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terre qui lui appartenoit ; cette caufe eft toute entiere dans le genre fimple. Cicéron s'eft contenté d'y employer un ftile pur, net, précis & élégant.

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[4] Manilius Tribun du Peuple, propofa de donner à Pompée le gouvernement des Provinces de l'Orient, & de l'élire pour Gé neral en la guerre contre Mithridate Roy de Pont, & contre Tigrane Roy d'Armenie. Le Senat s'y oppofa ne pouvant fouffrir qu'on ravît à Lucullus la gloire d'avoir terminé cette guerre, & que l'on fit l'affront à Glabrion de lui envoyer un fucceffeur, tandis qu'il commandoit avec fuccès en Afĥie; l'affaire fut renvoyée à l'affemblée du Peuple. Catulus & Hortenfius parlérent contre la loi que propofoit Manilius. Cicéron qui étoit alors Preteur la défendit, & après avoir montré la néceffité & l'importance de la guerre dont il s'agifloit, il prouva qu'il n'y avoit que Pompée qui fût capable de la finir. Les louanges qu'il donna à ce grand homme & l'éloge qu'il fit de fa capacité en l'art militaire, de fes victoires & du bonheur qui accompagnoit toujours fes entreprises, lui

attirérent les acclamations de toute l'affemblée, & obtinrent la confirmation de la loi. Cette Oraifon eft dans le genre fleuri & orné. Cicéron y a étalé tout ce que l'Eloquence a de beau, de brillant, de magnifique & d'harmonieux.

[s] Attius Labienus Tribun du Peuple, tita Rabirius pour comparoître en Juftice comme criminel d'Etat, parcequ'il avoit por τέ té par dérifion dans un lieu de réjouillance

la tête du Tribun Apuleius Saturninus, chaflé du Capitole par l'ordre du Conful Marius, & tué par le peuple. La cause avoit été déja difcutée devant les Duumvirs : l'accufé ayant été condamné à ce Tribunal, en appella au peuple dans l'affemblée tenue auchamp de Mars. Cicéron prit fa défense & plaida cette cause avec tant de véhémence qu'il fauva Rabirius. Comme cette Oraifon n'eft point parvenue jufqu'à nous en fon entier, on ne peut pas juger de toute la force ni de toute la valeur.

[6] Cicéron ne donne point fes Oraisons comme des modéles de perfection: il ne les préfente que comme des ouvrages ébauchés où l'on peut appercevoir les premiers traits & les premiers crayons de l'Eloquence. Il préfere les talens de Démofthêne aux fiens: Il ne s'attribue que le mérite de faire des efforts pour arriver où Démofthêne étoit parvenu. Il ajoute que Démofthêne atteint en plufieurs chofes à la perfection, tandis que pour lui il effaye feulement d'y arriver; Vides profectò, illum multa perficere, nos multa conari: illum poffe, nos velle, quocunque modo caufa poftulet, dicere. S'il tire des exemples de fes harangues, c'est moins par un mouvement de vaine gloire, que pour autorifer fes fentimes dans l'ufage que l'on doit faire des différens genres d'Eloquence.

[7] Cicéron dit dans fon Brutus que Cotta parloit un langage pur & facile : que fon difcours avoit de la netteté, de la précision & rien de fuperflu, que le ftile de Sulpicius étoit vif, rapide, impétueux, que ce der nier avoit choifi Craffus pour modéle, &

que Cotta vouloit imiter Antoine; mais que Sulpicius n'avoit ni l'agrément de Craf fus, ni Cotta la véhénience d'Antoine. In Bruto n. 202. ¿ 203.

[8] Hortenfius étoit le feul Orateur Ro main qui peut difputer à Cicéron le prix de l'Eloquence. Mais il fut plus goûté dans fa jeuneffe, que dans un âge avancé; la raifon qu'en apporte Cicéron eft, qu'il avoit don né dans un ftile orné, fleuri, lumineux, où régnoient une heureufe facilité d'expreffions & une grande délicateffe de penfées; en forte que fes difcours ainfi travaillés & foutenus par un beau fon de voix, par un geste noble & par une déclamation vive & animée, plûrent infiniment dans un jeune homme, mais lorsque la maturité de l'âge & l'élevation des dignités où il parvint demandétent quelque chofe de plus grave & de plus ferieux, il voulut toujours conferver le mê me caractere & ne point changer de ftile, quoique la bienféance en exigeât un tout différent. C'est ce qui fit déchoir fa réputation, tandis que celle de Cicéron alloit tou jours en croillant. In Bruto 326

327.

[9] J'ai déja parlé d'Antoine dans la note qui répond au no. 20. Pour ce qui eft de Craffus les uns le trouvoient égal à Antoine, des autres le mettoient au-deffus. Mais tous convenoient, que, quiconque avoit l'un ou J'autre pour Avocat, devoit être content & n'en devoit point chercher de plus habile; certainement quoique j'aye attribué, ajoute Cicéron, de grandes qualités à Antoine, je déclare néanmoins que je ne connois rien de plus parfait que l'Eloquence de Craffus

Il avoit une gravité majestueufe, accompa gnée d'un enjoûment, qui convenoit touta-fait à l'urbanité d'un grand Orateur : Ses railleries & fes bons mots n'avoient rien qui ne fût dans les regles de la bienséance. Son ftile étoit pur, élegant & fans affectation. II s'expliquoit avec une netteté admirable dans la difcution des faits, & lorfqu'il s'agiffoit d'entrer dans les questions de droit, ou de faire valoir les raifons tirées de l'équité; if éclairciffoit les verités par de juftes comparaifons, & foutenoit fon fentiment par une gran de abondance de preuves. Cic. in Bruto n. 143. [10] Ceft un trait tiré de l'Oraifon pour Cluentius Avitus. Pour entendre ces paroles, il faut rappeller en peu de mots le sujet de cette harangue. Cluentius Avitus pere de celui dont Cicéron parle ici, laissa en mourant un fils & une fille qu'il avoit eus de Saffia. Après la mort du pere la fille époufa Aurius Melinus, jeune homme beau, fage & bienfait. Il vécut pendant quelque tems avec fa jeune époufe dans une grande union. Mais Saffia la plus méchante, plus impudique de toutes les femmes, & la plus dénaturée de toutes les meres, devint tout d'un coup éperdument amoureuse de fon gendre, elle le féduifit par tous les artifices, & par toutes les careffes qui peuvent furprendre un jeune homme encore peu affermi dans la vertu. La fille offenfée de l'outrage que lui faifoit fa mere, & ne pouvant fouffrir les fuites d'un adultere fi affreux, n'ofoit pourtant s'en plaindre, cachoit à tout le monde le fujet de fon afflition, & ne pleuroit qu'en prefence de fon

la

frere. Mais bien-tôt le divorce éclata & fépara Cluentia de fon mari. Saffia fit alors fortir fa fille de fa maifon, & emportée par fa folle ardeur époufa publiquement Melinus, fans aucun égard ni à la douleur de fa fille, ni à la confidération du public, ni à la flétriffure de fa famille. Quelques années s'étant écoulées, Oppianicus fe défit de fes propres enfans, tua Melinus & se rendit par fes forfaits digne d'époufer cette horrible femme, qui ajouta à tant de crimes celui de vouloir perdre fon fils en l'accufant d'empoifonnement; Cicéron fe chargea de le défendre, prouva fon innocence & peignit Saffia avec toutes les couleurs que mé fitoit l'énormité d'une conduite fi déteftable.

CHAPITRE XVI.

Le fonds de fcience qui est nécessaire à l'Orateur.

Voyez ce que 12.

j'ai dit fur

cette matiere

face P. 25

& 26,

Q

UITTONS Démofthêne pour un moment, & puifque dans dans ma Pré- cet écrit il n'eft point question d'un Orateur particulier, mais de l'Eloquence même ; je dois tâcher den expliquer la nature & les ufages, fans oublier que je me fuis engagé à donner feulement des réflexions & non des préceptes, à parler ici en fimple connoiffeur & non en maître de l'art.

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