Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ron & Quintilien. Il faut donc quele jeune Orateur s'attache principalement à l'étude des ouvrages que ces trois grands maîtres ont tranfmis à la poftérité; qu'il ne fe contente pas de les lire fimplement, mais qu'il les éxamine, qu'il les médite, & qu'il les confronte. Car le plus grand fruit que l'on tire de cette étude confifte moins dans la connoiffance des préceptes, que dans les réfléxions que l'on fait pour découvrir les raifons de chaque précepte.

On trouve dans la Rhétorique d'Ariftote de l'ordre, de l'exactitude, & une grande fuite de principes & de raisonnemens bien liés. Les préceptes que ce Rhéteur Philofophe fournit fur le genre déliberatif, le démonftratif, & le judiciaire, la peinture qu'il fai des mœurs de chaque âge, de chaque état, de chaque condition, la maniére dont il explique les moyens d'exciter, ou de calmer les paffions, les inftructions qu'il donne par rapport aux preuves, aux caractéres de la bonne élocution, au choix des mots, à la ftructure de la période, & à toute l'œconomie du difcours oratoire, montrent qu'il n'ignoroit rien de ce qui

eft effentiel à l'Eloquence, & qu'il en avoit approfondi toutes les parties, mais en général fa Diction a un air fec, trifte & fcholaftique.

Ciceron eft à la vérité moins mé thodique, mais il eft plus poli, plus agréable, plus engageant; il a renfer mé dans fes livres de Rhétorique tout ce qu'Ariftote avoit de meilleur, & on peut dire qu'en fuivant fes principes, il a annobli & perfectionné fa doctrine, foit par le foin qu'il a pris de rectifier ce qu'il y avoit de défectueux, foit par le poids & la force qu'il a donnés à ce qui avoit besoin d'appui, foit par les charmes qu'il y a répan dus, foit par les reffources qu'il a trouvées dans ses réfléxions, & dans son experience.

Ses Dialogues fur l'Eloquence n'ont rien qui fente la féchereffe, & les épines de l'Ecole; on y trouve au contraire avec la pureté du langage toutes les graces de l'urbanité Romaine. Auffi faut-il convenir qu'on ne peut apporter plus de difpofitions & de talens qu'il en apporta à la compofi tion de cet ouvrage. C'étoit un efprit fublime qui joignoit à un heureux genie, une érudition très-vafte. Il avoit

effacé les plus célébres Orateurs de fon fiécle. Il avoit paffé une grande partie de fa vie dans les exercices du Barreau, & dans l'administration des affaires d'une République maîtreffe.de l'Univers. Il avoit lû tout ce que Platon, Aristote & Ifocrate avoient compofé fur l'art de parler. Ainfi on ne doit pas s'étonner fi fes écrits en ce genre ont eu tant de réputation, & ont mérité les éloges de tous les fiécles.

Mais quoique j'admire les beautés, & les perfections qui éclatent dans ces Dialogues, je n'en fuis pas ébloui jufqu'au point de tout approuver fans diftinction. Je ne craindrai pas de dire que cet ouvrage m'a toujours parû très-diffus, & que quelque attention que j'aye apportée en le lifant, j'ai eu bien de la peine à fuivre le fil du raifonnement, & à recueillir la doctrine de l'Auteur au milieu de ce long cercle de converfations & de contredits, où les digreffions font fréquentes, les préceptes difperfés, & fouvent très-éloignés les uns des autres.

Ce Livre eft divifé en trois Dialogues.

Je n'entrerai point dans tous les détails de la méthode que Ciceron

y a

fuivie. Je me contenterai d'ajouter quelques réfléxions à ce que j'en ai déja dit.

Le premier Dialogue a pour but de fixer l'idée que l'on doit avoir de l'Orateur. Craffus & Antoine qui font les principaux interlocuteurs, difputent long-tems fur les qualités néceffaires pour former un Orateur. Craffus veut qu'il fçache tout, Rhétorique, Philofophie, Jurifprudence, Hiftoire, Politique, &c. Antoine fe fait un plaifir de combattre ce fyftême. Il borne l'objet des connoiffances de l'Orateur à très-peu de chofe. Il foutient qu'il fuffit d'avoir du genie & l'ufage du monde. Cette diverfité d'opinions jette le Lecteur dans une telle incertitude, qu'il ne fçait à quoi s'en tenir. Il a beau pefer les raifons de part & d'autre, il ne peut difcerner de quel côté eft la vérité. Il est comme un voya

geur conduit par différens guides, qui ne conviennent point entr'eux de la route qu'il faut prendre pour arriver au terme. L'un veut le faire paffer à droit, l'autre à gauche. Tous deux foutiennent leur opinion avec chaleur, & par des raifons fpécieuses, qui augmentent encore fon embarras. En

un mot tout eft ici traité d'une ma niere fi problêmatique, que le fonds de la question paroît demeurer indécis.

Mais Antoine revient au sentiment de Craffus dans le fecond entretien, ce qui fait voir que le premier dialogue n'eft qu'un jeu d'efprit dont les Lecteurs pourroient fort bien fe paffer; d'autant plus que Ciceron renferme tous les préceptes de la Rhetorique dans les deux fuivans. Antoine explique dans le fecond les regles de l'invention & de la difpofition. Craffus traite dans le troifiéme ce qui regarde l'élocution & l'action. La méthode de ces deux derniers entretiens eft plus droite, plus décisive & mieux fuivie que celle du premier. A l'égard de la diction elle eft également parfaite dans tous les trois dialogues. On fouhaiteroit feulement qu'il y eut moins de préambules, de redites & de digreffions. Pour tirer du profit de cette lecture, il faudroit faire un extrait des excellens préceptes qui font répandus dans tout le corps de l'ouvrage.

Quintilien a profité du travail & des lumiéres d'Ariftote & de Cicéron,

« AnteriorContinuar »