NOTES

Sur le fixiéme Chapitre de l'Orateur.

[1] Bratus avoit toutes les qualités de Pefprit & du cœur, qui pouvoient attirer Peftime & l'amitié de Cicéron. Il est peint ici non-feulement comme un excellent Gouverneur de Province; mais encore comme un homme d'un caractére fi aimable, fi judicieux & d'une probité fi univerfelle ment reconnue, que ceux même qui perdoient leur caufe à fon Tribunal, s'en retournoient contens & fatisfaits de l'équité de fes jugemens. C'eft auffi l'idée qu'en donnePlutarque.

[2] Cefar étant fur le point de paffer en Afrique pour combattre Caton, Scipion & le refte des legions qui s'étoient retirées dans ce Pays après la bataille de Pharfale, donna le Gouvernement de la Gaule Cifalpine à Brutus qui gouverná cette Province avec tant de moderation & de fagelle', qu'elle ne fe fentoit point des defordres & des troubles de la guerre civile.

[3] Après la mort de Caton, Cicéron fir fon éloge à la priere de Brutus. Quoique Cefar fut alors tout puiffant dans le Gouvernement, & que Caton eût été fon plus grand ennemi, il ne trouva pas mauvais que Cicéron eût fait fon éloge: il fe contenta de répondre à cet écrit par un autre intitulé Anti-Cato, preuve de fa douceur & de fa clémence.

CHAPITRE VII. Difficulté d'expliquer en quoi confifte la perfection fur chaque chofe. 36. IEN n'eft plus difficile, que Rd'établir & d'expliquer en

quoi confifte le caractere de la perfection fur chaque fajet; parceque chacun en juge felon fes idées particulieres. J'aime Ennius, dit l'un, car il ne s'éloigne point du langage ordinaire; & moi, dit un autre, je préfere Pacuvius, tous fes vers font beaux & bien travaillés au lieu qu'il y a beaucoup de négligence dans Ennius. Un troifiéme s'écrie: Accius eft mon Auteur favori. Ainfi les jugemens varient fur les Auteurs Latins, comme fur les Auteurs Grecs; & il n'est facile de déterminer quel eft le plus excellent genre d'écrire.

pas

Les hommes penfent en fait d'Ouvrages d'efprit, de même qu'en fait de Peinture; les uns veulent des figures peu travaillées, peu finies, enfoncées & chargées d'ombres: les autres au contraire en demandent qui foient gayes, ornées, brillantes & d'un beau coloris, Hy

Dans cette varieté d'originaux, tous excellens, chacun en leur genre; qui pourra donner une regle, ou une marque fûre pour connoître à quoi il faut

s'en tenir ?

Cette difficulté, quelque grande qu'elle foit, ne m'a point détourné de mon entreprise. J'ai toujours crû qu'il y avoit en chaque chofe un point. de perfection caché & difficile à découvrir, mais qui n'eft pas inacceffible à quiconque poffede bien le fujet qu'il traite.

Que le ftile du Barreau est bien différent de celui qui convient aux Sophiftes,. aux Panegyriftes, aux Hiftoriens, aux Déclamateurs ; que néanmoins il n'eft pas inutile à l'Orateur de prendre quelque teinture de toutes ces efpeces de ftiles.

37.

I qui different entre eux & dont

y a plufieurs genres d'écrire

chacun forme un caractere particulier.. Tel eft le ftile de l'Hiftoire, des Eloges, des Déclamations, des piéces

de Rhétorique, des Panegyriques faits à la manière d'Ifocrate & des au tres Sophistes; en un mot de toutes les compofitions, qui n'ayant pour but que l'oftentation, ou le plaifir de l'oreille, paroiffent tout-à-fait éloignées du ftile véhément & contentieux qui domine au Barreau.

Je n'ai pas deffein de parler ici à fond de tous ces différens genres d'écrire, quoiqu'il n'en faille pas négliger l'étude: car ils doivent être confiderés comme le lait & la premiere nourriture de l'Orateur, que nous voulons former & au fujet de qui nous nous propofons de dire quelque chofe de plus recherché, que ce qu'on enfeigne d'ordinaire. Il eft certain que la connoiffance & l'usage de ces diverfes efpeces d'élocution fourniffent à l'efprit une g ande abondance d'expreffions, & lui communiquent le goût de cette noble construction & de cette heureufe harmonie qui fçait s'affranchir. de la fervitude des regles..

38. C'est dans les ouvrages de cette nature qu'il eft permis pour flatter l'oreille, de rechercher les penfées in génieuses, les expreffions frapantes, les traits brillans, Tarrangement nom

breux & périodique. Là, loin de ca-
cher l'art, on en fait parade, on ne
craint point d'en étaler toute la pom-
pe & la magnificence. Là on em-
ploye ces ornemens qui confiftent
dans un raport de paroles [1] mesu-
rées & placées avec une telle fyme-
trie, que les divers membres des phra
fes fe répondent les uns aux autres &
préfentent le même nombre de fylla-
bes. Là brillent à leur tour ces figu-
res qui [2] oppofent les contraires aur
contraires, ou qui les comparent en-
femble, ou celles [3] qui terminent
chaque partie des périodes avec les
mêmes chûtes & les mêmes defi-
nences: figures que nous n'ofons
employer au Barreau, ou que du
moins nous n'employons que rare-
ment & d'une maniere moins mar-
quée [4]. Ifocrate avoue dans fon
Panathenaïque qu'il avoit recherché
avec foin ces fortes d'embelliffemens:
auffi tous fes écrits ne font faits que
pour
le plaifir de l'oreille & non pour
les combats du Barreau..

39. Thrafymaque de Chalcedoine & Gorgias Leontin ont été les premiers Auteurs de ce genre d'écrire;, enfuite il a été adopté par Theodore de