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AN. 1262.

Rain. 1253. n. 2.

XIV.

Lettre contre

vouloir faire tort à perfonne. Au refus du roi, Albert étoit chargé d'offrir la couronne de Sicile à fon frere Charles comte d'Anjou & de Provence, à qui il l'avoit déja offerte neuf ans auparavant de la part

d'Innocent IV.

Saint Louis témoignoit au nonce Albert un grand M. Paleologue. défir de fecourir l'empire de Conftantinople, c'estRain, 1262.n.39. à-dire, l'empereur Boudouin & les Latins, qui prétendoient y rentrer : c'eft pourquoi le pape Urbain lui écrivit une lettre, où il dit en fubftance: Vous êtes le feul des princes Chrétiens, qui compatiffez sincerement aux maux de l'églife, & qui êtes toûjours prêt à la fecourir. Ainfi dans l'extrême affliction que nous a caufé la perte de Constantinople, nous avons d'abord tourné les yeux vers vous & nous vous avons envoyé l'évêque d'Agen, pour traiter de cette affaire avec vous & avec les prélats de Gal. Chr. to. z. Votre royaume. Cet évêque étoit Guillaume de Pontoise, auparavant prieur de la Charité, puis abbé de Clugny, qui mourut l'année suivante 1263 le dix-feptiéme de Novembre, & eft enterré à faint Martin des Champs à Paris. La lettre du papeà faint Louis continue ainfi : Mais notre douleur a été depuis peu cruellement renouvellée par la venue de l'empereur Baudouin, des ambassadeurs du duc Rainier Zeno & de la commune de Venife, & de plufieurs autres Latins de Romanie: voyant cet empereur ainfi chaffé par les Grecs fchifmatiques, à la honte éternelle des Latins.

p. 71.

Bibl.Clun. p.1659.

Nous défirons donc procurer un prompt fecours à cet empire, & par conféquent à la terre fainte, dont l'intérêt s'y trouve joint : d'autant plus que

les feigneurs Latins, qui font encore les maîtres
des principautés d'Achaïe, de la Morée & des
ifles voifines, font prêts à s'opposer fortement
par terre, aux ufurpateurs avec des troupes con-
fidérables, & les Venitiens par mer, avec
avec une
flotte magnifique de galeres; offrant même le
paffage gratuitement à tous ceux qui viendront au
fecours. C'eft pourquoi nous vous envoyons An-
dré de Spolete archidiacre de Paphos, notre cha-
pelain, auquel vous pourrez ajoûter foi fur tout
ce qu'il vous dira de vive voix : vous priant d'é-
tendre votre protection fur l'empire de Romanie,
& d'exciter les prélats de votre royaume à con-
tribuer d'un fubfide honorable, comme nous leur
avons enjoint par d'autres lettres, fuivant qu'ils
en feront requis par l'évêque d'Agen. La lettre
eft du cinquiéme de Juin 1262.

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AN. 1262.

Vading. 1261. n.

17.

Vers le même tems, le pape donna commiffion 4p. Rain. n. 34. au provincial des freres Mineurs en France, de faire prêcher dans tout le royaume par les freres de fon Ordre, la croifade contre Michel Paleologue, avec la même indulgence que celle de la terre fainte; & quarante ou cent jours d'indulgence à ceux qui viendroient aux fermons de la croifade.

X V.

Paleologue ex

Arlene.

Paleologue cependant n'étoit pas en repos à CP. Quand le patriarche Arfene apprit qu'il communic par avoit fait aveugler le jeune empereur Jean, il en fut pénétré de douleur : & ne fe poffedant plus, il montoit & defcendoit par toute fa maifon jettant de grands cris, fe frappant la poitrine prenant à témoins le ciel & la terre, & appellant

au fecouts toute la nature. Enfuite ayant assemAN. 1262. blé les prélats qui fe trouverent auprès de lui il leur reprefenta que Paleologue s'étoit moqué de lui & de Dieu, en violant fes fermens; & leur demanda ce qu'il falloit faire, afin qu'il ne profitât pas impunément de fon crime. Nous ne pouvons, ajoûta-t-il, nous dispenser d'agir, quand ce ne feroit que pour ne paroître pas l'autorifer par notre filence. Les prélats témoignerent l'horreur qu'ils avoient de ce qui s'étoit paffé, & la disposition où ils étoient de fuivre en tout la conduite du patriarche. Il réfolut d'ufer de toute fon autorité contre l'empereur Michel, & les autres n'oferent s'y opposer, quelque crainte qu'ils euffent de ce qui en pouvoit arriver. Le patriarche Arfene prononça donc l'excommunication contre Michel Paleologue, en lui reprochant fon crime feulement pour ne le pas pouffer à bout, & ne pas attirer de plus grands maux, il permit au clergé de chanter des prieres pour lui; & lui-même continua de le nommer dans la liturgie.

:

Paleologue souffrit patiemment la censure, & fe foumit, du moins en apparence: il ne fe plaignit point, & fe contenta de s'excufer comme il put, efperant que s'il cedoit pour quelque tems à la jufte indignation du patriarche, & témoignoit enfuite du repentir, il obtiendroit bien-tôt Pach.6.19, l'absolution. Ainfi pendant plufieurs jours il porta des habits modeftes comme un pénitent, & cependant fa confcience ne le laiffant point en repos, il fit parler au patriarche par des perfonnes de piété & amis du prélat, le priant instamment

de l'abfoudre, vû qu'il fe repentoit de fa faute; AN. 1262. & de lui imposer telle fatisfaction qu'il voudroit: puifqu'on ne pouvoit faire que ce qui avoit été fait ne l'eût pas été. Les médiateurs rapporterent au patriarche ce difcours de l'empereur, y ajoûtant encore du leur, pour faire leur cour au prince. Mais le patriarche fans les écouter, leur dit : J'ai reçu dans mon sein une colombe qui s'est changée en ferpent, & m'a fait une bleffure mortelle. L'empereur crut qu'il réuffiroit mieux en parlant luimême au patriarche : il le vit plufieurs fois, le priant d'apporter à fon mal le reméde convenable. Le patriarche lui répondoit en termes géneraux de faire ce qu'il falloit, disant que les grands péchés demandoient une grande réparation. L'empereur après l'avoir preffé de s'expliquer, lui dit : Quoi donc m'ordonnez-vous de quitter l'empire En mêmetems il détacha fon épée, & la lui préfenta pour le fonder. Le patriarche étendit promptement la main pour prendre l'épée : mais l'empereur la retint, & lui reprocha qu'il en vouloit donc à fa vie. Toutefois il fe découvrit la tête, & fe jetta aux pieds du patriarche en présence de plufieurs perfonnes. Le prélat perfifta conftamment dans fon refus, & comme l'empereur continuoit de le preffer, il se retira dans fa chambre, & lui ferma la porte au visage. Enfin l'empereur, par plufieurs inftances réiterées pendant deux ans, ne put jamais le fléchir.

Cependant Paleologue envoya plufieurs ambaffades au pape, craignant toûjours de la part des Latins, & fçachant bien qu'ils ne demeureroient pas tranquilles à fon égard. Il envoya donc fouvent

XVI.
Paleologue écrit
au pape.
Pach. c. 18.

tranquillité. Elle fert auffi de mere aux princes

AN. 1263. qui viennent à la couronne, étant encore en bas âge : elle les gouverne, les protege, & les défend quand il eft néceffaire, même à fes dépens, contre les ufurpateurs. Voilà en quoi on mettoit alors la grandeur de l'églife, ou plutôt de la cour de Rome.

La lettre continue: Si donc vous rentrez dans fon fein, elle attirera pour appuyer votre trône, non-feulement le fecours des Genois & des autres Latins, mais s'il eft befoin, les forces de tous les rois, & les princes Catholiques du monde entier. Mais tant que vous ferez féparé de l'obéiffance du faint fiége, nous ne pouvons fouffrir en confcience, que ni les Genois, ni quelques autres Latins que ce foit vous donnent du fecours. #. 35. Quant aux pillages des églifes & aux autres défordres femblables, aucun homme fenfé ne peut les imputer à tous les Latins; mais aux voleurs particuliers, ou plutôt à ceux qui par leur schisme ont attiré ces malheurs. Or comme la paix ne feroit point ferme, fi elle n'avoit la foi pour fondement, vous n'avez pas dû la mettre avant les dogmes & les cérémonies de la religion : toute paix & toute concorde n'eft qu'un adjectif qui doit fuivre ce fubftantif. Ainfi parloit-on alors dans les affaires les plus ferieuses. Mais ce qu'il eft plus important de remarquer, c'est que fuivant ce raisonnement du pape, les Chrétiens ne pourroientja mais faire de paix folide avec des gens de différente religion : ce qui vient de l'équivoque du mot de foi, pris tantôt pour la créance des vérités révelées, tantôt pour la fidélité dans les traités.

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