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» y a une occafion au monde, où l'ame pleine d'elle-même foit en danger » d'oublier fon Dieu, c'eft dans ces poftes éclatans, où un homme par la lageffe de fa conduite, par la grandeur » de fon courage, par la force de fon » bras, & par le nombre de fes fol» dats devient comme le Dieu des au» tres hommes, & rempli de gloire » en lui-même, remplit tout le refte » du monde d'amour, d'admiration, » ou de frayeur. Les dehors mêines » de la guerre, le fon des inftrumens, » l'éclat des armes, l'ordre des trou»pes, le filence des foldats, l'ardeur » de la mêlée, le commencement, le " progrès, & la consommation de la " victoire, les cris différens des vain>>cus & des vainqueurs attaquent "l'ame par tant d'endroits, qu'enle»vée à tout ce qu'elle a de fageffe » & de modération, elle ne connoît » ni Dieu, ni elle-même. C'est alors "que les facriléges Antiochus n'ado»rent que leurs bras, & que les in» folens Pharaons enflés de leur puif» fance s'écrient: C'eft moi qui me » fuis fait moi-même. Mais auffi la » Religion, & l'humilité paroiffent» elles jamais plus majestueuses, que

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lorfque dans ce point de gloire & » de grandeur, elles retiennent le cœur » de l'homme dans la foumission & » la dépendance où la créature doit » être à l'égard de fon Créateur. M. de » Turenne n'a jamais plus vivement » fenti qu'il y avoit un Dieu au-des» fus de fa tête, que dans ces occa→ >> fions éclatantes où prefque tous les » hommes l'oublient, &c.

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On peut juger par là du mérite de cette pièce: cependant l'Oraifon funébre que M.Fléchier a faite à la louange du même Héros, eft fort fupérieure à celle de M. de Mascaron, & beaucoup mieux foutenue dans toutes les parties,

Il ne refte plus pour terminer cette feconde Partie, qu'à donner encore quelques avis fur la maniere d'imiter.

Celui qui afpire à l'Eloquence doit tâcher de fe former fur les grands modeles, tant anciens, que modernes qui fe font rendus recommandables en ce genre. Il ne faut point se tromper. On n'eft éloquent qu'autant qu'on approche de Démofthêne, ou de Ciceron, du Pere Bourdaloue ou de M. Boffuet, ou de M. Fleshier,

Il faut s'infinuer dans l'efprit des auditeurs comme ils ont fait, plaire comme eux par les charmes & la douceur du ftile, prouver comme eux par des raisons fortes & folides, & semuer à propos comme eux le reffort des paffions, qui eft le fecret le plus infaillible pour perfuader

Mais doit-on tout imiter dans ces excellens originaux? Je répons, que c'eft fur quoi on doit le plus ufer de réferve & de retenue. Les ouvrages des hommes, quelque eftimables qu'ils foient, portent toujours les mar ques de l'humanité. Nous voyons que parmi ce grand nombre d'Orateurs dont Ciceron a examiné les bonnes & les mauvaises qualités dans fon Dialogue de claris Oratoribus, il ne s'en trouve pas un feul, en qui il n'y ait quelque chofe à reprendre, ou à défirer. Il faut donc apporter beaucoup de difcernement & de prudence pour ne pas prendre les défauts en voulant imiter les perfections. Non feulement

on doit bien connoître le fort & le foi

ble de ceux que l'on fe propofe d'imiter, mais on doit encore s'appliquer à fe connoître foi-même, afin de cul

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tiver le fonds d'efprit que l'on a reçu de la nature. On ne peut jamais plaire, quand on renonce à fon génie pour fuivre celui d'un autre. Ciceron a certaine mentimité Démofthêne, puifque Quintilien dit que l'Eloquence de ce dernier a beaucoup contribué à former celle de Ciceron; mais il ne l'a imité qu'en ce qui pouvoit convenir à fes difpofitions naturelles. Il n'au roit jamais réuffi, s'il avoit voulu forcer fon génie, & quitter fon caractére facile, infinuant & plein de charmes, pour l'ajuster au caractére férieux auftere & impétueux de Démofthêne..

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Imitons ainfi nos modeles. Eclairés de leurs lumieres, inftruits par leurs exemples, tâchons de leur reffembler; mais il faut que ce foit une reffemblance qui n'ait rien de commun avec la timide exactitude de ces Peintres fabalternes qui ne fçavent que copier, & qui craignent fans ceffe de manquer quelques traits, quelques attitudes, quelques proportions des origi naux qu'ils ont devant les yeux. Loin de nous affujettir à marcher toujours *Ciceronem, quantus | fecit. Quint, lib. 1o. eft, magna ex parte ch. 1.

fur les pas de ceux que nous regardons comme nos maîtres, il faut s'efforcer d'aller plus loin, fi nous pouvons. Ofons tenter non- feulement de les égaler, mais encore de les furpaffer: car ce n'eft que par cette génereuse hardieffe, & par ces nobles efforts que l'on fe rend capable de produire quelque chofe de grand & de fublime; au lieu que rien ne fe perfectionne, lorfque l'on fe renferme dans les bornes étroites d'une fervile imitation; il n'en peut réfulter que des Ouvrages fecs, peinés & languiffans. TROISIEME PARTIE DE LA PREFACE.

L'Exercice de la Compofition.

Pour apprendre l'art de compofer une pièce d'Eloquence, nous n'aurons pas recours à ces termes géneraux que les Rhéteurs appellent lieux communs, & dont la méthode confifte, quand on traite une matiere, à chercher des moyens de preuves & de raifons dans la définition, dans le genre, refpece, la difference, les proprietés, les accidens, la divifion ou le dénombrement, les perfonnes, les actions,

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