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établir une verité, ou pour
conftater un
fait, & que l'amplification eft pour exage
rer ou pour confirmer l'importance de la
verité où du fait en queftion. L'amplifica-,
tion fe divife en plufieurs efpeces; mais on
doit fçavoir que pas une de ces efpeces n'eft
parfaite, s'il n'y a du grand & du fublime,
à moins qu'il ne s'agiffe de ravaler le prix
des chofes. L'amplification, dit Longin, eft
un accroiffement de paroles que l'on peut,
tirer de toutes les circonftances particulieres
de chaque chofe pour fortifier le difcours,
en appuyant fur ce qui a été dit.

[3] Le texte dit, Duo funt que
benè tra
tata ab Oratre admir..bilem Eloquentiam fa-
ciant, alterum eft, quod Græci dino's vocant.
L'Orateur a pour but de perfuader ses Au-,
diteurs. Pour y réuffir il doit 1°. Paroître pru-
dent, fage, vertueux. 2°. Il doit représenter.
ceux pour qui il parle comme d'honnêtes gens,
comme éloignés de tout efprit de chicane,
de fupercherie & d'interêt. 3°. Il doit don-
ner une idée toute contraire de ceux con-
tre qui il parle, en gardant néanmoins les
bienféances & les ménagemens convena-
bles. Tout cela fuppofe dans l'Orateur la
connoiffance des principes de la bonne mo-
rale. Alterum quod iidem antikov nominant.

J'ai marqué dans la Préface l'usage qu'on peut faire des paffions & la maniere de les exciter pour fe frayer un chemin, à la perfuafion. p. 84, S5. & juiv.

[4] Verres ayant exercé la charge de Preteur en Sicile avec toute forte de violence & d'injuftice, fut accufé de concuffions par les Siciliens. Hortenfius qui étoit son ami

c. 9. & 10.

prit fa défenfe. Cicéron foutint l'accufation & fit condamner Verres.

[5] Salufte dit néanmoins que Catilina ne demeura pas tout-à-fait fans replique, qu'il commença par conjurer le Senat de ne pas ajouter foi aux invectives de Cicéron, qui étoit, difoit-il, fon ennemi, & qui avoit inventé un plan de conjuration pour s'acquerir le titre de défenfeur de la Patrie, mais que Catilina fut interrompu par un murmure géneral, qui l'empêcha de fe faire enrendre; qu'on lui donna les noms d'incendiaire, de parricide, d'ennemi de la Patrie, qu'outré de ces reproches, il s'écria avec fureur, que puifque on le pouffoit à bout, il ne périroit pas feul, & qu'il éteindroit par des ruines le feu qu'ou allumoit contre lui.

[6] C'eft la troifiéme victoire que Cicéron remporta par la force & la vivacité de fon Eloquence. Voici comme il raconte ce fait dans fon Brutus n°. 217. Je plaidai un' jour pour la défenfe de Titinia, femme de Cotta. La caufe étoit importante. Curion prit la parole contre moi pour Servius Nævius. Mais ayant oublié tout d'un coup fon difcours, il dit pour fon excufe, que les fortileges & les enchantemens de Titinia lui avoient ôté la mémoire.

[7] Cicéron fit la premiere de fes Oraifons pour juftifier Sylla, accufé d'avoir trempé dans la confpiration de Catilina: Et il fit la feconde pour Flaccus, accufé de concuffion dans l'Afie, où il avoit commandé durant rois ans après la Préture.

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CHAPITRE XIX.

Idée des figures de fens, des figures de diction & de quelqu'autres perfections du Difcours oratoire.

134.

FAISONS maintenant con

&tere du ftile propre à l'Orateur. Ce que nous en avons déja dit a dû en donner une idée affez marquée ; car nous avons touché ce qui regarde les ornemens qui conviennent aux mots confiderés féparément & aux mots qui font liés enfemble dans le tiffu de la période. Il faut que notre Orateur en faffe une telle provifion, que lorfqu'il voudra compofer, il ait de quoi choifir; en forte qu'il ne lui échape aucune expreffion qui ne foit ou élegante ou énergique. Son difcours fera parfemé de toutes fortes de métaphores dont le propre eft, d'agiter l'efprit, de le tranfporter tout d'un coup d'un objet à un autre, de le preffer de comparer foudainement les deux idées qu'elles préfentent, & de lui caufer ces vives & promptes émotions un [1] plaifir inexprimable.

par

Il doit aufli mettre en œuvre les autres élegances qui naiffent de l'arrangement des paroles, & qui rendent l'Oraifon lumineufe, qu'on peut les comparer à ces décorations magnifiques qui ornent le Théâtre ou Ia Place publique les jours de fêtes ou de réjouillance; décorations qui attirent les regards de tout le monde, non qu'elles foient les feuls ornemens du fpectacle, mais parcequ'elles frapent encore plus les yeux par le vif éclat dont elles brillent.

135. Les [2] figures de diction font le même effet dans le difcours : Elles l'embelliffent & lui donnent du luftre, ce qui arrive lorfque les [3] termes font répetés & redoublés à propos foit que par un leger changement on les détourne de leur propre fignifica tion, ou que le mot commence plufieurs périodes qui fe fuccedent, ou qu'il les termine, ou qu'ayant été mis à la tête d'une phrafe il fe retrou ve encore au milieu, & dans la conclufion, ou qu'il ait un fens à la fin de la phrafe, différent de celui qu'il avoit eu d'abord, ou lorfque plufieurs mots ont la même chûte & la même terminaifon, ou lorfque les contrai

res font diversement oppofés aux contraires, ou lorfque l'Orateur rappellant à chaque membre de la période une partie de ce qui a précedé [4] s'éleve de degrés en degrés, ou lorique [5] retranchant les conjonctions il met plufieurs chofes de fuite, fans les lier, ou lorfque feignant de taire certains faits il apporte les raifons dé fon filence, ou lorfqu'il fe reprend & fe corrige lui-même, comme s'il s'étoit mépris, ou lorfque pour marquer fon étonnement & exprimer fes plaintes il fe fert de [6] l'exclamation, ou enfin lorfqu'il fait paffer en revûe les divers [7] cas d'un même nom pour lui donner un air de nouveauté par tous ces changemens.

¡ 136. Mais les figures de penfée ont tout un autre éclat & font une impreffion bien plus forte: Et comme Démofthêne en fait un fréquent ufage, plufieurs croient que c'eft ce qui contribue le plus à rendre fon Eloquence fi admirable. En effet il y a peu d'endroits dans cet Orateur qui ne foient relevés par quelques-unes de ces figures; auffi on peut dire que parler éloquemment n'eft autre chofe, que revêtir toutes fes pensées, ou dụ

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