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CONFIRMATION ou PREUVE.

La confirmation confifte à établir nos moyens & à réfuter les raifons qui leur font contraires. C'est la partie la plus effentielle de l'Eloquence. Toute l'adreffe & toute la force de l'art oratoire y font renfermées. Le refte n'est que l'acceffoire, & n'a de prix qu'autant qu'il contribue à la faire valoir.. Liv. 5. ch. 7. Je ne difconviens dit Quinti» lien, qu'il ne faille s'étudier à plaire » & encore plus à toucher; mais l'on » fera l'un & l'autre avec bien plus de » fuccès, l'orfqu'on aura inftruit & » convaincu les Juges; à quoi on ne » peut parvenir, que par la force des » preuves & du raifonnement.

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pas,

L'Orateur habile & experimenté cherchera plutôt fes preuves dans la méditation du fujet, que dans la méthode des lieux. Quand on poffede bien fa matiere, quand on a tout examiné, tout vû, tout prévû, on n'eft pas embarrassé à trouver des raisons. Elles se présentent alors d'elles-mêmes.

Dans toutes les questions qu'on traite, il faut remonter d'abord au premier principe, le préfenter à fes auditeurs par tous les côtés qui le peu

vent faire connoître, & ne le point. quitter qu'on ne l'ait placé dans fon veritable jour. On defcendra enfuite aux conféquences par un chemin droit, & par des liaisons naturelles; en forte que l'on voye la conclufion naître du principe établi dans le commence

ment.

Toute l'economie & tout l'art de la preuve confifte à pofer une propofition qui ne fouffre aucune difficulté, & à montrer enfuite la liaison de la propofition contestée avec la vérité de la propofition inconteftable. Ainfi le but de l'argumentation eft de prouver une chofe qui paroit douteufe par une autre qui eft tenue pour certaine.

L'Eloquence admet la forme des raifonnemens philofophiques, mais elle dédaigne les fyllogifmes concis & tournés à la maniere de l'Ecole. On fçait que le fyllogifme eft un argument compofe de trois propofitions, la majeure, la mineure & la conclufion; que les deux premieres s'appellent prémiffes, parcequ'elles font mifes avant la conclufion qui en doit être une fuite néceffaire, fi le fyllo gifme eft en forme, c'eft-à-dire que, fuppofé la vérité des prémiffes, il faut

néceffairement que la conclufion foit

vraye.

Ce genre d'argument ne plairoit point dans un difcours oratoire. Cependant il y a des occafions où l'O rateur ne néglige pas cette forme fyllogistique qui preffe vivement l'adverfaire, qui ramaffe le raisonnement en peu de mots, & qui unit par un lien fi étroit la propofition conteftée avec la propofition inconteftable, que l'on ne peut donner fon confentement à F'une fans demeurer d'accord de l'autre.

Pallons aux autres manieres de raifonner qui font plus ufitées dans l'E loquence.

Λ

L'ENTY MEME. L'entymême eft un fyllogifme complet dans l'efprit de celui qui le prononce, mais imparfait par rapport à l'expreffion; parcequ'on y fupprime quelqu'une des propofitions, comme trop claire & comme pouvant être facilement fuppléée par ceux à qui on parle.

Cette maniere de raifonnement convient parfaitement à l'Eloquence, *On fe fert ici de tirés du Livre intitulé quelques principes & Logique, ou Art de de quelques exemples penfer.

parcequ'une des principales beautés du difcours eft de ne pas tout dire, de laiffer quelque chofe à la péné– tration des auditeurs, & de donner occafion à leur efprit de former une penfée plus étendue, que n'eft l'expreffion. Ce qui flatte plus leur amour propre, que fi on vouloit tout exprimer; outre que par cette fuppreffion on rend le difcours plus vif & plus

animé.

Ainfi il y a plus de vivacité, de force & de grace à dire je penfe, donc je fuis, ou j'exifte, que fi je voulois réduire ce court raifonnement à la forme fyllogiftique en cette maniere. Tout ce qui penfe, existe. Or je pense,

-Donc j'existe.

L'EXEMPLE.

L'exemple eft un argument par le- Phet. L. 20 quel on montre qu'une chofe arrivera ou fe fera d'une telle façon, en apportant pour preuve un ou plufieurs évenemens femblables arrivés en pareilles occafions.

Si je voulois montrer, dit Ariftote; Rhet. L. 2. que Denis de Syracuse ne demande des gardes que dans le deffein de fe

faire Tyran, je dirois que Pififtrate demanda des gardes & que dès qu'il en eut, il fe faifit du Gouvernement d'Athenes; je dirois encore que Théagene fit la même chofe à Megare; falleguerois enfuite les autres exemples de ceux qui font parvenus à latyrannie par cette voye, & je conclurois de tous ces exemples particuliers, que, quiconque demande des gardes, pense à fe faifir du Gouvernement.

L'EPICHERÊME.

Comme on eft fouvent obligé de fupprimer les propofitions qui font trop claires, ou trop connues, & qui ne ferviroient qu'à rendre le difcours ennuyeux & traînant, il y a auffi des occafions où il est néceffaire de joindre la preuve aux propofitions qui paroiffent douteufes, pour ne point révolter ceux à qui on parle. En effet, ils pourroient être bleffés de ce qu'on veut les perfuader par des raifons qui ne portent pas d'obord un caractere d'évidence. Il faut donc alors joindre à la majeure les preuves de la majeure, & attacher de même à la mineure les preuves de la mineure, & enfuite conclure.

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