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il n'oublie rien de tout ce qui peut inftruire le Lecteur à cet égard; nonfeulement il prescrit les mesures qui conviennent à chaque genre de ftile & à chaque partie du difcours, mais il enseigne encore, quels pieds on doit employer au commencement, au milieu & à la fin des périodes.

Ceux qui ne cherchent que les fujets rians & de facile accès, feront peut-être rebutez à la vûe de ce projet, & auront de la peine à entreprendre une lecture d'un abord fi peu attirant. Car l'Auteur defcend dans un long & épineux détail, fur-tout par rapport à la nature & à l'ufage des nombres. Mais il faut confiderer qu'il s'agit ici d'inftruire & non de plaire; & que quoique cette matiere paroiffe peu fufceptible d'agrément, Cicéron n'a pas laiffé d'y répandre de tems en tems des graces & d'en faciliter l'intelligence par le merveilleux talent qu'il a d'éclaircir & d'embellir tous. les fujets qu'il traite.

On me dira peut-être, que cette étude n'eft bonne que pour ceux qui aiment la Langue latine, & qu'elle ne peut convenir aux François dont la langue n'eft point affujettie à une

exacte obfervation des longues & des breves.

Je répons premierement que, quand même cette differtation n'auroit pour objet que de nous apprendre à connoître les regles de l'harmonie latine, & de nous inftruire du parfait arrangement des mots dans une langue qui fait les délices de tous les fçavans de l'Europe, qui eft riche en excellens Livres de toute efpece, & qui eft la langue commune de prefque toute l'Eglife, ce feroit toujours un avantage bien confidérable & bien digne de notre attention. Mais je dis en fecond lieu que, quoique cette differtation femble ne regarder que la composition latine, elle eft néanmoins très-utile à toutes fortes d'Ecrivains & d'Orateurs, de quelque nation qu'ils foient, & en quelque langue qu'ils compofent; parcequ'outre les inftructions qui n'ont rapport qu'à l'harmonie latine, elle contient encore un grand nombre de préceptes & d'obfervations fur l'harmonie en géneral; préceptes & obfervations que nous pouvons tourner à notre ufage pour perfectionner l'harmonie françoife.

On en fera encore plus convaincu, fi à ces raisons on ajoute celles que M. l'Abbé d'Olivet apporte dans fa Profodie françoife, article cinquième, où entr'autres chofes il montre les fecours que nous pouvons tirer des principes que Cicéron a établis tou chant le nombre oratoire..

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CHAPITRE XXIV.

Du Nombre & de l'Harmonie oratoire.

169.

I L s'agit maintenant d'expliquer [1] le troifiéme point qui regarde l'arrangement des mots, & de faire connoître en quoi confifte le nombre oratoire qui produit des effets fi furprenans, que je ne comprens pas qu'on puiffe être homme, & n'en pas fentir le pouvoir ? Pour moi j'avoue que j'en fuis charmé; mon oreille aime un difcours plein & nom breux, elle veut des phrases bien cadencées & parfaitement arrondies: Lorfqu'il leur manque quelque chofe, ou qu'il y a du fuperflu, elle en eft auffi-tôt choquée. Mais qu'eft-il besoin de parler de moi? Combien

de fois a-t-on vû les affemblées du peuple ravies en admiration à la chûte des périodes harmonieuses, témoi gner leur fatisfaction. par des acclamations publiques? tant les hommes. font naturellement fenfibles aux charmes de l'harmonie ; cependant nos Anciens ont peu connu cette perfection; c'étoit prefque la feule chofe qui leur manquoit. Car ils fçavoient choifir des termes convenables, & trouver des pensées folides, ou agréables, felon le befoin, mais ils ignoroient l'art de les unir, & de leur donner un tour nombreux & périodique. 170. Cette rudeffe des anciens Romains nous plaît, diront quelques faux. imitateurs du ftile attique, nous l'aimons mieux que cette harmonie tant vantée par les modernes.C'eft comme filon disoit qu'il on devoir préferer une peinture anti- faus que, d'un coloris fimple, & peu varié, à une peinture moderne à la verité, mais parfaite dans toutes les parties.. 171. Je permets donc à nos adverfaires de fe glorifier d'avoir pour eux l'exemple des vieux Orateurs.. Je fçai de quel poids eft cette autorité. Elle a fur moi autant de pouvoir, que les vieillards en ont fur les perfonnes d'un

âge inférieur. Qu'on ne m'accuse done point de ne pas rendre à l'Antiquité la juftice qui lui eft dûe. Je l'eftime plus am ce que qui lui manque. Car plus en ce qu'elle poffede, que je ne la blâme en ce le choix des penfées & des paroles, en quoi les Anciens excelloient eft, à mon fens, mille fois plus eftimable, que l'art de terminer heureufement les périodes, qu'ils ignoroient. Ajoutons que cet art n'a été introduit parmi nous, que dans la fuite des tems. Sans doute que nos Anciens n'auroient pas manqué d'en faire ufage s'ils l'avoient connu, de même que les grands Orateurs, qui en connoiffent maintenant la beauté & l'excellence, fe font une loi de s'y affujettir.

172. Mais, dit-on, le nombre a quelque chofe d'odieux & de fufpect, lorfqu'on l'employe dans les plaidoyers. Car, ajoute-t-on, l'Orateur femble par là tendre des pièges aux Juges, & vouloir furprendre leur religion. Tels font les prétextes de nos Critiques. Tels font les motifs qui les portent à fe contenter d'un ftile rompu & tout mutilé,& à blâmer ceux qui employent des phrafes bien liées, bien foutenues, bien arrondies. J'avoue

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