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FRANÇOIS fuites, on fe faifit de fes biens, & il JUNIUS. fallut que la Reine de Navarre lui fournit pendant près d'un an de quoi fubfifter. Enfin les accufations intentées contre lui furent mifes au néant par l'autorité du Roi, & Du Jon obtint alors une charge de Confeiller à Bourges. Un emeute qui s'éleva à Iffoudun un jour de la Fête du S. Sacrement où les Catholiques maltraiterent les Prétendus Reformés, fut la caufe de fa mort. Le Roi lui expedia une commiffion pour en informer & pour en punir les Auteurs. Du Jón le rendit à fondun accompagné feulement de trois archers, & difperfa les autres en divers licux,avant que d'entrer dans la ville, parce qu'il falloit ufer de prudence dans une affaire fi délicate. Mais fes précautions ne lui fervirent de rien: On devina pourquoi il venoit ; le peuple fe faifit des portes, & affiegea fon logis. On y entra enfuite, on tua Du Jon, on le jetta par les fenêtres, les fenêtres, on le traina les rues, on l'expofa on l'expofa aux chiens, & l'on défendit publiquement de l'enerrer. Le Confeil du Roi indigné de cette action,ordonnaque les murailles

par

'Iffoudun fuffent rafées; mais quel-FRANÇOIS ques Seigneurs firent changer cet ar- JUNIUS: rêt, principalement parce que Du Jon étoit fufpect de Lutheranifme depuis plus de vingt-quatre ans.

Son fils François Du Jon, plus connu fous le nom de Junius, fut élevé avec beaucoup de peine ; & plufieurs maladies qu'il eut dans fon enfance firent fouvent defefperer de fa vie. Lorfqu'il cut cinq ans, fon pere commença lui-même à lui apprendre à lire, & lui donna enfuite un Précep teur. A l'âge de douze, on l'envoya aux écoles publiques, où il fit bientôt de grands progrès. Malheureusement il eut à faire à des Maîtres barbares & fans raifon, qui le maltraitoient continuellement; mais ce qui auroit dégoûté un autre, ne faifoit point d'impreffion fur lui; l'amour qu'il avoit pour les Lettres l'animant à fupporter avec patience leurs cruels

traitemens.

il

Ses études Académiques finies, s'apliqua à la Jurifprudence fous François Duaren, Hugues Doneau, Antoine Conte, & Louis Ruffard, pendant l'efde deux années; au bout def

pace

FRANÇOIS quelles ayant appris que le Roi de JUNIUS. France envoyoit une Ambassade à Conftantinople, il voulut profiter de cette occafion pour faire ce voyage. Il fe rendit dans ce deffein à Lyon, mais il y arriva trop tard, l'Ambaffadeur en étant déja parti. Ce contre-temps lui fit prendre le parti de demeurer dans cette ville, pour attendre une autre occafion plus favorable, & il s'appliqua en Fattendant, à l'étude & à la lecture avec une ardeur infatigable.

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Il eut l'avantage de faire alors connoiffance avec Barthelemi Anneau fon compatriote, qui étoit Principal du College de cette Ville, & qui lui donna de bons confeils fur la maniere dont il devoit fe conduire dans fes études. Junius fe livrant au goût qu'il fe fentoit pour tout ce qui pouvoit fatisfaire fa curiofité, lifoit tous les livres qui lui tomboient fous la main, & fans fe fixer à aucune fcience en particulier, paffoit continuellement de l'une à l'autre; Anneau lui reprefenta que c'étoit le moyen de ne fçavoir rien à fond, & qu'il falloit avoir dans fes études un but fixe au

quel on rapportât tout. Cet avis fit F. Juimpreffion fur Junius, qui en profita, N I U 5. & s'en trouva bien dans la fuite.

Pendant fon féjour à Lyon il fe vit expofé à deux tentations bien differentes, à celle de l'amour, & à celle de l'impieté. Il refifta vigoureusement à la premiere, & toutes les follicitations de trois ou quatre filles,' qui le tourmentoient fans ceffe, ne purent jamais donner atteinte à fa pudeur; il en vint même une fois jufqu'à appliquer un bon foufflet à l'une d'entre elles qui voulut le careffer. Il n'eut pas le même courage par rapport à la tentation d'impieté. Il avoit Îû, par , par le confeil d'Anneau, l'Ouvrage de Ciceron: De natura Deorum, & en avoit fait des extraits. Il y avoit remarqué le fentiment d'Epicure qui rejette la Providence, fans cependant y donner; mais la rencontre qu'il fit d'un homme inconnu, qui le mit fur cette matiere, le perdit. Il lui allégua tant de raisons apparentes, pour appuyer ce fentiment, que Junius, fans fonger à celles que l'on y pouvoit oppofer, fe laiffa entraîner à l'impieté, qui heureufement

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F. Ju- pour lui, n'eut pas le temps de jetter Ius. dans fon efprit de profondes racines. Un tumulte, qui s'éleva à Lyon dans ce temps-là, au fujet de la Religion, l'ayant obligé de fortir de cette Ville, pour fauver fa vie, fon pere ne l'eut pas plûtôt appris, qu'il le rappella à Bourges. Quelques entretiens qu'ils eurent enfenible firent fans peine découvrir au pere les malheureux fentimens aufquels fon fils s'étoit laiffé féduire, & il n'oublia rien pour l'en retirer. Il l'engagea à s'appliquer à la lecture du Nouveau Teftament, & cette lecture fut fi efficace, qu'il fut bien-tôt détrompé, & qu'il fe dégoûta même de tout ce qui n'avoit point de rapport à la pieté.

Il renonça dès lors à la Jurifprudence, pour fe donner à l'étude de la Theologie. Il alla pour cela à Geneve au commencement des guerres civiles de France. Comme il n'y avoit porté que peu d'argent, & que les troubles empêchoient fon pere de lui en faire tenir, il s'y vit bien-tôt réduit à une extrême néceffité, & eut beaucoup à fouffrir pendant plufieurs

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