Imágenes de páginas
PDF
EPUB

agiffantes dans toute leur force. Premiere remarque. Quoique nous ayons dit que l'exorde doit être fimple, cette regle n'eft pas fans exception. Il y à des harangues, furtout dans le genre démonstratif, qui exigent que l'Orateur commence d'un air grand, noble & magnifique. On en trouve affez d'exemples dans les oraifons funebres de M. Bolluet & de M. Fléchier.

pro

Seconde remarque. Il y a des occafions où l'Orateur doit entrer tout d'un coup en matiere. La derniere fois que Catilina vint au Senat, tous les Senateurs qui étoient inftruits de fes deffeins pernicieux furent frapés d'indignation à la présence de ce fcelerat; ceux qui fe trouvérent che de la place qu'il prit s'en éloignérent auffitôt & le laiflèrent feul. Alors Ciceron qui en qualité de Conful préfidoit à l'affemblée lui adrefla ces foudroyantes paroles. Jufqu'à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience? Jufqu'à quand ta fureur demeurera-t-elle impunie? Ne reconnois-tu point à » la garde qu'on fait dans la Ville, » à la crainte du Peuple, au vifage

دو

[ocr errors]

وو

» irrité des Senateurs, que tes deffeins font découverts? &c.

Si Ciceron eut voulu commencer tranquillement fon difcours. par les préparations ordinaires aux Exordes, il auroit attiédi, & peut-être éteint l'émotion des Auditeurs. Mais il profita en habile homme de la difpofition où il les trouvoit, & s'appliqua fans au tre préambule à augmenter la chaleur de leur indignation, & à jetter en même temps le trouble & la crainte dans l'ame de Catilina,

NARRATION..

La Narration eft l'expofition du fait fur lequel les Juges doivent prononcer. Il eft naturel de la placer im mediatement après l'Exorde. Car on ne doit pas differer d'inftruire les Juges de ce qui fait le fondement du procès.

Il faut narrer d'une maniere fim ple, courte, claire, vrai-femblable. 1. Je dis que la Narration doit être fimple; un récit pompeux & magnifique eft fouvent plus préjudicia ble qu'utile à la caufe; le but de l'Orateur eft de se rendre croyable. Or

n'est-ce pas s'éloigner de ce but, que de ne paroître occupé que du defor de briller par un amas de figures éclatantes & d'ornemens pompeux ?

2. Elle doit être courte. Il eft important de faire connoître le caractére des perfonnes intéreffées dans la caufe, d'appuyer fur les circonftances, de marquer en quel tems, en quel lieu l'action s'eft faite, quel en a été le ntotif & l'occafion. Mais tout cela veut être raconté avec brieveté.

3.

Elle doit être claire. Souvent on devient obfcur pour vouloir être trop court. La brieveté eft d'un grand prix dans l'Eloquence: mais elle confifte à' ne rien dire de fuperflu, & non à fupprimer le néceffaire. Donnez donc une jufte étendue à votre narration & évitez avec foin tout ce qui peut caufer quelque obfcurité dans le récit

des faits.

4. Elle doit être vrai-semblable. Le vrai même, pour être crû, a fouvent befoin du paffeport de la vrai femblance. Que tous les caractéres des perfonnes que vous introduifez s'accordent entr'eux, & qu'ils conviennent aux chofes que vous voulez faire recevoir; fi vous accufez

un homme d'homicide, peignez-le colére, violent, emporté, s'il eft accufé d'adultére & que vous foyez obligé de le défendre, donnez-lui des mœurs pures, auftéres, irréprochables, & ainfi des autres sujets en gardant toujours les proportions & les loix des convenances.

Nous ferons ici quelques obfervations fur les qualités que nous venons d'attribuer à la Narration.

Premiere obfervation. Quoique Quintil. liv. l'on recommande dans la Narration 4. ch. a. la fimplicité, on n'en exclud pas tou, jours le pathetique; quels fentimens Ciceron n'excite-t-il pas dans l'ame des Juges en décrivant les circonftances du fupplice de Gavius, ce no-. ble & genereux Romain qui fut condamné au fouet par l'injustice, & par la cruauté de Verrès ? Qu'y a-t-il encore de plus touchant que le recit que fait ce grand Orateur de la mort des deux Philodamus, pere & fils, tous deux immolés à la fureur de. Verrès, le pere déplorant le fort de fon fils, & le fils gémiffant fur le malheur de fon pere?

Il y a donc des caufes qui demandent une narration touchante & paf

fionnée, comme il en eft qui n'exigent qu'une exacte & tranquille expofition du fait. L'Orateur fenfé varie fon ftilefelon la différence des matiéres, & imite la fageffe du pilote expérimenté qui change de manœuvre à mefure que les vents changent.

Seconde observation, Dans les caufes de peu d'importance, comme font la plupart des caufes privées, il faut relever la médiocrité du fujet par une diction simple en apparence, mais pure, élegante, variée. Sans cette parure elles paroiffent triftes, feiches, & ennuyeufes. Tâchez d'y jetter quelques penfées ingénieufes, quelques traits vifs qui piquent la curiofité, & qui foutiennent l'attention.

Troifiéme Obfervation. A l'égard des caufes où il s'agit d'un crime, d'un fait grave, d'un intérêt public, elles admettent des mouvemens plus forts; on peut y ménager des furprifes qui tiennent l'efprit en fufpens, y faire entrer des mouvemens de joye, d'admiration, d'étonnement, d'indignation, de crainte & d'efperance; pourvu que l'on fe fouvienne que ce n'eft pas le lieu de terminer ces grands fentimens, & qu'il fuffic

« AnteriorContinuar »