suivant l'usage, lui accordèrent la vie et le renvoyèrent à son peuple, après l'avoir menacé de lui arracher les yeux, si jamais il reprenoit les armes contr'eux. Cependant cet échec et la salutaire leçon que lui avoient donné ses ennemis, ne le corrigèrent pas; aussitôt qu'il eut rassemblé un certain nombre de ses sujets, il médita de nouvelles hostilités contre les Caffres; et pour dernière ressource, il s'efforça d'exciter contr'eux un autre chef d'une petite société de Boshis, qui lui promit son assistance et celle de ses sujets, dès qu'il auroit pu se procurer du fer pour armer ses flèches et faire les autres préparatifs nécessaires. Mais à la fin ceux ci soupçonnèrent et peut-être avec raison, que le vieux tiran, fatigué de lui-même et des revers de sa fortune, n'avoit d'autre intention dans cette entreprise que de chercher la mort, et ils craignirent de la trouver eux-mêmes en sa compagnie. Ruyter avoit, suivant la coutume des Hottentots, nommé le plus jeune de ces trois fils, héritier de ses biens et de son trône;

mais le peuple trouva qu'aucun des trois n'a1776. voit hérité des talens et des grandes qualités Janv. `du père, et refusa d'adopter l'un d'eux pour

leur chef.

que

Les Caffres ont une autre manière de combattre les Hottentots. Ils ne se servent, comme je l'ai déja dit, que de javelines qu'ils ne peuvent guère lancer avec succès qu'à vingt ou trente pas. Ils n'en portent avec eux, même au champ de bataille, que trois ou quatre, ensorte qu'ils sont bientôt désarmés, si les ennemis sont assez hardis et assez agiles pour ramasser toutes ces javelines lorsque les Caffres les ont lancées; mais ils se servent aussi de leur grand bouclier de cuir, et par une manière qu'ils ont de se resserrer et de se raccourcir, ils s'en couvrent le corps tout entier. J'ai vu un bâtard Caffre faire l'exercice de ses armes. Il paroît que lorsqu'ils se battent entr'eux, tout leur savoirfaire se réduit à se couvrir continuellement de leur bouclier, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, en sorte qu'on ne puisse aisément les toucher, ayant soin de tenir toujours leur hassagay ou dard tout prêt à frapper l'adversaire à l'endroit qu'il laisse découvert.

Les Boshis, qui ne portent point de bouclier, ont beaucoup d'avantage sur les Caffres, au moyen de leurs arcs et de leurs

flèches empoisonnées. Ils tiennent les Caffres éloignés d'eux aussi long-tems qu'ils veulent, 1776. et la blessure de ces flèches quoique moins Janua! douloureuse que celle des hassagays, est bien plus mortelle.

C'est par cette raison que les hommes Boshis de Ruyter battirent pendant si longtems les Caffres. Il est étonnant que ces derniers n'aient pas appris à faire usage comme eux d'arcs et de flèches. Ces deux manières de combattre n'annoncent pas, ce semble, beaucoup de courage, et ne semblent pas propres à former dans l'une et l'autre nation des guerriers bien vaillans.

Les esclaves qui sortent de chez les. Chré tiens sont ordinairement, si j'en puis juger par deux exemples, plus courageux et plus. aguerris. Aussi lorsqu'ils ont déserté let service de leurs maîtres, ils sont bien accueillis et protégés par les Caffres. Du moins peu de tems après notre arrivée dans ce canton, un prince Caffre, près duquel s'étoient réfugiés deux esclaves appartenans aux Chrétiens, refusa de les rendre, quoiqu'on lui offrît un ample dédommagement, donnant pour raison de son refus qu'ils étoient ses deux meilleurs guerriers.

Avant de reprendre le fil de mon journal, et de parler de la province de Bruntjes

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