Imágenes de páginas
PDF
EPUB

feconde fimiliter cadens. Selon les loix de la premiere les membres de la phrase doivent fe terminer par les mêmes confonan

ces,

comme Dux fuit tam egregius, ut ejus femper voluntatibus non modo cives affenferint, focii obtemperarint, hoftes obedierint, fed etiam venti tempeftatefque obfcundarint. Selon fes regles de la feconde on doit terminer les membres de la période par des cas femBlables: comme eft idem Verres qui femper fuit, ut ad audendum projectus, fic ad audiendum paratus.

Cicéron n'a point négligé ces cours de phrafes & ces délicateffes de langage dans fes Oraifons; mais il ne s'y eft point li vré avec excès.

[4] Dans l'aveu que fait ici Ifocrate il fe reproche à lui-même le trop d'applica tion qu'il appertoit dans fa jeunelle à rechercher les fleurs de la Rhétorique: il fe corrigea de cet excès à mesure qu'il avança en âge. Voici l'éloge que Cicéron fait de cet Auteur. Ifocrate excellent Maitre, & grand Orateur ouvrit à toute la Gréce fa maison comme une efpéce d'Académie & une Ecole d'Eloquence. Quoiqu'il ne parut point au Barreau, il acquit fans fortir de fon logis une réputation plus éclatante, qu'aucun Poète n'en a jamais eûe. Il a écrit plufieurs beaux ouvrages, & a donné d'utiles inftructions en l'art de parler; outre qu'il a réuffi en cela mieux que tous ceux qui l'avoient précedés, il fut le premier qui s'apperçur que la Profe en évitant la mesure du vers devoit avoir an certain nombre & une certaine cadence,

Avant lui on ne connoiffoit point la belle construction, ni le prix des chûtes harmonieuses dans la période, ou s'il y avoit quelque arrangement nombreux, c'étoit moins le fruit de la méditation, qu'un heureux effet du hazard. Cic. in Bruto. n. 32 & 33.

[s] Cicéron dit dans le Dialogue intitulé Brutus, que la plupart des Rhéteurs falfifioient la Rhétorique, & faifoient profeffion d'enfeigner comment on pouvoit par le miniftere de la parole rendre bonne une mauvaise caufe, & que d'ailleurs ces hommes frivoles s'érigeoient en Docteurs de ftile, & paroiffoient tout occupés à montrer l'art de conpaffer des mots, & de conftruire artistement des phrafes. Socrate, qui étoit leur fleau, réfuta leur vaine doctrine, & prouva avec beaucoup d'ef prit & de délicateffe, qu'ils fubftituoient au naturel & à la folidité des pensées, de faux brillans, des jeux de mots, des raifonnemens forcés, des mouvemens affectés & contraires au but de la veritable Eloquence.

[ocr errors]

[6] Ajoutons à l'éloge que fait ici Cicéron de l'heureux génie de ces deux illuftres Hiftoriens le témoignage de Quintilien. Plufieurs, dit-il, ont réuffi à écrire l'hiftoire; mais tout le monde convient que Thucydide & Herodote font préferables à tous les au tres. Thucydide toujours ferré & concis fe foutient dans une égale rapidité; Herodote a un ftile étendu, doux & naturel. L'un exprime mieux la violence d'une paffion, l'autre la douceur d'un fentiment. L'un fe fignale par les harangues, l'autre par le ré cit des converfations. Le premier a plus de

force, le fecond fait plus de plaifir. Hiftoriam multi fcripferes fed nemo dubitat duos longè cæteris præferendos, denfus & brevis & femper inftans fibi Thucydides; dulcis & candidus Herodotus: ille concitatis, bic remiffis affecti bus melior: ille concionibus, bic fermonibus ille vi, bic voluptate.

[ocr errors]

CHAPITRE IX. Préceptes généraux de l'Invention de la Difpofition & de l'Elocution.

13. TR

Rois [1] chofes principa les demandent l'attention de POrateur, l'invention, la difpofition & l'élocution, à laquelle eft jointe l'action. Nous marquerons en quoi confifte la perfection par raport à chacun de ces articles; mais qu'il me foit permis de fuivre ici une méthode un peu différente de celle qui eft en ufage; car mon deffein n'eft pas de donner içi les préceptes de la Rhéto rique, je me propofe feulement de tracer l'idée de la parfaite Eloquence & de la peindre telle qu'elle fe préfente à mon efprit, fans entrer dans le détail des moyens de l'acquerir.

44. Je ne m'étendrai pas-beaucoup fur les deux premieres parties, parcequ'étant communes à plufieurs autres

Arts, ce n'eft pas de leur fonds que l'Orateur tire fa plus grande gloire, quoiqu'elles lui foient abfolument néceffaires. Il eft vrai qu'inventer & choifir ce qui convient à chaque par tie du difcours, font à l'Eloquence ce que l'ame eft au corps; toutefois quelque importantes que foient ces deux chofes,elles appartiennent moins à l'homme céloquent, qu'à l'homme fenfé; & avec raifon : car la prudence & le bon fens doivent regner en tout genre d'écrire.

45. Que cet Orateur, que nous voulons rendre parfait, s'étudie donc à connoître les fources des argumens & des preuves; or tout [2] ce qui peut former une conteftation fe réduit à fçavoir, fi-la chofe eft, de quelle nature elle eft, & quelles en font les qualités. On connoît par les indices fi la chofe eft; on découvre ce qu'elle: eft par le fecours des définitions, & on apperçoit les qualités par les idées que nous avons du bien & du mal,

Mais afin que notre Orateur puiffe mettre à profit cette méthode, il ne fe bornera point aux preuves qui font. limitées par les circonftances du tems, du lieu, des personnes, mais il re

montera, s'il peut, du particulier at géneral; Car outre que par là il s'ouvrira un champ plus vafte, il en tirera encore cet avantage, que la preu ve de la question génerale étant bien établie, emportera par une fuite néceffaire la preuve de la question par ticuliere.

46. Or la question ainfi féparée des circonftances du tems, des lieux, des perfonnes, & portée du particulier au géneral fe nomme Thefe. C'étoit felon cette méthode qu'Ariftote exerçoit fes difciples. Il les faifoit parler pour & contre, non avec la féchereffe des Philofophes, mais avec l'abondance des Orateurs, Son but étoit de les mettre en état de traiter avec l'étendue, la fécondité & les ornemens convenables toute forte de fujets. Ce même Philofophe a fait un Livre des lieux communs, (c'eft le nom qu'il leur donne) où l'on trouve des regles propres à ce deffein. 1

7

47. Puifque les Rhéteurs nous ont fourni des moyens fûrs pour trouver des preuves, notre Orateur qui ne doit être ni un déclamateur de College, ni un criailleur du Barreau, mais un homme fçavant, poli & orné de toutes

« AnteriorContinuar »