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tres raisons ont rendu cet ufage plus fréquent, & plus familier. Par ce moyen on a fubftitué aux mots propres & primitifs des mots figurés qu'on a empruntés d'ailleurs pour donner au difcours plus de grace & d'énergie, ou pour remedier à la difette de la langue qui manque quelquefois de termes propres à exprimer toutes nos pensées.

Ainfi trois fortes de motifs nous engagent à recourir aux expreffions métaphoriques, ou parceque le mot emprunté eft plus expreffif que le propre, ou parcequ'il a plus d'éclat & de beauté, ou parceque notre langue n'ayant point de termes qui répondent à toutes les idées que nous voulons exprimer, nous fommes obligés d'en emprunter d'ailleurs. Par exemple il y a plus d'élégance & d'éner gie à dire, la campagne eft riante, terre eft alterée, qu'à dire, la campagne est belle, la terre eft feche. Mais quand on dit la face d'un édifice, le front d'une armée, on voit bien que c'eft la néceffité qui amene ces expreffions métaphoriques, & qu'on ne peut s'en paffer.

la

Il faut remarquer que les mots pris dans un fens métaphorique, perdent leur fignification primitive & naturelle, pour en prendre une nouvelle qui ne fatisfait l'efprit, qu'en vertu de la comparaifon qu'il fait du mot propre au mot métaphorique. Ainsi il y a toujours une comparaison fousentendue dans la Métaphore. Quand Homére dit, en parlant d'Achille : ce Lion s'élançoit, c'eft une Métaphore jufte. L'efprit du Lecteur n'eft point embarraffe; il compare auffi- tôt le courage du Heros avec celui du Lion.

En général la Métaphore eft d'un grand fecours dans l'Oraifon.Elle frappe l'ame par une image fenfible; elle met la verité fous les yeux; elle caracterise par des traits vifs & marqués les chofes qu'on ne peut exprimer par des mots propres : elle donne de l'ame aux corps inanimés, & du corps aux penfées.

Mais fi on en fait un trop fréquent ufage, elle fatigue, elle dégoûte l'Auditeur. Il ne faut pas non plus qu'elle foit tirée de trop loin, comme en cet exemple : Les neiges de la tête, pour dire, les cheveux blancs.

Enfin on doit terminer la Métaphore par le même genre par lequel on a commencé, & ne point paffer d'une fimilitude à une autre, d'une image à une autre. En quoi plufieurs manquent, dit Quintilien, aux regles de l'uniformité: car après avoir commencé leur phrase par une image prife de la tempête *, ils la finiffent par des expreffions qui préfentent à l'efprit une idée de ruiné, ou d'incendie ce qui produit une difconvenance toutà-fait irréguliere.

DE LA VARIETÉ DU STILE,

ET DES CHANGEMENS DE LIAISONS.

Voulez-vous du Public mériter les amours?

Defp. Ara

poët. c. 1.

$ans cesse en écrivant variez vos discours, P. 293.

Un ftile trop égal, & toujours uniforme, Envain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme.

En effet comme dans la prononciation la monotonie eft un défaut

*Id quoque impri- fumpferint incendie, mis eft cuftodiendum, aut ruina finiunt, quæ ut quo ex genere cœpe- eft in confequentia reris tranflationis,hoc de- rum fœdiffima. Quinfinas. Multi enim cùm til. Inft. Orat. L. 8, initium à tempeftate | c. 6.

infupportable, il en eft de même dans le ftile. Rien ne rend un discours plus ennuyeux, que lorfque les mêmes tours de phrafes, les mêmes figures & les mêmes tranfitions s'y préfentent fouvent. Changez donc de ton felon le befoin, & donnez diverfes faces à vos Ouvrages, fi vous voulez qu'ils plaifent.

J'avoue néanmoins que ce n'eft pas, une chose aifée. Un difcours, pour être jufte, doit être lié dans toutes fes parties; de maniere qu'elles fe fervent de foutien l'une à l'autre, & qu'il ne paroiffe aucun vuide entr'elles. Cependant nous manquons fouvent dans notre langue de termes qui lient le difcours. C'est ce qui rend notre compofition fi difficile, & ce qui nous oblige à renoncer quelquefois à des penfées juftes & folides, par la difette des liaisons, & par la crainte de tomber dans des redites. Les Anciens n'étoient pas fi delicats ni fi fcrupuleux, que nous le fommes. Les Romains revenoient très-fouvent à leur fed, à leur enim, à leur autem, &c. fans craindre la cenfure. On en peut voir de fréquens exemples dans Ciceron

même.

Mais puifque notre langue eft plus exacte, tâchons de nous conformer à fes loix, toutes févéres qu'elles font.Si nous manquons de transitions gram maticales, effayons de lier les choses par les chofes mêmes; enforte qu'une pensée conduise à une autre par un rapport commun au fens voifin, & que chaque période s'ajufte fi bien avec celle qui fuit, que nous ne foyons pas obligés de répéter les mêmes tranfitions, fi ce n'eft de loin à loin.

NOMBRE DANS LE DISCOURS
ORATOIRE.

On appelle Nombre, l'harmonie qui réfulte de l'arrangement des mots, foit dans les Vers, foit dans la Profe. Malherbe est le premier qui a introduit les Nombres dans notre Poëfie, ou qui en a perfectionné l'art.

Enfin Malherbe vint, & le premier en France Despréaux

Fit fentir dans les Vers une jufte cadence,

D'un mot mis en fa place enfeigna le pouvoir,
Et réduifit la Mufe aux Régles du devoir.

Nous avons la même obligation à
Balzac pour
la Profe. Avant lui on

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