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[3] Hypallage vient du mot grec vramayn. qui fignific immutatio, échange; μetwVoμía vient de ur qui dans la compofition marque changement, & de voua qui fignifie nom; C'est par exemple lorfqu'on dit Bacchus pour le vin, Ceres pour le pain, l'Afrique pour les Afriquains, &c.

[4] Catachrefe qui fignifie abus, extenfion d'un mot. C'est une des efpeces de la métaphore. Comme les langues n'ont point affez de mots pour exprimer routes nos idées particulieres, on eft quelquefois obligé d'emprunter le terme propre qui eft attaché à quelqu'autre idée, laquelle approche de celle que nous voulons exprimer. Ainfi nous difons par exemple un cheval ferré d'argent, pour dire un cheval dont le pied eft garni d'argent, au lieu de fer. De même Horace a dit equitare in arundine Hor, 2, Sat. z. longa, Aller à cheval fur un bâton. Equi- V. 248, tare eft là emprunté par imitation de la maniere dont on fe met à cheval.

[s] L'allegorie eft une métaphore continuée, ou un tiffu de plufieurs métaphores. Elle préfente fous un fens propre une idée dans la vue d'en faire entendre une autre toute différente & qui n'est point exprimée. Cicéron & Horace pour marquer le péril ou fe trouvoit dans ce tems-là la République Romaine, la comparent à un Vailleau agité par la tempête. Cic. in Pifonem n. 19.& feq. Hor. Liv. 1. Od. 14.

La Fontaine dans une Elegie qu'il a faite fur la difgrace d'un grand Miniftre, exprime par une allégorie très-ingénieufe la difL

ficulté d'être vertueux à la Cour & de se mo derer, quand on eft dans la faveur.

"Lorfque fur cette mer on vogue à pleines voiles,

"

Qu'on croit avoir pour foi les vents & les étoiles, Il eft bien mal aifé de regler fes defirs,

» Le plus fage s'endort fur la foi des zephirs.

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Cicéron dépeint le caractere particulier du Sublime, & enfeigne l'art de varier les trois genres d'Elocution felon l'exie gence des fujets & des causes.

97. E troifiéme [1] genre d'écrire majestueux, abondant, fubli

me, magnifique, réunit en foi tout ce que l'art oratoire a de plus fort & de plus véhément. C'eft cette efpece d'Eloquence qui a enlevé les fuffrages, qui s'eft rendu maitreffe des délibérations publiques, qui a étonné Le monde par le bruit & la rapidité de fa courle, qui après avoir excité T'applaudiffement & l'admiration des hommes les laiffe dans le defefpoir d'atteindre à cette haute perfection où elle s'eft élevée: En un mot c'eft elle qui regne fouverainement fur les

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efprits & fur les cœurs, qui tantôt brife tout ce qui ofe lui résister, ṭantôt s'infinue dans l'ame des auditeurs par des charmes fecrets, & tantôt établit de nouvelles opinions, ou déracine celles qui paroiffoient les mieux

affermies,

y

98. Qui [2] ne voit la différence qu'il y a entre ce genre d'écrire & les deux précedens ? L'Orateur qui travaille dans le ftile fimple, n'a pas befoin de faire beaucoup d'efforts pour s'élever, Quoiqu'il ne monte pas au fuprême degré de l'Eloquence, il ne laiffe pas d'être un grand Orateur, Qu'il fe maintienne feulement dans la fphère d'une fine & ingénieuse élocution, il ne fera point de chûte, car cette fituation n'a rien de gliffant,

A l'égard de l'Orateur qui fe borne au ftile temperé; pourvû qu'il fcache fortifier fon difcours & le munir de toutes les chofes néceflaires à ce genre d'écrire, il n'aura pas lieu de crain. dre l'incertitude des évenemens, s'il ne réuffit pas toujours, s'il chancele quelquefois, il fera du moins à couvert des grands périls; car il ne peut tomber de fort haut,

99. Mais pour celui que je place furle

trône de l'Eloquence; s'il eft toujours vif, ardent, impétueux, Si fon genie le porte toujours au grand, s'il en fait fon unique étude, s'il ne s'exerce qu'en ce genre, fans le tempérer par le mélange des deux autres, il tombera infailliblement dans le mépris. En effet avec le ftile fimple, c'eft-à-dire avec une diction fine & ingénieuse, on paffe pour judicieux; avec le temperé on acquiert la réputation d'être doux & agréable. Mais quand nous ne scavons pas varier le fublime, ni changer de ton à propos, à peine nous accorde-t-on le titre d'hommes rai→ fonnables, Car que penfer d'un Orateur qui ne peut traiter aucune matiere d'un air tranquille, qui ne fçait mettre dans fon difcours ni définition, ni divifion, ni diftinction, ni douceur, ni enjoûment, quoiqu'il y ait des caufes qui demandent à être traitées de cette maniere, ou en tout ou en partie ? Que penfer, dis-je, d'un tel Orateur, fur-tout fi fans avoir préparé les efprits, il commence par mettre le feu à fon fujet? ne mérite-t'il pas d'être regardé comme un fou qui feroit placé au milieu d'une affemblée de fages, ou comme un homme yvre par

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mi des gens fobres & de fang froid? 100. Courage, mon cher Brutus, nous tenons l'Orateur que nous cher chions, du moins nous le tenons en idée: fi je pouvois une fois le faifir & l'arrêter, quelque Eloquent qu'il puiffe être, il ne me perfuaderoit jamais de le laiffer aller. Mais quel eft-il cet Orateur merveilleux qu'Antoine n'avoit jamais vû & que nons avons enfin découvert ? Le voici en peu de mots, j'en ferai dans la fuite une def cription plus détaillée. C'eft celui qui proportionne fa diction à la nature des fujets qu'il traite, qui dit les petites chofes d'un ftile fimple, les médiocres d'un ftile temperé, les grandes d'un ftile fublime & majestueux.

101. Il n'y en a jamais eu de tel, me dira-t-on. J'en conviens. Auffi la question ne roule pas fur ce que j'ai vû, mais fur ce que je defire de connoître. C'est pourquoi j'en reviens toujours à cette idée de Platon dont j'ai déja parlé; idée qui n'est visible qu'aux yeux de l'efprit : En un mot je ne cherche point un Orateur parmi les hommes, je ne m'attache à rien de ce qui eft mortel & périffable; mais je cherche l'Eloquence intelligi

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