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les motifs, le lieu, le tems, les caufes, les effets, les circonftances,

&c.

Je ne nie pas que cette méthode ne puiffe être utile à certains efprits peu inventifs & peu induftrieux; mais je fuis perfuadé que ceux qui font d'un caractere plus vif, plus pénétrant, plus élevé, doivent s'accoutumer de bonne heure à travailler de génie, & à cher cher par eux-mêmes les raisons naturelles de chaque fujet dans une ferieufe méditation des matieres qu'ils ont à traiter, & qu'ils y trouveront mieux leur compte, que s'ils vouloient, en compofant, paffer en revûe ce grand nombre de lieux communs, plus propre à les amufer & à ralentir le feu de leur imagination, qu'à les aider.

C'est donc principalement pour ceux qui ont cette ouverture d'efprit & ces difpofitions naturelles, fans lesquelles on ne peut guéres efperer de réuffir en l'Eloquence, que je vais tâcher de fournir une méthode plus fimple, plus facile, plus précife, & plus utile que n'eft celle des lieux communs.

La compofition d'une piece d'Eloquence femble demander quatre fortes d'opérations.

Premierement, il faut que l'Orateur médite bien fon fujet, & qu'il en approfondifle le fort & le foible. Par exemple fi c'eft un Plaidoyer, il tâchera de concevoir diftinctement l'état de la queftion, le moyen de dé, fense avec le point à juger. Mais pour menager les forces de fon efprit, & foulager la fatigue de l'attention, il partagera fon fujet en plusieurs parties, il les examinera les unes après les autres, les comparera ensemble, & verra fi de la réunion de tous ces rapports, il en résulte la décifion de la queftion, & le gain de la caufe.

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écrit:

En fecond lieu, il mettra par ce qu'il aura médité. Il pofera d'abord, les fondemens de fon difcours, c'està-dire le plan, l'ordre,, la divifion les principales preuves & les principales réponses aux objections, fans trop fe mettre en peine de l'exacti-tude du ftile, ni des graces du lan-gage; de peur que cette attention fcrupuleufe n'amortifle la chaleur de la compofition.

En. troifiéme lieu, il fortifiera fes premieres idées, retranchera ae qui eft inutile, ajoutera ce qui manque à fon difcours, & examinera fi les

Art. Poët.
Chant 1.

principes dont il s'eft fervi font conftans, ou reconnus pour tels, s'ils font mis dans tout leur jour, fi les conféquences qu'il en a tirées font juftes, & fi les réponses aux objections font convaincantes, & ne laiffent rien à defirer.

En quatrième lieu, il polira & perfectionnera toute la Piéce. C'eft à alors qu'il faudra refferrer ce qui eft lâche, & diffus, adoucir ce qui eft rude, & fupprimer ce qui n'est ni solide, ni concluant, quelque éclatant qu'il paroiffe; en un mot, en un mot, il traitera fes propres productions non avec la tendreffe d'un pere qui excufe, mais avec la feverité d'un Juge qui condamne. On peut appliquer ici le précepte de la poëtique de M. Defpréaux; précepte qui n'eft pas moins utile aux Orateurs qu'aux Poëtes.

Defpr. Hâtez-vous lentement, & fans perdre courage Vingt fois fur le métier remettez votre Ouvrage. Poliffez-le fans ceffe & le repoliffez;

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Ajoutez quelquefois & fouvent effacez.
C'est peu qu'en un Ouvrage où les fautes four-

millent,

Des traits d'efprit femés de temps en temps ... petillent,

Il faut que chaque chofe fcit mise en fon lieu, Que le debut, la fin répondent au milieu, Que d'un art délicat les piéces afforties N'y forment qu'un feul tout de diverses parties. Je fçai que cette grande exactitude eft fort pénible, fur-tout aux commençans, mais ne faut-il mais ne faut-il pas que l'Orateur acquiere une certaine ma-turité de ftile, s'il veut fe rendre digne des fonctions du miniftére public? lorfqu'il aura plus d'experience & plus de fçavoir, il pourra fe livrer à la rapidité de la plume: en attendant il doit, pour ainfi dire, naviger avec précaution, & craindre les écueils.

Au refte, quoique le jeune Orateur ne doive rien fe pardonner en matiére de stile, fur-tout dans fes premieres compofitions; il eft bon neanmoins qu'il prenne garde à ne pas donner dans le défaut de ceux qui ne font jamais contens de ce qu'ils ont fait, & qui changeant & rechangeant fans ceffe, rendent leurs Ouvrages fecs, décharnés , peu naturels. En

effet, à force de limer un difcours, on lui ôte fouvent ce qu'il a de force, de fubftance & de grace.

Si on compofe un Sermon, ou

quelque autre piéce d'Eloquence, on pourra fuivre à peu prés la méthode que je viens de propofer. Mais entrons dans le détail pour donner plus de jour & d'étendue à cette méthode.

LA

DISPOSITION

DU DISCOURS ORATOIRE.

Il ne fuffit pas d'avoir trouvé les raifons & les argumens qui doivent entrer dans le fujer que l'on veut traiter. Il faut encore fçavoir les amener, les placer & les difpofer dans fordre le plus propre à faire impreffion fur l'efprit des Auditeurs. Je vais tâcher de marquer ici en particulier ce qui convient à chaque partie du Difcours Oratoire, & de faire connoître le rapport que ces diverfes parties doivent avoir entr'elles pour former un tout qui foit bien lié & bien afforti,

Un difcours d'éloquence pour être entier & accompli, doit avoir ordinairement fix parties. r. L'exorde, 2. La narration 3. La propofition à laquelle on joint la divifion 4. La preuve ou la confirmation 5. La réfutation, 6. La peroraffon.

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