Imágenes de páginas
PDF
EPUB

PREFACE,

OU

DISCOURS

PRÉLIMINAIRE

Sur les moyens d'acquerir
l'Eloquence.

CAVOIR mettre la verité dans un jour avantageux, gagner les efprits, & fe rendre maître des cœurs par le fecours de la parole, eft un talent fi beau, fi noble, & fi utile dans le commerce du monde, que je ne pense pas qu'il y ait aucune perfonne fenfée qui doute du prix, & du mérite de l'Eloquence, C'est ce talent qui fait reüffir les plus grandes affaires, & les plus difficiles entreprises; c'est ce talent par lequel un A

Général inspire à fes foldats l'ardeur & le courage, dont il eft animé ; c'est ce talent qui attire à un Avocat la confidération, l'estime & la confiance du Public; qui fait qu'un Prédicateur humainement parlant a plus de fuccès qu'un autre dans la Chaire, qu'un Magiftrat devient comme l'oracle de fa compagnie, qu'un Miniftre d'Etat domine dans les Conseils, qu'un Ambassadeur foutient mieux les interêts de fon Prince, en un mot c'est ce talent qui rend un homme le protecteur de la juftice & de la verité, le défenfeur des biens, de l'honneur & de la vie de fes concitoyens,

L'Eloquence ne fe borne pas aux difcours publics, elle eft encore d'ufage dans les converfations, dans les lettres, & dans les négociations par ticulieres; faut-il inftruire, confoler, loüer, blâmer, reprendre, diffiper la tristeffe, ou la crainte, calmer la colere, réprimer l'orgueil, exciter la com, paffion? L'homme véritablement éloquent remplit avec fuccès tous ces differens devoirs, & l'experience nous apprend que tout autre que lui s'en acquitte mal. On voit par là combien un tel art, eft utile, & néceffaire dans la focieré,

Il n'eft donc queftion, que de trouver les moyens de l'acquerir, Or, en fuppofant les difpofitions naturelles, j'en remarque de trois fortes. 1° L'étude des Préceptes.

2°. La lecture des piéces d'Eloquence, 3° L'exercice de la Compofition.* Ce font les trois roûtes qui condui fent à l'art de bien dire, mais il ne fuffit pas de les indiquer au jeune Orateur; il faut encore lui en applanir les difficultés, il faut pour ainfi dire marcher avec lui, le diriger dans fes recherches, & le foulager dans fes travaux, C'est le but que je me propose, mais je m'affûre que le Lecteur équitable n'attend pas que je traite cette matiere dans toute fon étendue. Un tel projet ne conviendroit pas aux bornes d'une Préface; tout mon deffein se réduit donc à donner ici quelques réxions qui puiffent aider ceux qui veulent entrer dans la carriere de l'Eloquence, & les mettre en état de lire avec plus de fruit & de facilité le traité de l'Orateur.

[ocr errors]

PREMIERE PARTIE,

L'étude des Préceptes dans les excellens Rhéteurs de l'Antiquité,

les pré

Il ne faut pas croire que ceptes foient des loix arbitraires & inventées à plaifir; ils ont leurs fondemens dans la nature, dans la droite raifon, & dans l'expérience. C'eft le fruit des obfervations que des gens fenfés ont faites fur les difcours des plus grands Orateurs. Ils ont remarqué l'ordre, le plan, la divifion de leurs harangues, la maniere dont ils difpofoient leurs preuves, le foin qu'ils prenoient de préparer l'efprit des auditeurs avant que d'exciter le mouvement des paffions, l'attention qu'ils apportoient à donner tantôt du poids à leurs raifonnemens, & tantôt à orner leurs difcours de figures intéresfantes.

De ces obfervations on a formé ce corps de préceptes qu'on appelle la Rhétorique, ou l'art de parler. A la verité les règles ne fuffifent pas pour rendre les hommes éloquens. On ne réüssirą jamais, fi l'on n'a reçû en naiffant une mémoire heureuse, un efprit droit

& folide, une imagination vive & féconde, un difcernement fin & délicat, un gefte noble, une prononciation nette & correcte. Mais d'un autre côté c'est une maxime constan te, & autorisée par une expérience de tous les fiécles que le naturel le plus heureux, & le plus accompli n'ira pas loin, s'il n'eft aidé par le fecours des regles; il faut donc que la nature & l'art s'uniffent enfemble & s'entr'ai dent réciproquement pour former un parfait Órateur.

Tels font les principes fur lefquels la néceffité des préceptes eft fondée. Il ne s'agit plus que de faire un bon choix, & de chercher des guides qui foient capables de nous éclairer, & de nous bien conduire. L'Antiquité eft riche en ce genre. Les Grecs & les Romains nous ont laiffé d'excellens Traités de Rhétorique. Comme l'Eloquence étoit alors un chemin fûr pour parvenir à l'autorité, à la puiffance, & aux plus grandes charges de l'Etat, chacun s'empreffoit d'en étu→ dier les régles. Mais de tous ceux qui ont donné des méthodes fur cette importante matiere, il n'en eft point qui ayent mieux réüffi qu'Ariftote, Cice

« AnteriorContinuar »