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& 20.

céron, il y avoit de certains ignorans qui Preface 14 fe vantoient d'avoir l'Eloquence attique, quoique leur ftile fût fec, aride & décharné enforte qu'on les tournoit en dérifion lorfqu'ils vouloient plaider; mais malgré ce mauvais fuccès, ils ne laiffoient pas de former un parti dans Rome, & de s'ériger en zelés défenfeurs du ftile attique; ils ofoient même attaquer l'Eloquence de Ci-. céron, cette vive & éclatante lumiere du Senat & du Barreau! Ils difoient que fon ftile étoit empoullé, diffus, asiatique. Ce font eux apparemment qu'il a en vûë dans le commencement de fon fecond livre des Tufculanes, lorfqu'il dit. » Tandis que » nous nous attachions à mériter l'appro>>bation du public par nos harangues, >> nous avons trouvé des cenfeurs qui en » blâmoient le ftile. Ces fortes de gens ne >> loüoient que ce qui étoit à leur portée, & >> mefuroient les forces de l'Eloquence aux » bornes étroites de leur génie; ils préfe>>roient la maigreur & la féchereffe de leur » diction, à l'abondance de nos discours. » De-là vint ce bizarre genre d'atticismè, >> qu'ils fe propofoient de mettre en crédit; » mais ayant voulu plaider au Barreau, >> devinrent la rifée de tout le monde.

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ils

[s] Cicéron en propofant Démofthêne pour un modele d'atticifme, & en déclarant qu'Athenes même n'étoit pas plus que lui dans le goût attique, nous fait entendre qu'aucune des perfections de l'atticisme ne lui manquoit, qu'il fçavoit employer felon les occafions tantôt l'air naturel & délicat du ftile fimple, tantôt la douceur

& les ornemens du temperé, tantôt la grandeur & la majefté du fublime. KKKKKKKKKKKKKKKKK

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En quoi confifte le mérite & le caractére du ftile attique.

25.

Es [1] Orateurs ont toujours Lpris pour régle de leurs difcours le goût des auditeurs : c'est leur point de vue. Dès qu'on veut plaire, on tâche de fe conformer au génie, au caractére & aux difpofitions de ceux qui écoutent: De-là ce ftile pefant & pour ainfi dire, furchargé d'une abondance faftidieuse qui s'eft répandu parmi les [z] Phrygiens, les Ca riens, les Myfiens, peuples groffiers & fans politeffe. [3] Les Rhodiens qui ne font féparés d'eux que par un petit trajet de mer, n'ont jamais pu s'ac pû commoder d'un tel ftile. Les Grecs l'ont encore moins approuvé, maisles Atheniens l'ont rejetté avec le dernier mépris. Ceux-ci d'un difcernement exquis & d'un goût. fûr, ont toujours condamné tout ce qui ne portoit pas le caractére d'une faine Eloquence & d'une politeffe accomplic.

26. De forte que leurs Orateurs pour ne point bleffer des oreilles fi fines & fi délicates, n'ofoient hazarder le moindre mot qui fût tant foit peu choquant, ou inufité. C'est pourquoi ce grand Orateur que nous avons mis au-deffus de tous les autres, paroît fr circonfpet dans la harangue qu'il a faite pour [4] Cthefiphon; harangue qui certainement eft fon chef-d'œuvre, il y parle d'abord d'un air fimple & d'un ton modefte, enfuite il employe un raifonnement ferré & preffant fur l'obfervation des loix puis gagnant infenfiblement du ter rein, dès qu'il s'apperçoit de l'émotion qu'il a excitée dans l'efprit des Juges, il donne l'effor à fon génie & s'abandonne à toute fa véhémence.

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Cependant quoiqu'il eût foigneufe ment pefé tous fes termes [5], Eschi ne ne laiffa pas d'en critiquer quelques-uns & de s'en mocquer. Il les trouvoit durs, odieux, infupporta bles; il demandoit à Démofthêne, fi c'étoient des monftres ou des paro les? & s'emportoit jufqu'à le traiter de bête feroce. De forte qu'au jugement d'Eschine, Démofthêne même n'étoit pas Orateur attique.

27. Mais il eft bien facile, lorsqu'on eft de fang froid, & que les paffions ne font plus en mouvement, de tourner en ridicules des termes pleins de feu, & employés dans la chaleur de l'action. Auffi Démofthêne ne fe juftifie-t-il qu'en badinant, & fe contente de [6] répondre que le falut de la Gréce ne dépend ni du bon ni du mauvais choix des mots, ni de la rés gularité ou de l'irrégularité du gefte, Il ne s'agit point, dit-il, de fçavoir fi je me fuis fervi de ce terme-ci ou de celui-là, fi j'ai porté la main de ce côté-ci on de cet autre,

Mais, fi Démofthêne a été traité à Athenes d'Orateur groffier & impoli, comment y auroit-on pû fouffrir un Myfien, un Phrygien, un Carien: de quel air y auroit-on reçu cette étonnante prononciation des Afiatiques qui femblent plutôt chanter que haranguer, & pouffer des hurlemens, qu'articuler des paroles? Concluons donc que pour mériter le nom d'Orateur attique, il faut fçavoir fe conformer à la délicateffe & à la féverité des oreilles Atheniennes.

NOTES

Sur le quatrième Chapitre de l'Orateur. [1] Il paroît que ceci n'eft pas un précepte, mais feulement un récit hiftorique de ce que font les Orateurs, quand ils ont à parler en public. Cicéron ne dit pas qu'ils doivent fe regler fur le goût de ceux qui les écoutent. Il dit feulement qu'ils s'y reglent toujours dans la vûe de plaire, & que ce mauvais ufage a produit ces difcours faftidieux & cette enflûre afiatique qui étoit du goût des Phrygiens, des Cariens & des Myfiens, Peuples groffiers & barbares. Il est vrai que l'Orateur doit étudier les mœurs. les inclinations & les difpofitions des Auditeurs pour en profiter; mais il est faux qu'il doive toujours le conformer à leur goût; il faut même s'en éloigner, quand il eft dépravé & corrompu.

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Que prétend donc ici Cicéron Il veur que l'on fe regle fur le goût des Atheniens; goût für & exquis, & que Démofthêne, qui eft celui de tous les Orateurs qui a le mieux réuffi dans l'Eloquence attique, foir regardé comme le plus parfait modele en ce genre.

[2] Peuples qui habitoient cette region de l'Afie mineure, qu'on appelle aujour'd'hui la Natolie.

[3] Rhode n'eft éloignée des rivages de la Carie que d'environ dix lieues communes. [4] Cicéron avoit traduit en latin la harangue de Démofthêne dont il eft ici queftion, avec celle qu'Eschine fon rival & son

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