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n'avoient point encore de noms.

210. Nous verrons dans un moment comment il convient de s'exprimer en ftile coupé, c'est-à-dire par des membres & par des incifes. Difons maintenant en combien de manieres on peut varier & la période & fa conclufion. Le nombre ne va pas toujours d'un même pas ; tantôt il coule avec une legere rapidité dès le commencement de la phrafe, & tantôt il marche avec une lenteur majestueuse: les breves lui communiquent de la viteffe & les longues. de la lenteur. Pour exprimer les chofes qui demandent de la véhémence il faut employer des nombres vifs & rapides. Quant aux narrations, elles en exigent de plus lents & de plus mefurés.

La période finit en plufieurs manieres. Les Orateurs afiatiques la terminent le plus fouvent par un dichorée : c'est-à-dire par un nombre dont les quatre dernieres fyllabes forment deux chorées; on fçait que chaque chorée eft compofé d'une longue & d'une breve. If faut remarquer que d'autres Auteurs donnent d'autres noms à ces mêmes pieds.

211. A la verité le dichorée ne produit point un mauvais effet dans la conclusion, mais rien ne feroit plus vicieux que de le repeter fouvent dans le corps du difcours. Plus ce pied eft harmonieux de lui-même, plus on doit éviter d'en faire un trop fréquent ufage, de peur d'en raffafier l'auditeur. Un exemple tiré d'une des harangues de C. Carbon Tribun du peu

ple montrera combien le dichorée a de douceur. J'affiftois à ce difcours & voici les paroles dont il s'agit: 0 Marce Drufe, patrem appello. Tu dicere folebas facram effe Rempublicam, quicumque eam violaviffent, ab omnibus effe ei panas perfolutas.

212. O Marce Drufe, patrem appello: ce font deux incifes dont chacun est renfermé en deux pieds, enfuite viennent des membres. Tu dicere folebas, Sacram effe Rempublicam. Voilà deux membres qui font compofés chacun de trois pieds.

Puis paroît le refte de la période, quicumque eam violavissent, ab omnibus effe ei panas perfolutas.

Perfolutas, ce dernier mot eft un dichorée: car il eft indifférent que la derniere fyllabe foit longue ou breve.

Voici la fuite, Patris dictum fapiens temeritas filii comprobavit. Il est étonnant combien cette courte période terminée par un dichorée excita d'applaudiffemens dans toute l'affemblée.

Or je demande d'où pouvoit naître un tel applaudiffement, n'étoit - ce pas un effet du nombre ? Pour en être convaincu, vous n'avez qu'à changer l'ordre des paroles & mettre par exemple, comprobavit filii temeritas, vous fentirez auffi-tôt difparoître l'harmonie, quoique d'ailleurs temeritas mot compofé de trois breves & d'une longue, forme un nombre qui au jugement d'Ariftote, doit être préferé à tout autre; en quoi je ne fuis pas de fon fentiment.

213. Mais, me direz-vous, puifque le dernier arrangement contient les mêmes, paroles & prefente la même idée que le premier, d'où vient qu'il ne produit pas le même effet ? En voici la raifon. C'eft que la derniere conftruction fuffit à la verité pour rendre la penfée, mais elle ne Luffit pas pour la fatisfaction de l'oreille.

Toutefois il ne faut pas employer, trop fouvent ce nombre; autrement

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l'auditeur le reconnoît d'abord, s'en dégoûte enfuite, & enfin le méprise comme trop facile à mettre en œuvre. Il y a des pieds qui rendent les chûtes de la période nombreuses & agréa bles, comme le cretique qui eft une breve au milieu de deux longues & le pean qui lui eft égal en mefure, quoiqu'il ait une fyllabe de plus. Il faut fçavoir que la profe s'accommode parfaitement bien des deux fortes de pean qui font en ufage. Le premier qui eft compofé d'une longue & de trois breves, a de la force & de la grace au commencement de la phra fe, mais il languit fi on le met à la fin. Le second au contraire qui a les trois premieres breves & la derniere longue, termine heureusement la période felon le fentiment des anciens Rhéteurs. Pour moi je ne le rejette pas abfolument; mais il y en a d'autres qui font plus à mon gré.

214. Le fpondée même tout lent & tout pefant qu'il eft à caufe de fes deux longues ne doit pas être tout-àfait banni de la fin des périodes. Car il a du poids & n'eft pas dépourvû de dignité.

Mais il apporte encore plus de fta

,

bilité dans les incifes & dans les membres parcequ'alors fa lenteur fert de compenfation au petit nombre de pieds dont il eft compofé: Lorfque je parle des pieds qui terminent la période, j'y renferme non-feulement le dernier mot, mais encore le pénultiéme & fouvent l'antepénultiéme.

215. L'iambe compofé d'une breve & d'une longue ne produit point un mauvais effet à la fin de la phrase, non plus que le tribraque qui formé de trois breves égale le chorée en intervalles, mais non pas en nombre de fyllabes. Le [3] dactile qui eft compofé d'une longue & de deux breves ne doit pas auffi en être exclu; pourvû qu'il fe trouve immédiatement avant le dernier mot, & que ce dernier mot foit un chorée ou un fpondée; car il est indifferent lequel des deux foit à la fin de la phrase. Mais l'iambe, le trochée & le dactile terminent toujours mal la période, quand ils en font les derniers mots, à moins que le dactile ne tienne lieu du cretique; parcequ'en profe non plus qu'en vers il n'importe, comme nous l'avons déja dit, que la derniere fyllabe foit longue ou breve. D'où il eft aifé

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