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relles.

XI:

Peines tempo Hift. liv. LXXIV. n. 46. l. LXXXVIII. n. 34. V. 3. Difc. n. 16, 17.

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eft de la compétence du tribunal eccléfiaftique. Par ce principe l'évêque étoit juge de tous les procès de fon diocèfe & le pape de toutes les guerres entre les fouverains: c'est-à-dire, qu'à proprement parler, il étoit feul fouverain dans le monde. Mais il eft aifé de démêler ce fophifme. L'églife eft juge de tout péché, dans le for intérieur, quand le pécheur s'en accufe: ou même à l'extérieur, quand le crime eft public & fcandaleux; mais fon jugement fe termine, ou à l'impofition d'une péniten ce falutaire, ou au retranchement de la fociété des fidèles, fans aucu ne conféquence pour le temporel.

Or c'étoient les effets temporels qu'avoient principalement en vue les eccléfiaftiques, en étendant à l'infini leur jurifdiction. Les juges & les miniftres de juftice cherchoient à gagner par les frais des procédures, & les amendes, fans lefquelles pour l'ordinaire on ne donnoit point l'abfolution des cenfures; & comme ces peines fpirituelles étoient peu redoutées par elles-mêmes, on y en ajoutoit le plus fouvent de temporelles. De- là vint cette menace qui paffa en ftyle dans les bulles Hift. liv. Lxxv.n. des papes: Autrement nous pourfuivrons fpirituellement & temporellement; & cette remontrance des évêques de France à faint Louis, qu'il laiffoit perdre la religion, s'il ne faifoit faifir les biens de ceux qui méprifoient les excommunications. Le faint roi refufa de le faire fans connoiffance de caufe; mais plufieurs conciles de ces tems-là ordonnent aux juges féculiers, fous peine d'excommunication de faifir les biens de ceux qui feroient demeurés un an excommuniés. Que fi les juges euxmêmes méprifoient la cenfure, je ne vois pas ce que l'églife pouvoit leur faire.

20, 21, 43.

Join. p. 13. Conc. Bord. 1263. c. 3.

Du même principe vinrent ces claufes ajoutées aux cenfures en certains conciles & en plufieurs bulles: confifcations des fiefs relevans de P'églife: incapacité aux enfans des coupables de pofféder des bénéfices, & à eux-mêmes d'exercer aucune charge publique: nullité des actes qu'ils Hift. liv.xc.n. 33. feroient en qualité d'officiers, note d'infamie, confifcation de biens, défenfe de rien vendre aux excommuniés ni acheter d'eux; & d'autres claufes femblables qu'on voit en quelques bulles contre les Vénitiens, les Florentins ou d'autres républiques. Il étoit facile d'écrire de telles fentences & les publier en cour de Rome: la difficulté étoit de les exécuter, & l'inexécution rendoit méprifable l'autorité dont elles étoient émanées.

XII

Haine des laïques contre le clergé.

Hifl.liv. LxxxIx.n.

43. 4. LXVIII.n.55.

Jo. XIII. 35

par

Les entreprises des eccléfiaftiques fur la jurifdiction féculiére, excitérent les juges laïques à entreprendre de leur côté, comme nous voyons les plaintes fi fréquentes dans les conciles du treiziéme & du quatorziéme fiécle. L'animofité s'y mit de telle forte, que c'étoit comme une guerre ouverte; & c'eft ce qui faifoit dire à Boniface VIII au commencement de la bulle Clericis laïcos, que les laïques ont une ancienne inimitié contre le clergé. Cette antiquité toutefois n'alloit tout au plus qu'à deux cens ans, & vers le tems d'Arnaud de Breffe; mais en remontant jufqu'aux cinq ou fix premiers fiécles de l'églife, on auroit trouvé une union édifiante entre le clergé & le peuple. Il eft vrai que Jefus-Chrift dit, qu'il eft venu exciter une guerre fur la terre; mais c'eft entre fes difciples & les infidèles, non pas à l'égard de fes difciples entr'eux: &

en cette guerre toute la violence eft de la part des infidèles; les Chrétiens ne font que fouffrir fans réfifter. Telle devoit être la conduite des eccléfiaftiques; c'étoit à eux à faire toutes les avances pour rétablir cette union que Jefus Chrift avoit tant recommandée, & donnée pour marque de ceux qui feroient véritablement fes difciples : c'étoit aux évêques à s'attirer le refpect & l'affection des peuples par la fainteté de leur vie leur zèle pour le falut de leurs ouailles, le foin de les inftruire. & de leur procurer toutes fortes de biens fpirituels & temporels, leur douceur, leur patience, & toutes les autres vertus.

Mais ils prenoient un chemin tout oppofé. Ce n'étoit que fierté, hauteur, plaintes améres, reproches piquans, menaces, procédures judiciaires, excommunications & autres cenfures: tous moyens, non d'é. teindre le feu, mais de l'allumer davantage. Ainfi les laïques irrités de plus en plus, en venoient aux voies de fait & aux violences ouvertes. Ils arrêtoient les porteurs des lettres ou des ordres des évêques, qu'ils leur arrachoient & les déchiroient. Ils prenoient les clercs, les chargeoient de coups, les emprifonnoient, les rançonnoient, & quelquefois les mettoient à mort; & à tout cela point d'autre remède que des cenfures tant de fois méprifées. Voilà les funeftes effets de cette divi fion, caufée principalement par l'extenfion exceffive de la jurifdiction eccléfiaftique.

Outre les caufes que j'ai marquées de l'indignation des laïques contre le clergé, il en étoit furvenu une nouvelle depuis environ cent ans, fçavoir le tribunal de l'inquifition. On voit combien il étoit odieux, par la difficulté de l'établir, même en Italie & dans l'état eccléfiaflique; & par les inquifiteurs mis à mort, comme S. Pierre de Verone compté entre les martyrs, le B. Pierre de Caftelnau, & tant d'autres. Or l'inquifition n'étoit pas feulement odieufe aux hérétiques, qu'elle recherchoit & pourfuivoit, mais aux catholiques mêmes: aux évêques & aux magiftrats dont elle diminuoit la jurifdiction, & aux particuliers auxquels elle fe rendoit terrible par la rigueur de fa procédure. Vous en avez vu des plaintes fréquentes, & grand nombre de conftitutions des papes pour modérer cette rigueur. Enfin quelques pays, après avoir reçu d'abord l'inquifition, l'ont rejettée, comme la France; & plufieurs ne l'ont jamais reçue: fans que la religion chrétienne y foit moins bien enfeignée ou pratiquée, que dans les pays où l'inquifition eft la plus autorisée. Ceux qui cut vu ces différens pays, peuvent en rendre témoignage.

La fin pour laquelle on a inftitué l'inquifition, eft de purger ou préferver d'hérétiques les lieux où elle est établie mais off a employé, pour parvenir à cette fin, des moyens qui naturellement produifent l'hypocrifie & l'ignorance. La crainte d'être dénoncé, emprisonné & puni fur un fimple foupçon, dont le fondement fera quelque parole indifcrette, empêche de parler de ce qui regarde la religion, de propofer fes doutes, fi l'on en a, de faire des questions & de chercher à s'inftruire. Le plus court & le plus sûr eft de fe taire, ou de parler & d'agir comme les autres, foit qu'on penfe de même ou non. Un pécheur d'habitude, qui ne veut pas quitter fa concubine, ne laiffe pas de faire fes pâques, pour

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Ind. lib. prohib. Madr. 1667. fol.

Hift. liv. xxx. n.

35. to. 4. conc. P. 12604

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XIV:

n'être pas déféré à l'inquifition au bout de l'année comme fufpect d'héréfie. Les pays d'inquifition font les plus fertiles en cafuiftes relâchés.

La lecture et un des meilleurs moyens de s'inftruire; mais elle eft difficile en ces pays-là. On n'y trouve l'écriture-fainte qu'en Latin, non en langue vulgaire ; & c'eft fe rendre fufpect de Judaïfine, que de l'avoir en Hebreu. Plufieurs bonnes éditions des peres & des autres auteurs eccléfiaftiques y font défendues, parce qu'elles font faites par des hérétiques ou des auteurs fufpects. Du moins il eft ordonné d'en retrancher une préface, un avertiffement, un commentaire, une note: d'effacer à telle & telle page, une ligne, ou un mot, comme il eft fpécifié fort au long dans l'index de l'inquifition d'Efpagne. Sans ces corrections, il est défendu, fous de rigoureufes peines, de lire le livre, ou de l'expofer en vente. Les libraires aiment mieux ne s'en point charger: ainfi quantité de bons livres n'entrent point dans les pays d'inquifition.

J'admire fur ce point, comme fur tout le refte, la fageffe des anciens. Nous avons un décret du pape Gélafe, publié dans un concile de Rome l'an 494, où font fpécifiés les livres que l'églife Romaine reçoit & ceux qu'elle rejette; mais je n'y vois point de cenfures ou d'autres peines prononcées contre ceux qui liront les livres apocryphes ou condamnés: ce qui me fait croire que l'églife fe contentoit de les indiquer, fçachant que c'étoit affez pour les confciences timorées, & qu'u ne défenfe rigoureufe ne feroit qu'exciter la curiofité des libertins & des indociles. S. Paul exhortant les fidèles à tout éprouver & retenir ce qui eft bon, femble leur accorder une fainte liberté d'en faire le difeernement. En général, les pafteurs dans les premiers tems avoient foin de bien inftruire les Chrétiens, chacun felon fa portée, fans prétendre les gouverner par la foumiffion aveugle, qui eft l'effet & la caufe de l'ignorance. Les plaintes réciproques des eccléfiaftiques & des laïques, furent le fujet de la fameufe difpute entre Pierre de Cugniéres & Pierre Bertrandi, devant le roi Philippe de Valois. Mais on peut dire que la caufe de l'églife y fut mal attaquée & mal défendue, parce que part & d'autre on n'en fçavoit pas affez, & on raisonnoit fur de faux principes, faute de connoître les véritables. Pour traiter folidement ces queftions, il eût fallu remonter plus haut que le décret de Gratien; & revenir à la pureté des anciens canons, & à la difcipline des cinq ou fix premiers fiécles. Mais elle étoit tellement inconnue alors, qu'on ne s'avifoit pas même de la chercher; & ceux qui vouloient reftreindre l'autorité du pape, fe jettoient dans le raifonnement, comme Marfile n. de Padoue, qui, par les principes de la politique d'Ariftote, prétendoit montrer que l'empereur avoit droit de borner la jurifdiction des évêques & du pape même. Vous avez vu en quelles erreurs ces raifonnemens le conduifirent.

Plaintes de Pierre de Cugnières. Hift.lib. XCIV. n.

3,

H. liv. xcIII. 19. Gold. Mon, to. 2. p. 155.

Duboulai,to.4.p.

216.

de

Il faut toutefois obferver qu'entre les erreurs de Marfile, on comptoit une propofition très-véritable, & la faculté de théologie de Paris donna dans cette méprife: la propofition qu'elle condamna

eft

que

le pape, ou toute l'églife enfemble, ne peut punir de peine coactive aucun homme, quelque méchant qu'il foit, & l'empereur ne lui en don

he le pouvoir. Toutefois la puiflance que l'églife a reçue de Jefus-Chrift, eft purement fpirituelle, & toujours la même; je penfe l'avoir montré: le refte vient de la conceffion des princes, & fe trouve différent felon les tems & les lieux.

Deux prélats répondirent à Pierre de Cugniéres, fçavoir : Pierre Roger, élu archevêque de Sens, & Pierre Bertrandi, évêque d'Autun. Ils S'arrêtérent long-tems à prouver que la jurifdiction temporelle n'eft pas incompatible avec la fpirituelle ; & que les eccléfiaftiques font capables de l'une & de l'autre. Mais ce n'étoit pas la queftion: il s'agiffoit de fçavoir s'ils l'avoient effectivement, & à quel titre. Si c'étoit par l'inftitution de Jefus-Chrift, ou par la conceffion des princes; & fi les princes ne pouvoient pas révoquer ces conceffions, quand le clergé en abufoit manifeftement.

Pour établir le pouvoir des prêtres fur les chofes temporelles, l'archevêque emploie les exemples de l'ancien teftament. Melchifédec, prêtre & roi, Moïfe & Aaron, Samuel, Efdras, les rois de la famille des Maccabées. Mais ces exemples prouvent tout au plus que les deux puiffances peuvent être unies par accident en une même perfonne, ce qui n'étoit pas contefté. Pour aller plus loin, il auroit fallu il auroit fallu prouver deux propofitions: l'une, que les prêtres de l'ancienne loi euffent eu pouvoir fur le temporel comme prêtres : l'autre, que Jefus-Chrift eût établi fon églife fur le même plan que le gouvernement temporel des Ifraëlites. Or on ne prouvera jamais ni l'un ni l'autre ; & il est évident par toutes les écritures du nouveau teftament, & par toute la tradition des dix premiers fiécles, que le royaume de Jefus-Chrift eft purement spirituel, & qu'il n'eft venu établir fur la terre que le culte du vrai Dieu & les bonnes moeurs: fans rien changer au gouvernement politique des différens peuples, ni aux loix & aux coutumes qui ne regardent que les intérêts de la vie préfente.

L'archevêque prétend enfuite montrer que S. Pierre, comme vicaire de Jefus-Chrift, a exercé la puiffance de vie & de mort, en puniffant Ananias & Saphira. La réponse eft facile. Qu'un évêque par la feule parole faffe tomber mort un coupable, nous conviendrons qu'il tient de Dieu ce pouvoir: mais de tirer à conféquence ces miracles pour établir une jurifdiction ordinaire, c'eft fe moquer vifiblement des auditeurs.

L'archevêque emploie ce paffage de S. Paul: Ne fçavez vous pas que les faints jugeront de ce monde ? Comme fi, par les faints, l'apôtre n'entendoit que le clergé au lieu qu'il entend tous les fidèles, & n'exclud que les Païens, comme il eft clair par la fuite du difcours. C'est par la même erreur que le prélat reftreint au clergé ces paroles de faint Pierre: Vous êtes la race choifie, le facerdoce royal, la nation fainte; qui s'adreffent manifeftement à tous les fidèles. Il ne diffimule pas le motif d'intérêt qui engageoit les prélats à foutenir cette caufe, en difant: Si les prélats perdoient ce droit, le roi & le royaume perdroient un de leurs plus grands avantages, qui eft la fplendeur des prélats: ils deviendroient plus pauvres & plus miférables que tous les autres, puisque une grande

P. 1068

A&t. v. 5

1. Cor. VI. 21

1. Pet. H. g

P. 1072. C.

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partie de leurs revenus confifte dans les émolumens de la juftice. Ce n'é toit pas par ce motif que faint Auguftin, & les autres évêques des premiers fiécles, fe donnoient tant de peine pour terminer les différends des fidèles; auffi ne mettoient-ils pas la gloire de l'épifcopat dans les richeffes & la pompe extérieure. L'archevêque conclud que les droits une fois acquis à l'églife appartiennent à Dieu, comme les autres biens qu'elle pofféde, & ne peuvent plus lui être ôtés fans facrilége.

La difpute de Pierre de Cugniéres contre les prélats ne produifit rien, & augmenta plutôt l'animofité des deux parties, qu'elle ne la diminua: en forte que les entreprifes continuérent de part & d'autre. Or je borne ici mes réflexions fur cette matiére, jufqu'à ce que la fuite de l'histoire m'en fourniffe de nouvelles fur les moyens que les laïques ont employés, particuliérement en France, pour reftreindre la jurisdiction eccléfiaftique, & la refferrer dans les bornes étroites où nous la voyons aujourd'hui.

Je ne vois point de pareilles conteftations dans l'églife Grecque, & j'en trouve deux raifons : l'une, que les évêques n'y ont jamais eu ni feigneuries ni offices, qui leur donnaffent part à la puiffance publique & au gouvernement temporel : l'autre, que l'églife Grecque ne connoiffoit point le droit nouveau qu'avoit reçu l'églife Latine, c'est-à-dire les fauffes décrétales & les maximes établies en conféquence, comme j'ai marqué dans un autre difcours. Les Grecs connoiffoient encore moins le décret de Gratien, les décrétales de Grégoire IX, & les autres compilations plus nouvelles que leur fchifme: tout leur droit eccléfiaftique confiftoit au code des canons de l'églife univerfelle, & autres piéces comprifes dans le recueil publié à Paris en 1661 fous le titre de Bibliothèque de l'ancien droit canonique. Leurs évêques ne jugeoient que des matiéres fpirituelles, & n'impofoient que des peines de même nature, c'est-à-dire, des pénitences ou des cenfures eccléfiaftiques.

Il n'en étoit pas de même en Syrie, en Egypte, & aux autres pays de la domination des Mufulmans. Les Chrétiens leurs fujets avoient con fervé, non feulement l'exercice de leur religion, mais encore l'obfervation des loix Romaines auxquelles ils étoient accoutumés depuis plufieurs fiécles; & leurs évêques, comme en étant mieux inftruits que les autres, terminoient fuivant ces loix les différends des particuliers, non feulement en matiére fpirituelle, mais en matiére profane : du moins autant que le permettoient les infidèles leurs maîtres,

HUITIEME

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