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douze apôtres. On l'appelloit le cardinal de Genève, parce qu'il étoit frere ou neveu d'Amédée, comte de Genève, & il fut nommé Clément VII. Il n'étoit âgé que de trente-fix ans ; & comme il n'étoit ni François ni Italien, on crut qu'il ne feroit point fufpect aux deux partis. Il avoit été évêque de Terouanne, enfuite de Cambrai & fait cardinal par Grégoire XI. Il étoit habile, éloquent, actif, propre aux affaires & au travail. Ces qualités contribuérent au choix que l'on fit de fa perfonne, mais encore davantage la nobleffe de fon extraction, qui le rendoit parent ou allié des meilleures maifons de l'Europe: ce qui le mettoit plus en état qu'aucun autre de se foutenir contre fon concurrent. Les cardinaux Italiens en furent fi indignés, qu'ils retournérent Theod. Niem, de auffi-tôt dans le château d'où ils étoient venus. Ce château apparte- fchifm, lib. 1. c. 20, noit au cardinal des Urfins, qui y mourut bientôt après, fans qu'on puiffe fçavoir dans laquelle des deux obédiences.

V: Urbain VI crée

vingt-neuf cardi

Par cette élection, Úrbain VI se vit en tête un autre pape, cinq mois après fon exaltation; & fe voyant abandonné de tous les cardinaux & même en partie de fes courtifans, il s'en retourna fort défolé à · Rome vers la fin de l'année, dans l'églife de fainte Marie au-delà du Tibre, parce que les François tenoient encore le château faint-Ange. Là il commença à reconnoître l'imprudence de fa conduite; & pour la réparer, il fe rendit plus gracieux à fes courtifans, & leur conféra plufieurs charges qui fe trouvoient vacantes. Catherine de Sienne, qui avoit été la principale caufe du retour de Gregoire XI, tenoit l'élection d'Urbain pour légitime, & fe déclara hautement pour lui; elle écrivit au roi Charles V, mais fans fuccès, des lettres pleines de feu, pour le retirer du parti de Clément & le faire entrer dans l'obédience d'Ur. naux, bain, & employa tout ce qu'elle avoit d'efprit & d'éloquence pour y attirer tout le monde. Elle écrivit auffi fix lettres à Urbain qui ont été imprimées, où après l'avoir exhorté à la conftance, elle lui confeille de fe relâcher de fa trop grande févérité qui lui faifoit tant d'ennemis, & de faire au plutôt un nouveau collège de cardinaux capables de fervir l'église en cette occafion, & d'en foutenir l'édifice par un mérite diftingué. Enfin à fa perfuafion, ce pape en créa vingt-neuf de diverfes nations, dans la vue de fe faire des créatures dans la plupart des cours. Il y en eut vingt- fix qui acceptérent, & trois qui refuférent. Les principaux furent Bonaventure de Padoue, de l'ordre des Auguftins; Nicolas Mefquin, de l'ordre des Freres Prêcheurs; Jean, archevêque de Corfou; Renoul de Monterue, neveu du cardinal de Pampelune, & évêque de Cifteron; Philippe d'Alençon, prince du fang royal de France; Agapit Colonne, qui refufa d'abord, & accepta enfuite, en étant follicité par fa famille; Pile de Platre, archevêque de Ravenne ; & Galiot de Tarlat de Pietra-Mala, natif d'Arezzo, protonotaire Apoftolique.

Après l'élection de ces deux papes, la chrétienté fe divifa: Urbain VI avoit prefque toute l'Europe dans fon parti; il étoit reconnu en Allemagne, en Hongrie, en Angleterre, en Bohême, en Pologne, en Danemarck, en Suède, en Pruffe, en Norvége, en Hollande, en Tofcane, en Lombardie, dans le duché de Milan, & prefque dans toute Tome XIV.

h

VI:

La France fe déclare pour Clément VII.

VII.

Clément VII fe

l'Italie, à la réserve de quelques endroits de la Sicile & du royaume de Naples. L'Espagne même tenoit encore pour lui, & quoique Pierre de Lune, qui avoit été envoyé par Clément VII, fut demeuré dans ce pays, les Espagnols ne le regardoient que comme Espagnol, parce qu'il étoit Arragonois, & non pas comme légat de ce pape : en forte que dans plufieurs conciles tenus en Espagne fur le fchifme, on avoit laiffé la queftion indécile en attendant un concile œcuménique, & ce ne fut qu'en 1387 que Clément VII fut reconnu dans un concile tenu à Salamanque, où préfidoit Pierre de Lune, fon légat, & il le fut encore plus tard dans la Navarre & dans l'Arragon. La France en 1379 avoit embraffé la neutralité dans un concile national, tenu à Paris fous Charles V; mais quatre mois après, ce prince fe déclara en faveur de Clément VII, & alors Urbain VI fut prefque généralement déclaré intrus; la Caftille, l'Arragon, la Navarre, l'Ecoffe, la Savoye, la Lor raine ayant fuivi l'exemple de la France.

Cependant les deux papes ne gardoient entr'eux aucunes mefures; ils lançoient réciproquement mille foudres d'excommunication, au grand fcandale de toute la chrétienté : de-là ils en vinrent à des armes plus efficaces, & qui eurent des fuites plus funeftes. Clément s'étoit retiré de Fondi dans le château de Spelongue proche de Gayette, d'où il retire à Avignon. alla à Naples avec fes cardinaux ; mais comme il y fut mal reçu, il Giacon, in Clem, s'en alla à Avignon, où il arriva dans le mois de Juin de l'an 1379Son départ acheva de ruiner fon parti en Italie; le château faint-Ange fe rendit à Urbain, qui fit faire le procès à la reine Jeanne de Naples, au comte de Fondi, aux Urfins, & à tous ceux qui favorifoient Clément VII. Celui-ci de fon côté procéda contre ceux qui adhéroient à Urbain, ce qui mettoit l'églife dans une confufion terrible.

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VIII.

Guerre entre

Louis duc d'Anjou, & Charles de Duras.

Le Laboureur, hif. toire de Charles VI. 1.2. c. 8.

Urbain, pour faire exécuter le jugement qu'il avoit rendu contre la reine de Naples, donna le royaume à Charles de Duras, parent de cette reine, & l'appella de Hongrie; d'où étant arrivé, le pape le couronna roi de Sicile, après l'avoir engagé à céder les duchés de Capoue & de Melphe & d'autres comtés à François de Pregnano, furnommé Batillo, neveu d'Urbain. La reine Jeanne, pour s'oppofer aux entrepri fes de ce pape, fit don de fes états à Louis d'Anjou, l'exhortant de ve. nir promptement à fon fecours. Sur ces entrefaites Charles de Duras fe rendit maître de Naples, furprit Othon mari de Jeanne par trahison, & le fit prifonnier : & enfuite ayant pris le château-neuf où la reine s'étoit retirée avec fa foeur Marie, il la fit prifonniére de guerre., & quelque tems après la fit étrangler.

Clément VII de fon côté follicitoit fans ceffe le duc d'Anjou de paffer en Italie. Ce duc étoit régent du royaume de France fous la minorité de Charles VI, fucceffeur de Charles V, dit le Sage, mort le feiziéme de Septembre 1380. Il partit de France avec une armée confidérable l'an 1382 pour aller conquérir le royaume de Sicile ; il traverfa la Lombardie; & au lieu d'aller droit en Italie où il auroit pu le rendre maître de la perfonne d'Urbain, & délivrer Jeanne fa bienfaitrice, que Charles de Duras tenoit prifonniére, auffi-bien que le duc Othon fon époux:

il alla droit dans l'Abruzze, où il fut proclamé roi de Naples, de Sicile, de Jérufalem, & comte de Provence. Charles, qui étoit dans Naples, faifoit fortifier les places qui lui reftoient, & traînoit la guerre en longueur afin de faire périr les troupes du duc d'Anjou. Ce deffein lui réuffit; l'armée du duc fut tellement affoiblie par la difette & par la mortalité, qu'elle ne put rien entreprendre. L'argent lui manqua, & enfin il mourut lui-même à Bari le vingt-uniéme de Septembre 1384, foit de douleur de voir un fi malheureux fuccès de fon entreprise, foit de la maladie contagieufe dont il fut frappé; foit même, comme quelques-uns l'ont écrit, pour avoir bu de l'eau d'une fontaine empoifonnée par les ennemis.

L'année précédente le pape Urbain étoit allé dans le royaume de Na ples, inquiet de ce que Charles, depuis près de deux ans qu'il étoit en poffeffion de ce royaume, n'avoit point fongé à exécuter fa promeffe touchant les principautés qu'il devoit donner à Pregnano fon neveu; & craignant qu'il ne s'accommodât avec le duc d'Anjou. Il s'avança jusqu'à Ferento, petite ville de l'état de l'églife, d'où il manda aux cardinaux de le venir trouver; & fur le refus qu'ils en firent, il drefsa de grands procès-verbaux contr'eux, & menaça de les dépofer. Il ne laifla pas de poursuivre fa route; & vers le mois d'O&obre il vint à Averfa entre Naples & Capoue. Charles vint au-devant de lui, le falua humblement, & tint là bride de fon cheval, en marchant devant lui comme fon écuyer, & l'accompagnant jufqu'à l'évêché où il logea. Mais ces foumiffions de Charles de Duras étoient plutôt pour s'affurer de la perfonne du pape, que pour lui faire honneur.

En effet, à peine Urbain fut-il entré dans la ville, que Charles en fit fermer toutes les portes, & fur le foir il l'envoya inviter de venir au château. Urbain le refufa, & malgré ce refus on ne laiffa pas de l'y mener, quelque réfiftance qu'il pût faire, & quoiqu'il excommuniât hautement par les chemins ceux qui le conduifoient. Il y fut cinq jours, fans que ceux du dehors puffent rien apprendre de ce qui s'y paffoit, & il y a apparence que Charles l'obligea de renoncer à ces conditions onéreufes dont on l'avoit chargé en recevant l'inveftiture. Mais loin de lui rendre la liberté, il le fit conduire d'Averfa à Naples, où il le reçut fur un trône fort élevé devant la porte de la ville, revêtu de fes habits royaux, la couronne en tête, tenant le fceptre d'une main, & de l'autre la pomme d'or, fans fe lever, jufqu'à ce qu'Urbain fût au pied du trône. Alors il defcendit, lui baifa les pieds, le conduifit lui-même dans la ville, où pourtant il ne voulut pas qu'on lui fit une entrée folemnelle; & au lieu de l'archevêché où le pape vouloit loger, il le fit entrer dans le château-neuf, où on lui permit de donner fes audiences, quoiqu'il fût retenu fous bonne garde, jufqu'à ce que quinze ou feize jours après par l'entremise des cardinaux la paix fe fit entr'eux, à condition que le pape ne fe mêleroit plus du gouvernement du royaume, & que le roi Charles feroit le neveu d'Urbain prince de Capoue. Mais cette principauté ne dura guéres dans la maifon d'Urbain; fon neveu, qui étoit un homme non feulement fans aucun mérite, mais auffi

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fort débauché, viola une religieufe de fainte Claire dans le monaftére de S. Sauveur. Cette action honteufe brouilla de nouveau Charles & le pape, qui prit avec beaucoup de hauteur le parti de fon impudique neveu. Ce pontife, contre les conventions, foutenoit qu'il étoit fouverain dans le royaume de Naples; & que, pendant qu'il y étoit préfent, il n'étoit pas permis à Charles de condamner à mort les grands du royaume. Cependant l'affaire s'accommoda. Le roi de Naples pardonna au neveu fon incefte, & lui donna même la ville de Nocera, autrement Nucera-delli-Pagani dans le royaume de Naples, avec foixante & dix mille florins. Ce fut-là où le pape fe retira avec une partie de fa cour, résolu d'y paffer l'hyver, en attendant l'occafion de fe venger de l'injure que Charles lui avoit faite, & de le dépouiller de fon royaume, comptant fur les intelligences qu'il avoit avec les Napolitains. Auffi les brouilleries recommencérent bientôt après.

Charles étant de retour à Naples, fans nul ménagement pour Urbain, le fit prier de venir inceffamment l'y trouver pour lui communiquer Spond. ann. 1384. quelque affaire importante. Le pape, irrité de ce procédé, répondit que 5. 6. c'étoit aux rois & aux princes chrétiens à venir aux pieds du pape, & non pas aux papes à les prévenir ; & que s'il vouloit avoir fon amitié, il devoit abolir les impôts qu'il avoit mis fur un royaume feudataire de l'églife. Il n'en fallut pas davantage à Charles pour faire éclater le deffein qu'il avoit formé de perdre Urbain. On sema dans le public certaines questions, où, entr'autres, on demandoit s'il n'étoit pas permis de donner des curateurs à un pape ou trop négligent ou trop opiniâtre, & qui fans le confeil des cardinaux voudroit tout faire à la tête au préjudice de l'églife; & même de le punir, de le dépofer, & d'en élire un autre. Le cardinal de Rieti nommé Pierre Tartaro, abbé du MontCaffin & chancelier du roi de Naples, rendit ces questions publiques elles étoient au nombre de douze. Le cardinal foutenoit l'affirmative, & les raifons qu'il en apportoit pouvoient faire quelque impreffion fur les efprits. Il engagea auffi plufieurs docteurs célèbres en théologie & en droit, à agiter de pareilles queftions, & à les réfoudre conformément au parti qu'il avoit pris.

Niem, l. 1. c. 42.

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Urbain ayant eu avis de cette conjuration, par le cardinal de Manupello de la famille des Urfins, affembla fon confiftoire pour y repréfenter le danger où il fe trouvoit expofé; & au fortir de-là, il fit arrêter fix d'entre les cardinaux qu'il foupçonnoit d'y avoir eu plus de part, parce qu'ils étoient les plus fçavans. Ils furent mis dans des cachots, chargés de chaînes, & appliqués plufieurs fois à la queftion. Le premier, nommé Gentil de Sangre, fut amené devant lui les fers aux pieds & aux mains, dans le lieu du château où fe devoit donner la torture. On l'enleva nud avec des cordes, n'ayant que fa chemife & fes calleçons, & on le garotta pour l'appliquer à la queftion. Le lendemain Louis Donato, cardinal de Venife, fut mis fur le chevalet. Ce vieillard, foible & caffé, foutint la queftion depuis le matin jufqu'à l'heure du dîner, avec de fi horribles tourmens que " le pape pouvoit entendre fes cris d'un jardin où il se promenoit. C'est Thierri de Niem

qui rapporte ces cruautés, en ayant été témoin. Les quatre cardinaux étoient Adam Efton, évêque de Londres; Barthélemi de Cucurne ou de Cothurne, archevêque de Gênes; Jean de Capoue, archevêque de Corfou; & Martin de Juge, archevêque de Tarente.

Charles, irrité contre Urbain de ce qu'il avoit renouvellé contre lui fes excommunications, mis le royaume de Naples à l'interdit, & qu'il l'avoit déclaré, auffi bien que Marguerite fon époufe, dépouillés du royau me; vint l'affiéger dans le château de Nocera, avec une groffe armée dont il avoit confié le commandement au cardinal de Rieti, grand ennemi d'Urbain. Pendant que les affiégés peu aguerris fe défendoient mollement, le pape excommunioit tous les jours quatre fois de fa fenêtre l'armée ennemie, une cloche & le cierge à la main. La ville fut prife, & la citadelle étoit fi vivement preffée, qu'infailliblement le pape auroit été pris, fi l'on ne fût promptement accouru à fon fecours. Raimond des Urfins, aidé de Thomas de faint-Severin, chef du parti qui reftoit à Louis d'Anjou, & de Lothaire de Suabe officier Allemand fit couper un chemin détourné dans la forêt ; tous trois avec leurs troupes s'avancérent jufqu'au camp des affiégeans, taillérent les uns en piéces, mirent les autres en fuite, entrérent dans la ville, enfuite dans le château, d'où ils enlevérent Urbain avec les cardinaux & le refte de ses gens, & le conduifirent au travers de mille dangers dans un port entre Barlette & Trani, où étoient les galéres de Gênes. Ce qu'il y eut de particulier dans cette action, c'eft que les partifans de Clément VII, pour traverfer Charles, furent les libérateurs d'Urbain.

Ce pape traînoit toujours avec lui fes fix cardinaux, qu'il gardoit à de peur qu'ils ne lui échappaffent. Thierri de Niem, fon fecrétaire, dit qu'il fit inhumainement égorger, ou plutôt affommer en fa présence, l'évêque d'Aquila, parce qu'ayant un méchant cheval, & qu'étant d'ailleurs eftropié de la torture qu'il avoit foufferte, il ne marchoit pas affez vite à fon gré. Lorsqu'il arriva à Gênes, tout le monde s'intéreffa inutilement pour la délivrance de ces cardinaux ; il les fit mourir cruellement de divers genres de fupplices, & il n'y eut qu'Adam Eston évêque de Londres, qu'on appelloit le cardinal de fainte Cecile, à qui il accorda la vie, à la prière de Richard roi d'Angleterre, après l'avoir dégradé & privé de tous fes bénéfices & dignités. Cette conduite d'Urbain aliéna de lui fes plus affidés. Le cardinal Pile de Prate ou de Prato, archevêque de Ravenne, gouverneur de Corneto, & le cardinal Galiot Tarlat de Pietra-Mala, l'abandonnérent alors, pour aller joindre Clément à Avignon.

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XII.

Promotion de

bain.

Pour remplir dans le facré collége les places des uns & des autres, Urbain fit, le lendemain des Rois 1385, une promotion de dix-fept cardinaux, qui étoient prefque tous Allemands ou Napolitains, afin de fe cardinaux par Urprocurer un appui dans l'une & dans l'autre nation, & particuliérement dans la derniére. Les Allemands qui étoient les trois archevêques électeurs, Adolphe de Mayence, Frederic de Cologne, & Conon de Trèves; les évêques Arnould de Liége, Venceflas de Breslau, & Pierre de Rosemberg, eccléfiaftique de Bohême, d'une noble famille, ne voulu

Niem, c. 44.

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