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de tous, eft celui dont les conquêtes ont été les plus rapides & les plus folides. Je dis les conquêtes telles qu'il les prétendoit faire, en gagnant les cœurs, changeant intérieurement les hommes, & les faifant bons de mauvais qu'ils étoient: ce que n'a jamais fait aucun autre conquérant.

La guerre ne produit que des effets extérieurs, obligeant les vaincus à fe foumettre à la volonté du vainqueur, lui payer tribut & exécuter fes ordres. En matiere de religion, ce qui eft au pouvoir du fouverain, c'est d'empêcher l'exercice public de celle qu'il défapprouve, & faire pratiquer au dehors les cérémonies de la fienne: c'est-à-dire, punir ceux qui ne fe conforment pas fur ce point à fes volontés. Car s'ils mépritent les peines temporelles, il ne lui reste rien au-delà : il n'a aucun pouvoir direct fur les volontés.

Il faut encore se défabufer d'une opinion qui n'eft que trop établie depuis plufieurs fiécles, que la religion foit perdue dans un pays quand elle a cellé d'y être dominante & foutenue par la puiffance temporelle, comme le chriftianisme en Grece & en Natolie, comme la religion catholique dans les pays du Nord. C'est fans doute pour nous prémunir contre cette erreur, que Dieu a voulu former le chriftianifme fous la domination des payens, & l'y fortifier pendant trois fiécles entiers au milieu de l'oppreffion & de la perfécution la plus cruelle. Preuve invincible que fa religion n'a pas befoin de l'appui des hommes; que lui feul la foutient, & que l'oppofition des puiffances de la terre ne fait qu'affermir & purifier fon églife. Voyez ce que dit fur ce fujet S. Hilaire

contre Auxence.

Je reviens donc à dire qu'il ne faut pas chercher à diminuer les fauffes religions, ou étendre la véritable par les armes & la violence; ce n'eft pas les infidéles qu'il faut détruire, mais l'infidélité, en confervant les hommes, & les défabulant de leurs erreurs : en un mot, l'unique moyen eft de perfuader & de convertir. Je fçai que l'on eft ordinairement prévenu de l'impoffibilité de convertir les Mufulmans, & que c'eft ce qui engage les plus zélés miffionnaires de paffer au-delà pour prêcher l'évangile aux Indes & à la Chine: mais je crains que les fondemens de prévention ne foient pas affez folides. JefusChrist ordonnant à fes difciples d'aller inftruire toutes les nations, n'en a excepté aucune, & les anciennes prophéties qui marquent fi fouvent & fi clairement la converfion de tous les peuples, n'y font aucune diftinction. Seroit-il donc poffible que tant de nations différentes, réunies fous la religion de Mahomet, occupant une fi grande partie du monde connu, fuffent feules exclues de ces magnifiques promeffes?

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Ce ne font point des barbares errans & difperfés, comme les anciens Scythes, ou comme à préfent les fauvages de l'Amérique : ce font des hommes vivant en fociété fous certaines loix, occupés de l'agriculture, des arts, du trafic, & ayant l'ufage des lettres. Ce ne font ni des athées ni des idolâtres ;. au contraire, leur religion toute fauffe qu'elle eft, a plufieurs principes communs avec la véritable, qui femblent des difpofitions à les y amener. Ils croyent an feul Dieu tout puiffant, créateur de tout, également jufte & miféricordieux: ils ont une horreur extrême de la multiplicité des dieux & de l'idolatrie. Ils croyent l'immortalité de l'ame, le jugement final, le paradis & l'enfer les anges bons & mauvais, & même les anges gardiens. Ils connoiflent le

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2.25.12 44.

déluge univerfel; ils honorent le patriarche Abraham comme leur père & le premier auteur de leur religion : ils tiennent Moife & Jefus-Chrift pour de grands prophétes envoyez de Dieu; la loi & l'évangile pour des livres divins. Quant aux pratiques de religion, ils font une priere réglée cinq fois le jour à certaines heures. Ils fêtent un des jours de la femaine, ils jeûnent un mois chaque année; ils s'affemblent pour prier & écouter les inftructions de leurs docteurs: ils recommandent fort l'aumône, ils prient pour les morts, ils font des pelerinages.

Mais, dit-on, ils défendent fous des peines très-rigoureufes de parler aux Mufulmans pour leur faire changer de religion, & ils feroient mourir fans miféricorde quiconque en auroit converti un feul. Et fous Decius & Dioclétien y alloit-il moins que de la vie, non-feulement de convertir des payens, mais fimplement d'être chrétien? Si les apôtres & leurs premiers difciples avoient été retenus par de telles défenfes & par la crainte de la mort, on n'auroit point prêché l'évangile. Encore les Musulmans fouffrent-ils chez eux des chrétiens, comme ils ont fait de tout-tems, jufques à leur laiffer le libre exercice de leur religion, moyennant un certain tribut. C'eft cela même direz vous, qui empêche de leur prêcher l'évangile; car ils extermineroient ces pauvres chrétiens, fi on entreprenoit de convertir des Mufulmans. C'est l'objection la plus fpécieufe que j'aie oui faire fur ce fujet; mais je doute qu'elle foit folide, & que les princes Mufulmans, quand ce viendroit à l'exécution, fuffent affez mauvais politiques pour fe priver ailément d'une grande partie de leurs fujets. L'objection feroit forte, fi le nombre de ces chrétiens n'étoit très-grand; & il l'eft en effet, fur-tout dans les pays derniers conquis, comme la Grece, où il y en a beaucoup plus que de Mufulmans.

Or, quand je propofe de travailler à la converfion de ces derniers, j'entens qu'on s'y prenne avec une extrême difcrétion, comme dans la naissance de l'églife. Il ne s'agit pas feulement de méprifer la mort & fe l'attirer fans Ht.liv.LXXVIII. fruit, comme ces freres Mineurs qui fe firent tuer à Maroc & à Ceuta, Saint Cyprien ne les auroit pas reconnus pour martyrs. Péfons bien ces Matth. x. 16, paroles de notre divin maître: Je vous envoye comme des brebis au milieu des loups: foyez donc prudens comme des ferpens, & fimples comme des colombes. N'allez pas effaroucher ces loups, pour en être dévorés avant que d'avoir pû les apprivoifer. Conduifez-vous avec une extrême prudence avec les infidéles: gardez-vous de les irriter fans néceffité, & ne leur parlez de ma doctrine, que quand vous les verrez difpofés à l'écouter. Mais nez garde auffi que votre prudence ne dégénere en finefle & en artifice : qu'elle foit toûjours accompagnée de fimplicité & de droiture, qui est l'ame de ma religion,

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Je voudrois donc que ceux qui entreprendroient de prêcher la foi aux Musulmans, fuffent premiérement bien inftruits des langues qui ont cours chez eux. L'Arabe qui eft la langue de leur religion, le Turc & le Persan felon les pays qu'ils euffent bien lû leurs livres, & fçuflent bien leur doctrine, leurs histoires & leurs fables: en un mot, qu'ils euffent les mêmes Lecours pour cette controverfe que les peres de l'églife avoient pour celle des anciens payens. Qu'ils commençaflent à s'infinuer dans leurs efprits, par

les vérités dont ils conviennent avec nous : l'unité de Dieu, fa puissance; fa fagefle, la bonté & les autres attributs, les principes de morale qui nous font communs, comme la juftice, l'amour du prochain. Il faudroit bien fe garder de leur parler trop tôt des mystères de la Trinité & de l'Incarnation contre lefquels ils font prévenus: il faudroit auparavant bien établir l'autorité de l'évangile, en détruifant l'opinion dont ils font imbus, que ce livre qu'ils reconnoiflent pour divin a été falfifié par les Chrétiens. Pour les défabufer fur ce point, on pourroit employer utilement le témoignage des Neftoriens & des Jacobites qui vivent parmi eux, féparés de nous deux cens ans avant Mahomet, & qui gardent l'évangile & les autres livres faints entiérement conformes aux nôtres.

Ce qu'il faudroit fur-tout éviter, feroit de dire des injures à Mahomet, & d'en parler avec mépris. Les apôtres mêmes ne difoient point d'injures aux faux dieux, comme il eft marqué expreffément de la Diane d'Ephèse. 48. xix. 376 Mais après avoir bien établi la miffion de Jefus-Chrift, on pourroit montrer doucement que Mahomet n'a donné aucune preuve de la fienne, & que fa religion s'eft établie par des moyens tout humains. Peut-être auffi feroit-il bon de relever les vices des premiers califes chefs de la religion, & comme les apôtres des Mufulmans, de leur montrer par leurs propres hiftoires quels étoient Othman, Omar, Moavia & les autres : leurs débauches, leurs cruau tés, leurs perfidies; & fur-tout la cruelle guerre qu'ils firent à la famille d'Ali.

Ce chemin, direz-vous, feroit bien long, & quand même on trouveroit des auditeurs dociles, il faudroit bien du tems pour traiter avec eux cette controverfe. J'en conviens, & je voudrois que fur cet article on imitât encore la fage antiquité, & la difcipline des premiers fiécles de l'églife, où l'on faifoit durer fi long-tems l'inftruction des catéchumenes, tant fur la doctrine, que fur les mœurs ; & on éprouvoit fi foigneufement leur converfion avant que de les baptifer. Après tout, c'est à ceux qui font fur les lieux employés dans les miffions du Levant, à juger de ce qui eft praticable en ces matieres: mais pour peu d'infidéles qu'ils puflent gagner à Dieu, j'eftime que ces converfions lui feroient plus agréables & plus utiles à fon églife, que la mort de tant de milliers dont le fang fut répandu dans les croisades.

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XXV

1.

SOMMAIRES

DES LIVRES

LIVRE LXXXV.

ANNÉE.

1260.

1262.

R Etraite d' Arfine. Nicephore patriarche de CP. 11. Concile d' Arles. Joa chimites. 111. Canons. IV. Préparatifs contre les Tartares. v. Concile de Lambeth. v1. Autres conciles. v 1 1. Mort d'Alexandre. Urbain IV pape. VIII. 1261. Otton Visconti archevêque de Milan. 1x. Mort du patriarche Nicephore. x. Conftantinople reprise par les Grecs. x1. Arfene rappellé. xII. Nouveaux cardinaux. x111. Leure du pape contre Mainfroi. xiv. Lettre contre M. Paleologue. xv. Paleologue excommunié par Arfene. xv1. Paleologue écrit au pape. XVII. Réponse du pape. xv111. Autre lettre de Paleologue. xIx. Subvention pour 1263. la terre fainte. xx. Remontrance du clergé à S. Louis. xx1. Conciles de Bourdeaux. xx11. Délai fur l'affaire de l'empire. xx111. Procedures contre Mainfroi. xxiv. Saint Louis arbitre de l'Angleterre. xxv. Suite de l'affaire de Si- 1264. cile. xxvI. Revelations de Julienne de Mont Cornillon. xxv 1 1. Fête du faint Sacrement. XXVI 11. Conciles de Nantes & de Paris. XXIX. Defordres en Chipre. xxx. Le patriarche Arfene accufe. xxx1. Déposé en concile. xxx 11. Germain patriarche de Conftantinople. xxx111. Mort d'Urbain IV. xxx IV. Cle- 1265. ment IV pape. xxxv. Conceffion du royaume de Sicile à Charles d'Anjou. XXXVI. Eglife d'Espagne. xxxv 11. Croisades en France, en Hongrie, en Angleterre. xxxv111. Saint Bonaventure refufe l'archevêché dTorc. xxxix. Saint Thomas refufe l'archevêché de Naples. xL. Eglife de Salfbourg. XLI. Eglife de Danemarck, XL11. Fin de Mainfroi. XLIII. Synode de Cologne. XLIV. Jean de Courtenai archevêque de Reims. XLV. Reproches au roi d'Arragon. XLVI. Germain quitte le fiége de Conftantinople. XLVII. Jofeph patriarche XLV111. Conquêtes de Bondocdar. XLIX. Seconde croifade de S. Louis. L. Eude Rigaud 1267. archevêque de Rouen. LI. Decime en France. L1 1. Devotions de S. Louis. LIII. Suite de l'affaire de Milan. Liv. Schifme entre les Grecs. iv. Lettres du pape à Paleologu. LVI. Concile de Vienne. LV11. Erreurs für l'Euchariftie. Ly III. Pierre de Charni archevêque de Sens. LIX: Conradin excommunié. Lx. Henri de Caftille à Rome. LXI. Concile de Londres. 1x11. Affaire de l'empire. LXXXI 11. Fin de Conradin. LXIV. Mort de Clement IP.

Tome XVIII.

1266.

1268.

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