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AN. 1456. gager à la priere & à la pratique des bonnes œuvres ; afin, difoit-il, que s'il y avoit quelque malheur à craindre, le ciel en préservât les Chrétiens. Il indiqua des prieres & des proceffions publiques; il ordonna qu'on fonneroit tous les jours les cloches vers le midi, afin d'avertir les peuples de prier dans cette intention, & accorda des indulgences à tous ceux qui reciteroient alors trois fois l'oraifon dominicale&la falutation angelique.

JI.

Mahomet II.

Belgrade.

Dieu parut écouter leurs vœux. Mahomet aïant vient afflieger traversé les montagnes de Thrace avec une armée de cent quarante mille hommes, compofée des mêmes troupes qui s'étoient emparées de Conftantinople en 1454. & aiant penetré jufques au Danube, vint mettre le fiége devant la ville de Belgrade aŭ mois de Juin 1456. Amurat fon pere en avoit été honteufement chaffe quelques années auparavant, gener. 49.p.479. après un fiége de fept mois : mais Mahomet avoit Eneas Sylv, tant de confiance dans fes troupes & dans fa propre Europ. cap. 8. valeur, qu'il croïoit ne pouvoir craindre un pareil fort. Il comptoit déja les roïaumes qu'il alloit fubjuguer après la prife de cette ville. La Hongrie, l'Allemagne, l'Italie devoient tomber fous l'effort de fes armes. Mais Dieu renverfa en un moment tous ces projets audacieux.

Naucler.vol. 3.

Bohem. cap.6.

111. Jean Huniade

fait lever le fié

ge de Belgrade.

Le brave Huniade fe préfenta fur les bords du Danube pour venir au fecours de Belgrade. Le Turc lui en difputa le paffage. On en vint aux mains. Le comChalcondyl. bat fut opiniâtre, l'infidele fit long-tems balancer la victoire, elle fe déclara enfin pour Huniade, qui aïant paffé le fleuve, entra dans la place avec fon armée, & Jean de Capiftran prédicateur de la croifa

Hift. des Turcs, liv. 8.

de. Les affiégez les reçurent avec une joie qui ne se peut exprimer, & chacun promit de prêter fon bras AN. 1456.

à la défenfe de la ville. La défaite des Turcs ne les empêcha point de faire battre la ville par l'artillerie, afin d'y entrer par les bréches. Quand elles furent ouvertes, les Turcs drefferent des échelles en plufieurs endroits pour divifer les troupes des affiégez. Mais on fit de part & d'autre une resistance opiniâtre. Chaque general animoit fes troupes par fes paroles & par fon exemple, & le carnage fut grand. On recommença l'affaut le lendemain avec plus de fureur que le jour précedent. Le fultan vit tomber à fes côtez Cazan Pacha, le plus intrépide des genéraux Ottomans: il s'étoit trop avancé pour obéir aux ordres de fon maître, qui regretta fa perte, & qui enfut prefque au defefpoir. Mahomet lui-même fut bleffé à la cuiffe; mais il crut fa bleffure legere, & continua de combattre à la tête de fes troupes.

I V. Défaite entiere Turcs.

Naucler. ibide

Un fi grand effort de courage eut pûlui donner la victoire fans la retraite précipitée des Janiffaires de l'armée des qui abandonnerent le combat. Mahomet s'efforça en vain de les retenir dans leur devoir, ils n'écouterent ni fes prieres, ni fes menaces, & ce prince fut obligé de lever le fiége aprés y avoir perdu plus de quarante mille hommes.

Ladislas roi de Hongrie qui ne s'étoit point attendu à une telle victoire, & perfuadé même que les Chrétiens ne pouvoient résister, s'étoit retiré précipitamment à Vienne en Autriche, fous le prétexte d'une partie de chaffe, & il put à peine revenir de fa furprise, quand il eut appris l'heureux fuccès du

combat.

P. 480.

AN. 1456.

V.

Jean de Capif

de.

Jean de Capistran & Huniade s'attribuerent chacun en particulier l'honneur de cette victoire, dans Jaloufie entre les lettres qu'ils écrivirent l'un & l'autre au pape & tran & Hunia- à l'empereur, pour les informer du fuccès de cette Eneas Sylvius croifade: vanité baffe dans deux hommes d'ailleurs également recommandables par leurs grandes qualitez. Capiftran y avoit contribué par fes prieres & fes exhortations: Huniade par fa valeur, fon courage & fa prudence, & tous deux euffent mérité plus de gloire, fi chacun n'eût pris que la part qui lui

Loco fuprà cit.

Spond. hoc ann. *456. 1 3.

VI.

la fête de la

étoit dûë.

Comme Mahomet leva le fiége de Belgrade le fiSolemnité de xiéme jour d'Août, où l'on célebroit déja depuis transfiguration long-tems dans quelques églises la mémoire de la de N. Seigneur. transfiguration de Jefus-Chrift fur le mont Thabor, le pape Callixte confirma cette fête, la rendit univerfelle pour toute l'églife, & compofa un office qui lui fût propre, & attacha à cette fête des indulgences pareilles à celles du Saint Sacrement.

VII.

Mort de Jean

Huniade vai

Naucler. gene

Les deux chefs de cette expedition ne furvêquirent pas long-tems à cette défaite des Turcs. Huniaode de Tran- de accablé des travaux qu'il avoit foufferts dans cette fylvanie. guerre, fut attaqué d'une fievre continuë qui l'emxal. 49. p. 480. porta le dix de Septembre dans le bourg de Zemplen. Il ne voulut jamais permettre qu'on lui apportât dans fa chambre le faint viatique, & fe fit exprès porter à l'églife pour le recevoir, difant qu'il ne méritoit pas que le roi des rois l'honorât ainsi, & qu'il étoit indigne que le maître vînt trouver le ferviteur. Toute l'Europe fut affligée de la perte de ce grand capitaine. Le pape Callixte verfa des larmes en apprenant famort, & offrit le faint facrifice dans

l'églife de S. Pierre pour ce genereux défenfeur de la AN. 1456. religion. Jean de Capiftran qui ne l'avoit pas quitté dans fa maladie, fit lui-même fon oraifon funebre aux obfèques qu'on lui fit dans l'église qu'il avoit fait bâtir en Tranfylvanie, dans laquelle on tranf porta fon corps comme il l'avoit demandé en mourant. Il laiffa deux fils, Ladiflas & Matthias, dont on aura fujet de parler souvent dans la fuite. Quelques hiftoriens ont rapporté que l'empereur des Turcs apprenant fa mort, dit, en baiffant les yeux du chagrin qu'il en reffentoit, que ce grand homme n'avoit eu perfonne avant lui qui lui fût femblable; qu'il s'eftimoit malheureux de n'avoir plus de tête affez célebre dans l'univers, fur laquelle il pût venger l'affront qu'il avoit reçu devant Belgrade.

VIII

Mort de faint

tran.

Jean de Capiftran âgé de foixante & onze ans, mourut le vingt-troifiéme Octobre, trois mois après Jean de CapifHuniade dans le convent des Cordeliers de Willach près de Sirmich en Hongrie, où il fut enterré.

IX.

Ce faint Religieux fils d'un gentilhomme Ange- Ouvrages de ca vin qui s'étoit marié en Italie, étant à la fuite de Saint, Louis d'Anjou roi de Naples, étoit né l'an 1385. à Capiftran près d'Aquila dans l'Abruzze au roïaume de Naples. Voici les ouvrages imprimez qu'on a de lui : un traité de l'autorité du pape & du concile contre l'affemblée de Bafle; un autre fous ce titre : miroir des clercs, ou difcours au clergé prononcé dans un fynode diocéfain de Trente; une inftruction pour les prêtres ; une apologie du tiers ordre de faint François ; le miroir de la confcience; un pénitenciel; un traité de l'excommunication; un autre du maria ge, des ufures & des contrats; du jugement univer

AN: 1456.

fel; de l'antechrift & de la guerre fpirituelle. Enfin quelque traitez du droit civil. On lui attribuë encore d'autres ouvrages qui n'ont pas été imprimez,comme, de la dignité ecclefiaftique au pape Nicolas; des peines de l'enfer & du purgatoire; des reftitutions & des contrats; un commentaire fur la regle des Freres Mineurs ; trois livres de la cupidité; un difcours fur la conception de la fainte Vierge; un autre fur la paffion de Notre-Seigneur ; un traité contre les Huiffites, & un difcours contre Rocquefane. Henri Sedulius cordelier, a écrit l'histoire de fa vie, Giry. col. 1376. dans laquelle on apprend beaucoup de chofes qui ont rapport à l'hiftoire du tems.

Sedul. Vadding.

Annal. minor.

X.

Zele du pape

deles.

La mort de ces deux grands hommes ne rallentit contre les infi- pas le zele du pape contre les infideles. Il engagea Henri roi de Castille à faire la guerre aux Maures, & accorda de grandes indulgences à ceux qui porteroient les armes fous les ordres de ce prince, ou qui contribueroient de leurs aumônes aux frais de cette guerre. Le fouverain pontife avoit tant de confiance dans les armes des François, qu'il avoit coûtume de dire, que fi le fecours de la France ne lui manquoit pas, il fe flattoit de détruire entierement les fectes de Mahomet & des autres infideles. Mais l'université de Paris & le clergé de Roüen, fans se laisser surprendre par fes louanges, interjetterent appel au futur concile, de la bulle de ce pape, par laquelle il avoit impofé des décimes fur les ecclefiaftiques de France, pour fecourir ceux qui fe croifoient contre les infideles. Callixte fut fâché de cet apel,& chargea le cardinal Alain de fe rendre au plûtôt à Paris, pour engager l'univerfité à le revoquer : ce qui lui fut d'au

Odoric. Raynald. ad an.

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