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public. Xenophon eft plein de charmes, mais il n'a ni nerfs, ni éguillon. Ifocrate a de la régularité, de la douceur & un agrément infini. C'eft lui qui le premier a donné à la phrafe ce tour périodique, ces cadences mefurées, & cette jufte étendue qui contribuent infiniment à la beauté du difcours; mais il n'écrivoit que pour flatter l'oreille; fa diction fleurie & ornée de pensées brillantes n'avoit ni feu, ni véhémence.

Qui faut-il donc imiter? Démofthêne, répond Cicéron. C'eft le mo-déle le plus accompli que l'on puiffe fe propofer; nul autre n'a mieux réuffi dans les trois genres de ftile, nul n'a été ni plus délicat dans le fimple ni plus élevé dans le fublime, ni plus fage dans le temperé. Comme il parloit devant le peuple le plus poli & le plus difficile à contenter en matiére d'Eloquence qu'on ait jamais vû, il ne hazardoit rien qui pût blesser des oreilles fi fines & fi délicates; fon difcours néanmoins étoit animé de ces figures hardies, de ces traits vifs & touchans qui font feuls capables de fraper & d'émouvoir les efprits. Que ceux donc, conclut Cicéron, qui veu

lent devenir Orateurs attiques, ne cherchent point d'autre modéle que Démofthêne? Qu'ils jugent de l'Eloquence, non fur la foibleffe de leurs talens mais fur la force, & l'excellence des difcours de ce grand homme. Continuons à fuivre le plan de Cicéron. Toute la Rhétorique peut fe réduire quatre parties.

à

1o. A l'art d'inventer.

2o. A la disposition des différentes parties du difcours.

3°. A l'élocution.

4. A l'action, ou prononciation. De ces quatre parties notre Auteur n'approfondit, à proprement parler, que la troifiéme qui eft l'élocution; il paffe affez legerement fur les trois autres, foit parcequ'il en avoit amplement parlé dans le fecond, & dans le troifiéme Livre des Dialogues, foit parceque Brutus ne lui avoit demandé fon fentiment que fur l'idée de la parfaite élocution. Il fe hâte donc de venir à cette partie qu'il regarde comme la plus néceffaire dans l'Eloquence, & comme renfermant en quelque maniére les trois autres. *

*Sed jam illius per- | eloquentiæ fpecies exfetti Oratoris & fumma primenda eft: quem hoc

Il commence par féparer le ftile de l'Orateur de celui des Philofophes, des Hiftoriens, des Poëtes & des Sophiftes. Les Philofophes ne fe propolent que de convaincre l'efprit par l'expofition de la vérité. L'Orateur va plus loin; non content d'employer la folidité, & la force des preuves, il cherche à toucher le cœur en remuant les paffions, Les Hiftoriens ne s'appliquent qu'à bien faire connoître fes faits qu'ils racontent. Leurs harangues même quelque belles qu'elles foient, n'ont point ces mouvemens impétueux, ni ces figures hardies, qui caractérisent celles de l'Orateur, Les Sophistes & les Poëtes ne fongent qu'à flatter l'oreille par une diction harmonieufe & cadencée, ou à plaire à l'imagination en lui préfentant des images vives & riantes; la Diction Oratoire a quelque chofe de plus férieux. L'unique but de l'Orateur eft de perfuader. Pour y réuf fir il évite de paroître bel efprit, n'eft attentif qu'au fuccès de fa cause, il cache l'art, & ne fait ufage des figures & des fleurs de la Rhe

il

uno excellere, id eft latere, indicat nomen gratione, cætera in eo ipfum. Orat. n.61,

torique, qu'avec la modération & la retenuë qui conviennent à la gravité de fa profeffion. Neanmoins quoique le ftile des Orateurs doive être foigneufement diftingué de celui des Hiftoriens, des Sophiftes & des Poëtes; Ciceron veut pourtant que les jeunes gens commencent par prendre une teinture de ces différens caracté res d'élocution qui font, dit-il, comme le lait, & la premiere nourriture de l'Orateur.

Mais comme toutes les acquifitions que l'Orateur aura pû faire par fes études & par fon travail lui deviendront inutiles & infructueufes, s'il ne connoît les bienféances qui conviennent au difcours Oratoire, & s'il ne fçait affortir son stile à la nature des fujets qu'il traitera, Ciceron entreprend d'expliquer d'une maniere plus ample & plus détaillée qu'il n'a fait jufqu'alors, le caractére, les proprietés & les convenances de chaque ftile: il attribue au ftile fimple la pureté, la clarté, & une expreffion fi aifée & fi naturelle, que chacun fe flatte de pouvoir l'imiter; à quoi néanmoins on trouve de grandes difficultés quand on veut en faire

l'effai,

l'effai. Il accorde au fublime tout ce que l'Eloquence a de plus fort, de plus relevé, & de plus pompeux. Il veut que le temperé tienne le milieu entre les deux autres, qu'il n'ait ni la fimplicité du premier, ni la force du fecond il lui donne néanmoins le brillant des pensées, la beauté des expreffions, & tout ce qui peut orner le discours, & le rendre agréable. De ces principes il conclut que le parfait Orateur eft celui qui fçait traiter les petites choses avec un ftile fimple, les médiocres avec un ftile temperé, & les grandes avec une diction fublime & majestueuse. Ís eft eloquens qui & humilia fubtiliter, & magna graviter, & mediocria temperate poteft dicere.

Après cela il vient aux connoiffances qui font néceffaires à l'Orateur. Il met de ce nombre la Grammaire, la Logique, la Morale, la Jurifprudence, & l'Hiftoire. Il ne faut pas croire que ce foit trop demander à l'Orateur, que d'exiger ce fonds de connoiffances, En effet tous fes devoirs fe réduisent à trois points; à prouver, à plaire, à toucher. Or comment fa tisfera-t-il à ces trois efpéces d'engagemens, s'il eft dépourvû des fecours,

B

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