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correct, & de plus accompli: dans cette vûe il fit les Dialogues dont nous avons parlé. Il compofa enfuite le Brutus, au l'entretien fur les illuf tres Orateurs. C'eft moins un traité de Rhetorique, qu'une hiftoire de l'origine, du progres & des diverfes formes de l'éloquence; Ciceron, Brutus & Atticus qui font les interlocuteurs de ce Dialogue paffent en revûë les Orateurs Grecs & les Latins, ils les loüent, ou les blâment felon les per fections, ou les défauts qui fe trouvent dans leurs écrits. On y dépeint leur génie, leur fçavoir, leurs talens : Chacun y eft caractérisé avec les traits & les couleurs qui les diftinguent les uns des autres, & qui en font connoître les différences effentielles.

Après le Brutus, Ciceron donna au public le Traité de l'Orateur que j'ai traduit, & dont je ferai bientôt l'Analyfe. Mais auparavant je dirai encore quelque chofe de deux autres Ouvrages que notre Auteur fit fur l'art oratoire. l'un s'appelle les Topiques. & l'autre les Partitions Oratoires.

Les Topiques enfeignent à connoître les lieux communs, c'est-à

dire les fources d'où on tire les argumens. Je parlerai ailleurs de l'ufage que l'on peut faire de ces fources générales. Ciceron nous apprend lui-même ce qui donna occafion à cet Ouvrage. Trebatius fameux Jurifconfulte avoit lû plufieurs fois les Topiques d'Ariftote, & n'avoit pû y rien comprendre. Il s'adreffa à Ciceron, & le pria de lui en faciliter l'intelligence. Ciceron pour répondre à l'attente de fon ami, & lui donner les éclaircissemens qu'il fouhaitoit, compofa le livre dont je parle, où il mit cette matiére dans un grand jour.

Les Partitions Oratoires feroient une Rhetorique complette, fi les régles y étoient accompagnées d'exemples; elles contiennent l'effentiel & la fubftance de tout ce que l'Auteur avoit dit dans fes livres précedens: c'eft un Dialogue entre Cicéron & fon fils; le fils interroge & le pere répond. Les demandes & les quef tions du fils font juger qu'il étoit déja initié dans les principes de l'éloquence; & les réponses du pere non-feulement fortifient cette idée mais nous donnent encore lieu de penfer que ce jeune homme avoit beau

coup d'efprit & de pénétration; puifque Ciceron y employe des rai fonnemens qui n'auroient pû convenir à un Auditeur d'un esprit médiocre. Voyons maintenant ce que contient le Traité de l'Orateur.

PLAN DU LIVRE
Intitulé l'Orateur.

UNE difpute s'étant élevée à Rome entre les Orateurs touchant l'idée de la parfaite éloquence, M. Junius Brutus curieux de fçavoir le fentiment de Ciceron, le pria inftamment d'examiner cette matiere, & de lui écrire ce qu'il en penfoit. Ciceron après avoir long-tems réfifté fe laiffa vaincre par les preffantes follicitations de fon ami & compofa le Traité de l'Orateur, qui eft un des plus beaux fruits de fa vieilleffe: il en étoit lui-même fi fatisfait qu'écrivant à Lepta il en parle en cette maniere : * Je fuis ravi que vous foyez con

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* Oratorem meum à 1 de dicendo, in illum te probari vehementer librum contuliffe, qui

gaudeo. Mihi quidem fi talis eft, qualem tibi fic perfuadeo me quidquid habuerim judicii

videri fcribis, ego quoque aliquid fum; fin

» crois

در

» tent de mon Orateur. Pour moi je y avoir fait entrer tout ce » que j'ai de goût, & de difcernement » en l'art de parler; s'il eft tel que » vous le dites, je vaux quelque chose; s'il eft autrement, je confens » que l'on rabatte autant de l'idée avantageufe que l'on a conçûë de » mon discernement, que l'on rabat» tra du mérite de cet Ouvrage.

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Qu'on ne s'attende pourtant point de trouver ici une Rhétorique en forme. Ciceron ne se propose d'autre but que de donner le portrait du parfait Orateur; il déclare qu'en travaillant à ce portrait, il ne fe réglera ni fur les Orateurs de fon tems, ni fur ceux des fiécles paffés, perfuadé que les productions de l'efprit humain ont toujours quelque chofe de défectueux; il remonte avec Platon jufqu'aux principes éternels & immuables, il tâche de faifir l'idée de la parfaite Eloquence, & forme fur cette idée l'Orateur que Brutus cherchoit.

Mais pour bien prendre le fens de Ciceron dans ce Traité, il faut fçavoir que plufieurs fe vantoient alors aliter, non recufo, quin | tantumdem de judicii quantum de illo libro, mei famâ detrabatur,

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d'avoir l'Eloquence attique; Eloquence qui confifte dans un ftile pur, ferré, noble, élégant, fublime & pathétique felon la qualité des fujets. Les Orateurs Romains qui ne pouvoient atteindre à cette perfection & dont le ftile étoit fec & décharné, ne laiffoient pas de prétendre à la gloire de l'atticifme. Chacun d'eux cherchoit à fe couvrir d'un grand nom & à s'ap puyer fur des autorités impofantes; uns difoient qu'ils fuivoient le ftile de Lyfias, les autres celui de Thucidide, quelques-uns celui de Xenophon, ou d'Ifocrate. Ciceron pour réfuter leurs prétentions établit l'idée du vrai atticisme; montre que parler & écrire attiquement, c'eft parler & écrire de la maniére la plus parfaite. Qu'à la vérité Lyfias, Thucidide Xenophon & Ifocrate ont quelques parties du ftile attique, mais qu'ils ne Je poffedent pas en entier. En effet on trouve en Lyfias une noble fimplicité, mais il ne s'éleve prefque jamais jufqu'au fublime. Thucidide a de la jufteffe, de la folidité, & de l'énergie; mais fon ftile eft rude, peu arrondi, peu coulant, & tout-à-fait éloigné du caractère qui convient au difcours

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