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réimprime mes Piéces auffi fouvent qu'elles font reprefentées. J'avouë qu'il n'en eft pas de même des Comédies , l'impreffion découvre leur foibleffe. Les Comédies n'étant que des bagatelles, que de petites productions d'efprit.... Tout beau, Monfieur l'Auteur Tragique, interrompit l'autre, tout beau ! Vous ne fongez pas que vous vous échauffez. Parlez de grace, devant moi, de la Comédie avec un peu moins d'irrévérence. Penfez-vous qu'une Piéce comique foit moins difficile à compofer, qu'une Tragédie ? Détrompezvous. Il n'eft pas plus aifé de faire rire les honnêtes gens, que de les faire pleuScachez, qu'un Sujet ingénieux, dans les moeufs de la vie ordinaire, ne coûte pas moins à traiter, que le plus beau Sujet héroïque.

rer.

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Ah! Parbleu, s'écrie le Poëte férieux, d'un ton railleur, je fuis ravi de vous entendre parler dans ces termes. Hé bien, Monfieur Calidas, pour éviter la difpute, je veux deformais autant efti--mer vos Ouvrages, que je les ai méprifez jufqu'ici. Je me foucie fort peu de vos mépris, Monfieur Giblet, reprend avec précipitation l'Auteur comique: & pour répondre à vos airs infolens,

folens, je vais vous dire nettement ce que je penfe des Vers que vous venez de me reciter: Ils font ridicules; & les penfées, quoique tirées d'Homére, n'en font pas moins plattes. Achille parle à fes Chevaux ; fes Chevaux lui répondent. Il y a là-dedans une image baffe; de même que dans la comparaison du feu que les Villageois font fur une montagne. Ce n'eft pas faire honneur aux Anciens, que de les piller de cette forte. Ils font, à la vérité, remplis de chofes admirables; mais il faut avoir plus de goût que vous n'en avez, pour faire un heureux choix de celles qu'on doit emprunter d'eux.

Puifque vous n'avez pas affez d'élévation de génie, a repliqué Giblet, pour apercevoir les beautez de ma Poëfie & pour vous punir d'avoir ofé critiquer ma Scène, je ne vous en dirai pas la fuite. Je ne fuis que trop puni d'en avoir entendu le commencement, a réparti Calidas. Il vous fied bien, à vous, de méprifer mes Comédies! Aprenez que la plus mauvaife que je puiffe faire, fera toujours fort au-deffus de vos Tragédies; & qu'il eft plus facile de prendre l'effor & de fe guinder fur de grands fentimens, que d'attraper une plaifanterie fine & dé licate. D 2

Grace,

Grace au Ciel, dit le Tragique d'un air dédaigneux, fi j'ai le malheur de n'avoir pas votre eftime, je crois devoir m'en confoler. La Cour juge plus favorablement de moi, que vous ne faites; & la penfion dont elle m'a bien voulu.... Eh! ne croyez pas m'éblouir avec vos penfions de Cour, interrompt Calidas. Je fçai trop de quelle maniére on les obtient > pour en faire plus de cas de vos ouvrages. Encore une fois ne vous imaginez pas mieux valoir que les Auteurs comiques. Et pour vous prouver même, que je fuis convaincu qu'il eft plus aifé de compofer des Poëmes Dramatiques férieux, que d'autres, c'eft que fi je retourne en France, & que je n'y réuffiffe pas dans le Comique, je m'abaifferai à faire des Tragédies.

Pour un Compofeur de Farces, dit là-deffus le Poëte tragique, vous avez bien de la vanité. Pour un Vérificateur qui ne doit fa réputation qu'à de faux brillans dit l'Auteur comique, vous vous en faites bien accroire. Vous êtes un infolent, a repliqué l'autre. Si je n'étois pas chez vous, 'mon petit Monfieur Calidas, la péripetie de cette avanture vous aprendroit à refpecter le Cothurne.

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Cothurne. Que cette confidération ne vous retienne point, mon grand Monfieur Giblet, a répondu Calidas. Si vous avez envie de vous faire battre je vous battrai auffi-bien chez moi qu'ailleurs.

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En même tems, ils fe font tous deux pris à la gorge & aux cheveux, & les coups de poing & de pied n'ont pas été épargnez de part & d'autre. Un Italien, couché dans la chambre voifine, a entendu tout ce dialogue, & au bruit que les Auteurs faifoient en fe battant, il a jugé qu'ils étoient aux prifes. Il s'eft levé; &, par compaffion pour ces François, quoiqu'Italien, il a apellé du monde. Un Flamand & deux Allemands, qui font ces perfonnes que vous voyez en robe de chambre, viennent avec l'Italien féparer les combattans.

Ce démêlé paroît plaifant, dit Don Cléofas. Mais, à ce que je vois, les Auteurs Tragiques, en France, s'imaginent être des perfonnages plus importans que ceux qui ne font que des Comédies. Sans doute, répondit Afmodée. Les premiers fe croyent autant audeffus des autres, que les Héros des Tragédies font au-deffus des Valets des Piéces comiques. Eh! fur quoi fondent

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dent-ils leur orgueil, repliqua l'Ecolier? Eft-ce qu'il feroit en effet plus difficile de faire une Tragédie, qu'une Comédie? La queftion que vous me faites répartit le Diable, a cent fois été agitée, & l'eft encore tous les jours. Pour moi, voici comme je la décide, n'en déplaife aux hommes qui ne font pas de mon fentiment: Je dis, qu'il n'est pas plus facile de compofer une Piéce Comique, qu'une Tragique; car fi la derniére étoit plus difficile que l'autre, il faudroit conclure de-là, qu'un faifeur de Tragédies feroit plus capable de faire une Comédie, que le meilleur Auteur Comique: ce qui ne s'accorderoit pas avec l'expérience. Ces deux fortes de Poëmes demandent donc deux Génies d'un caractère différent, mais d'une égale habileté.

Il eft tems, ajoûta le Boiteux, de finir la difgreffion. Je vais reprendre le fil de l'Hiftoire que vous avez inter. rompuë.

СНА

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