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groffit les objets; là il les diminue & les réduit prefque à rien. Souvent il accumule raisons fur raifons, & fait une peinture fi énergique des choses qu'il veut faire connoître, qu'on croit les voir & les toucher. Mais fi tout cela ne fuffit pas, il apoftrophe la nature entière, il fait fortir les morts du tombeau, il donne des oreilles aux rochers, il anime les plantes & rend les aftres fenfibles à fa voix en un mot il femble vouloir intéreffer le Ciel & la terre dans fa caufe.

CONVENANCE ou BIENSÉANCE.

La Convenance eft la quatriéme perfection du ftile Oratoire. Envain les expreffions font pures, claires élégantes, nombreuses, variées, fi elles ne font proportionnées aux perfonnes & aux chofes dont il s'agit, elles ne produiront jamais l'effet que l'on fe propose. Car chaque efpéce de caufe, chaque paffion, chaque âge, chaque profeffion, chaque dignité, chaque fituation de fortune, chaque circonftance de temps & de lieux demandent des penfées & des expreffions toutes différentes. Que Orat. n. 72.

diroit-on par exemple d'un Avocar qui parleroit d'une petite affaire avec une diction pompeule & magnifique, ou qui traiteroit une matiére grave & importante avec un ftile bas & rampant? Ne le regarderoit-on pas comme un homme troublé, & qui auroit perdu l'efprit ? L'homme fenfé l'homme véritablement éloquent af fortit fon difcours à la qualité des fujets qu'il traite. Il dit les petites chofes d'un ftile fimple, les médiocres d'un ftile tempéré, & les grandes d'un ftile fublime & majestueux. Veut-il plaire? Il parle d'une maniére douce, gracieufe, infinuante. Veutil étonner les Auditeurs & les arracher à leurs paffions? Il employe tout ce que l'Eloquence a de fort, de nerveux, de perfuafif. Son difcours n'eft orné que de vérités lumineuses, que d'images vives & d'expreffions convenables à fa matiere: au lieu que le déclamateur, le bel efprit de profeffion n'atteint jamais au but. Il a beau employer des mots à la mode, des phrafes brillantes, des tours ingénieux, fon difcours n'a ni force ni vertu, parce que tout y eft déplacé, tout y eft hors des régles de la bienféance.

DES TROIS GENRES DE CAUSES.

Tous les difcours imaginables que l'Orateur peut faire, fe réduifent à trois genres qui font le démonftratif, le déliberatif & le judiciaire. Le genre démonftratif comprend la louange & le blâme. Le délibératif comprend la perfuafion, & la diffuafion. Le judiciaire contient l'accufation ou la demande, & la défense.

LE GENRE DEMONSTRATIF.

Les louanges ont pour but de rendre un témoignage honorable à la mémoire des illuftres morts, ou à la vertu des vivans, & d'exciter les derniers à devenir encore meilleurs & plus parfaits. Telle eft la fin que l'on doit fe propofer dans lesPanegyriques, dans les Oraifons Funébres, dans les Difcours Académiques, &c.

On tire les louanges de la patrie, des parens, de l'éducation, des qualités du cœur & de l'efprit, des biens extérieurs, du bon ufage que l'on a fait du crédit, des richeffes, des emplois & des charges.

Les Panégyriques des Saints doi

vent être conformes à leur vie, c'est-à-dire, qu'ils doivent être graves, ferieux, édifians. Leurs bonnes actions, fagement & éloquemment expofées, montrent que les devoirs de la religion ne font point incompatibles avec les devoirs de la focieté, & que tout ce que nous disons, pour autorifer notre découragement, n'eft qu'un vain prétexte.

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Le propre des Oraifons Funébres & des Panegyriques eft d'orner & d'amplifier. Ces fortes de difcours demandent une élocution riche, noble, brillante magnifique, beaucoup d'ordre & de netteté dans l'arrangement des faits, avec une adresse merveilleufe pour les placer dans leur véritable point de vue, & pour les enchaîner avec la morale. Les grands Orateurs que j'ai indiqués dans la feconde partie de cette Préface nous fourniffent d'excellens modéles à cet égard.

S'il ne s'agiffoit que de faire l'éloge des perfonnes qui par une conftante & perpétuelle fidélité à obferver la Loi de Dieu ont mérité d'être louées à la face des Autels, la difficulté ne feroit pas fi grande pour l'O

fateur: il n'auroit qu'à fuivre la richeffe de la matiere; fa fincérité & fa réputation ne feroient ne feroient pas en danger d'échouer. Mais il faut quelquefois louer des hommes dont la vie a été mêlée de bien & de mal, tantôt décorée par des vertus éclatantes, & tantôt avilie par de grands vices. Qu'il eft difficile alors de faire un difcours qui foit entiérement conforme à l'efprit de la religion, & de ne pas confondre le christianisme avec l'héroïfme! Cependant l'Orateur Chrétien qui veut faire fon devoir, ne doit louer que ce qui eft louable, ne doit faire eftimer & admirer que ce qui eft digne d'eftime & d'admiration dans les principes de la Morale Evangélique.

A l'égard des Difcours Académiques, des Complimens qu'on fait aux Princes, aux Puiffances, & de certains Panegyriques qui ont du rapport à ceux d'Ifocrate, comme on ne traite ces fujets que pour le plaifir de l'Auditeur, Ciceron veut que l'on

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* Genus quod Græcè | fâ comparatum eft. Orat. ¿TISHKTIKÒV nominatur, n. 37.

quod quafi ad infpicien

Datur venia concin

dum delectationis cau- nitati Sententiarum, &

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