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ni un dactile pour un anapefte, parceque. le vers eft aftraint à une certaine marche & à une certaine mesure de pieds.

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CHAPITRE XIL

De la Bienféance qui convient au ftile de l'Orateur.

69. Lcherchons, & que nous cher'HOMME Eloquent que nous

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chons fur l'idée qu'en avoit M. Antoifera celui qui dans les fonctions du Barreau, dans les harangues & dans les délibérations publiques, fçaura prouver, plaire, émouvoir. Il est İl d'un devoir indifpenfable de prouver. La douceur & les graces du ftile font néceffaires pour plaire: Mais pour remporter la victoire, il faut émouvoir. C'est ce dernier talent qui contribue le plus au fuccès des causes.

Ainfi il y a autant de différens genres de ftiles, que l'Orateur a de devoirs à remplir. Le fimple eft deftiné prouver, le temperé à plaire, le véhément à émouvoir; en quoi feul confifte toute la force de l'art oratoire.

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70. D'où il fuit que l'application & l'ufage de ces trois fortes de ftiles, demandent beaucoup de jugement & de prudence dans l'Orateur. Car il faut qu'il fçache difcerner ce qui convient à chaque genre en particulier, qu'il les tempere l'un par l'autre, & qu'il les varie felon la différence des fujets. Auffi le bon fens eft le fondement de l'Eloquence, comme de toute autre chofe. Si rien n'eft plus difficile, que de connoître ce qui fied le mieux dans chaque action de la vie, rien auffi n'eft moins aifé que de connoître en quoi confifte dans les ouvrages d'efprit cette décence que les Grecs appellent év, & les Latins decorum: matiere qui a donné lieu à un grand nombre d'excellens préceptes, qu'on doit apprendre exactement, fi l'on ne veut s'expofer à commettre une infinité de fautes, tant dans la conduite de la vie, que dans la compofition des ouvrages de Profe & de Poefie.

71. L'Orateur doit donc s'étudier à difcerner les [1] bienséances qui regardent & les pensées, & les paroles: car à chaque état, à chaque rang, chaque condition, à chaque âge, à chaque auditeur, à chaque circon

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ftance de tems & de lieux, il faut des expreffions & des pensées différentes. Et comme dans l'ufage du monde la bienséance diverfifie fes loix felon la diverfité des conjonctures, on doit auffi diverfifier fon ftile felon l'exigence des fujets que l'on traite, & feIon la qualité & le caractere de ceux qui parlent, & de ceux qui écoutent,

Que [2] diroit-on, par exemple, d'un Avocat qui plaidant en présence d'un feul Juge pour une petite affaire, où il s'agiroit feulement de la décharge d'une goutiere, employeroit une di&tion pompeufe & étaleroit les grandes figures de la Rhétorique, ou qui fe ferviroit d'un ftile fimple & rempant, quand il feroit question de faire valoir la majefté & la grandeur de T'Empire?

72. Cet homme manqueroit fans doute à la bienféance en toutes manieres. D'autres y manquent à différens égards, tant par rapport à leurs propres perfonnes, qu'à celles des Juges, ou à celles des parties adverfes: Ces gens-là pechent non-feulement contre la convenance des pensées, mais fouvent même contre celle des expreflions. Or quoiqu'il foit vrai que,

les paroles ne font rien fans les cho fes, il n'eft pas moins vrai, que les chofes dépendent tellement des paroles, que fouvent la même idée eft reçûe ou rejettée, plaît ou déplait, felon la maniere dont on l'exprime. [3] Il faut donc en toute occafion sçavoir jufqu'où on peut aller. Car chaque fujet a fes bornes & fes proportions, mais le trop choque toujours plus, que le trop peu auffi Appelle blâmoit-il les Peintres qui ne fentoient pas où il falloit s'arrêter. Cette matiere eft d'une fi grande étendue, comme vous fçavez, mon cher Brutus, qu'elle demanderoit un volume à part. En voilà affez pour ce qui regarde la queftion préfente; d'autant plus que les termes de bienféance & de mefféance font affez connus dans le monde par le fréquent ufage qu'on eft obligé d'en faire, & par les idées que nous y attachons en toute occafion. Mais autre chofe eft de fçavoir la différence qu'il y a entre le mot de devoir & le mot de bienSéance.

73. Le mot de devoir marque une obligation indifpenfable d'agir en tout tems, & en toutes chofes avec la

droiture & la perfection qu'exige l'ordre. Le terme de bienséance offre feulement à l'efprit une idée de convenance, une attention à conformer nos actions, nos discours, notre air, nos geftes & toutes nos manieres à l'exigence des tems, des lieux, des perfonnes, & on appelle meffeant tout ce qui eft oppofé à cette idée,

74. Or files Poëtes ont foin d'obferver ce qui convient à chacun de leurs perfonnages, s'ils évitent, comme un grand défaut de mettre dans la bouche d'un fcelerat le langage d'un homme de bien, & dans la bouche d'un fou le langage d'un homme fenfé, [4] fi le Peintre qui peignit le facrifice d'Iphigenie, après avoir repréfenté Calcas trifte, Ulyffe plus trifte encore, & Menelas fondant en larmes, crut qu'il convenoit de couvrir d'un voile la tête d'Agamemnon ; parceque fon pinceau épuisé ne pouvoit exprimer l'excès d'affliction où étoit plongé ce pere infortuné; fi les Comédiens mêmes, fe font une loi de s'affujettir aux regles de la bienféance, que ne doit pas faire l'Orateur? quelle attention ne doit-il pas apporter à s'y conformer?

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