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dérations le roi Louis ayant pris confeil des feigneurs François & de plufieurs autres perfonnes de probité, prononça fa fentence arbitrale, par laquelle il caffa le réglement d'Oxford, vû principalement qu'il avoit été déja caffé par le pape : déclarant le roi & les barons d'Angleterre quittes & déchargés de tout ce qu'ils avoient promis par cet acte; & ordonnant que toutes chofes feroient rétablies en l'état où elles étoient auparavant. Cette fentence fut prononcée le vingt-troifiéme de Janvier 1263, c'eft-à-dire 1264 avant Pâques ; & l'on voit ici un illustre exemple de la haute réputation de juftice & de fageffe que le roi S. Louis avoit chez les étrangers.

AN. 1264.

Il avoit grand foin de faire adminiftrer la juftice Joinville p. 12., à fon peuple, & outre les jurifdictions ordinaires, il faifoit tenir près de lui celle que l'on appelloit les Plais de la porte, d'où font venus les requêtes du palais. C'étoit trois ou quatre feigneurs qui faisoient cette fonction par fon ordre, & lui en rendoient compte enfuite. Souvent en été après avoir oüi la meffe, il alloit fe promener au bois de Vincennes, s'affeyoit au pied d'un chêne, & faifoit affeoir ces feigneurs auprès de lui alors tous ceux qui avoient affaire à lui venoient lui parler, fans qu'aucun huiffier ni autre les empêchât. Le roi demandoit tout haut de fa bouche fi quelqu'un avoit partie, & appelloit quelques feigneurs pour les expédier: mais s'il trouvoit quelque chofe à redire aux plaidoyés des avocats, lui même les reprenoit gracieusement. Il tenoit quelquefois ces audiences au jardin de fon palais à Paris, où eft à présent la place Dauphine.

:

AN. 1264.

XXV.

de Sicile.

10.

Le fire de Joinville qui rapporte tout ceci, étoit fou
vent de ces juges de la porte.
La même année 1264, le

pape Urbain envoya Suite de l'affaire en France Simon de Brie cardinal de fainte CeRain, 1264. n. 9. cile, en qualité de légat, avec charge de demander au clergé une décime pour la guerre contre Mainfroi; & de traiter avec Charles d'Anjou des conditions aufquelles il devoit recevoir le royaume de Sicile, réservant au pape de lui en donner l'inveftiture. La commiffion eft du vingt-cinquié".13. me d'Avril, & le troifiéme de Mai le pape écrivit à S. Louis une lettre, où il lui reprefente ainfi le péril où la religion étoit expofée en Italie, par la guerre qu'y faifoit Mainfroi, fur la nouvelle qu'il avoit eue du traité avec le comte d'Anjou. Il s'eft mis en poffeffion, dit le pape, de plufieurs églifes cathedrales & de plufieurs monafteres, où il protege des intrus, & en donne d'autres en commande comme il lui plaît, tournant les revenus à fon ufage; cependant les heréfies pullulent prefque par toute l'Italie, la foi catholique eft déprimée, le fervice divin diminué, les droits & les libertés eccléfiaftiques foulées aux pieds. Les prélats & les clercs font envoyés en éxil, jettés dans des prifons, mutilés ou mis à mort. Les lieux confacrés à Dieu font dépouillés de leurs biens, & convertis à des ufages prophanes. On force quelques ecclefiaftiques à celebrer les divins offices, dans des lieux interdits, & à adminiftrer les facremens à des excommuniés.

Papebr. conc. 1. 47.

A ce fujet se rapporte ce que dit Matthieu Spinelli, qui vint l'automne fuivant dans l'armée de

1

:

Mainfroi Le troifiéme de Septembre 1 2 64, vinrent trois nobles envoyés par les Napolitains, pour prier le roi de faire la paix avec le pape; parce que la ville demeuroit excommuniée, & l'archevêque ne vouloit pas que l'on dît la messe. Le roi répondit, que ce n'étoit pas fa faute fi on faifoit la guerre, mais la faute du pape, qui vouloit le chaffer de fon royaume, & il ajoûta : J'envoyerai à Naples trois cens Sarrafins, qui feront dire la meffe par force: envoyez-moi dans une galere les prêtres & les moines qui le refuseront. Les députés répondirent: Seigneur, n'envoyez point de Sarrafins, Naples ne voudra pas les loger. Et le roi entra en grande colere.

reli

AN. 1264.

XXVI. Revelations de

cornillon.

Pendant que le pape Urbain étoit ainfi occupé de la guerre contre Mainfroi, il ne laissa pas d'inftituer Julienne de Montla fête du S. Sacrement de l'autel, & la celébra pour la premiere fois cette année 1264 le dix-neuviéme de Juin, qui étoit le jeudi d'après l'octave de la Pentecôte, ce qu'il faut reprendre de plus haut. Lorfqu'il étoit archidiacre de Liege, il connut particu liérement une fainte fille nomméé Julienne, gieufe hofpitaliere à Mont-cornillon, près une des portes de la ville. Elle eut toute fa vie une dévotion Bol, to, 1«. p. 437. particuliere au S. Sacrement, & dès l'âge de feize ans, c'est-à-dire en 1208, toutes les fois qu'elle s'ap- p. 459. pliquoit à l'oraison, il lui sembloit voir la lune pleine, mais avec une petite brêche, & cette image fe préfentoit à elle fans qu'elle pût l'empêcher, ce qui dura pendant long-tems. Elle crue que c'étoit une tentation, & fit beaucoup de prieres pour en être délivrée : enfuite elle en-demanda la fignification,

& il lui fut dit intérieurement que la lune figniAN. 1264 floit l'église, & la brêche le défaut d'une fête, qui devoit être célébrée tous les ans, pour honorer l'institution du S. Sacrement. Il lui fut dit qu'elle devoit commencer cette fête, & annoncer la premiere l'obligation de la célebrer.

Quoique Julienne crût avoir reçu cet ordre de Jesus-Christ même, elle s'en défendit long-tems, difant qu'une commiffion de cette importance conviendroit mieux à quelques docteurs autorisés dans l'églife: enfin après plus de vingt ans, elle se rendit, & découvrit la chofe, premierement à Jean de Laufenne chanoine de S. Martin de Liege, homme d'une vertu finguliere, & le pria de confulter fur ce fujet les meilleurs théologiens, fans la nommer. Il communiqua le tout à Jacques Pantaleon, alors archidiacre de Liege, depuis pape Urbain IV. à Hugues de S. Cher, alors provincial des freres Prêcheurs, & depuis cardinal, à Gui ou Guiard de Laon évêque de Cambrai, au chancelier de l'église de Paris, aux trois profeffeurs de théologie, qui enfeignoient alors à Liege, & à plufieurs autres hommes fçavans & vertueux. Ils furent tous d'avis qu'il étoit juste & utile à l'église de célebrer l'institution du S. Sacrement plus folemnellement que l'on n'avoit fait jufques alors. Julienne ainsi assurée fit composer un office du S. Sacrement, par un religieux de la même maison, nommé Jean, encore jeune & peu inftruit, mais d'une vie très-pure.

Le projet de cette fête étant divulgué, plufieurs eccléfiaftiques s'y oppoferent: difant qu'elle étoit fuperflue, que l'on faifoit tous les jours à la messe

la memoire de l'institution de l'Eucharistie, & que AN. 1264les révélations de Julienne n'étoient que des rêve

ries. Mais Robert de Torote évêque de Liege, n'en Chapeau.c.6. jugea pas de même; & par une lettre adreffée à tout le clergé de fon diocèfe en 1246 il ordonna que la Boll. p. 442 fête du S. Sacrement feroit célebrée tous les ans, le jeudi après l'octave de la Trinité, avec jeûne la veille. Il avoit réfolu d'en publier l'Ordonnance dans fon fynode; mais il fut prévenu par fa mort, qui arriva la même année le feiziéme d'Octobre. L'année fuivante 1247 les chanoines de S. Martin célebrerent les premiers la fête du S. Sacrement. Hugues de S. Cher, qui étant provincial des freres Prêcheurs, avoit approuvé le projet de cette fête, fut fait cardinal du titre de fainte Sabine, & envoyé légat en Allemagne : & comme il étoit à Liege, on lui montra l'office du S. Sacrement, dont il fut très content, après l'avoir bien examiné. Il voulut même donner chap. 6. 8. l'exemple, & célebra la nouvelle fête à S. Martin du mont, où au milieu d'une grande multitude, il prêcha fur ce fujet, puis dit la meffe avec grande folemnité. Enfuite il fit une lettre adreffée à tous les prélats & à tous les fidéles dans l'étendue de fa légation, où il ordonne que la fête du S. Sacrement foit célebrée tous les ans le jeudi après l'octave de la Pentecôte, & exhorte les fidéles à s'y préparer, de forte qu'ils puiffent ce jour-là communier dignement. La lettre eft du vingt-neuviéme de Décembre 1252. Deux ans après le cardinal Pierre Capoche auffi légat, étant à Liege, fit une pareille ordonnance.

c. 9.

Henri de Gueldres fucceffeur de Robert dans l'é- . 10.

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