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Mais, hélas! cette feule reffource qui me restoit pour subsister, m'a cruellement été ravie.

Cet homme ne put achever ces paroles, fans fentir renouveller fon affliction; & il répandit des 1; pleurs en abondance. Don Pablos. en fut attendri, & lui dit : Mon cher Ambrofio, il faut fe confoler de toutes les traverfes qui arrivent dans la vie. Vos larmes font inutiles, elles ne vous feront point retrouver vos doubles piftoles, qui véritablement. font perdues pour vous, fi quelque fripon les pofféde. Mais que fçait-on? Elles peu→ vent être tombées entre les mains d'un homme de bien, qui ne manquera pas de vous les rapporter, dès qu'il apprendra qu'elle font à vous. Elles vous feront donc peutêtre rendues. Vivez dans cette efpérance; & en attendant une ref

titution fi jufte, ajoûta-t-il, en lui donnant dix doublons de ceuxmêmes qui avoient été dans le fac de buffle, prenez ceci & me venez voir dans huit jours. Après lui avoir parlé de cette forte, il lui dit fon nom & fa demeure, & fortit tout confus des remercimens que lui faifoit Ambroife & des bénédictions qu'il en recevoit. Telles font, pour la plûpart, des actions généreufes : on fe garderoit bien de les admirer, fi l'on en pénétroit les motifs.

Au bout de huit jours, Piquillo, qui n'avoit pas oublié ce que Don Pablos lui avoit dit, alla chez lui. Bahabon lui fit un très-bon accueil, & lui dit affectueufement: Mon ami, fur les bons témoignages qui m'ont été rendus de vous, j'ai réfolu de contribuer, autant qu'il me feroit poffible, à vous re

mettre fur pied. J'y veux employer mon crédit & ma bourse.

Pour commencer à rétablir vos affaires, continua-t-il, fçavez-vous ce que j'ai déja fait? Je connois quelques perfonnes de diftinction qui font très-charitables. J'ai été les trouver, & j'ai fi bien fçû leur infpirer de la compaffion pour vous, que j'en ai tiré deux cens écus que je vais vous donner. En même-temps, il entra dans fon cabinet, d'où il fortit un moment après avec un fac de toile, où il avoit mis cette fomme en argent, & non en doublons, de peur que le Bourgeois en recevant de lui tant de double piftoles, ne s'avifât de foupçonner, la vérité. Au lieu que par cette adreffe il parvenoit plus fûrement à fon but, qui étoit de faire la reftitution d'une maniere qui conciliât fa ré

putation avec fa confcience.

Auffi Ambroife étoit-il bien éloigné de penfer que ces écus fuffent de l'argent reftitué. Il les prit de bonne foi pour le produit d'une quête faite en fa faveur, & après avoir remercié de nouveau Don Pablos, il regagna petite falle baffe, en béniffant le Ciel d'avoir trouvé un Cavalier qui s'intéresfoit pour lui fi vive

ment.

la r

fa

Il rencontra le lendemain dans rue un de fes amis, qui n'étoit guére mieux que lui dans fes affaires, & qui lui dit : Je pars dans deux jours pour aller m'embarquer à Cadix, où bientôt un vaiffeau doit mettre à la voile pour la nouvelle Efpagne. Je ne fuis pas content de ma condition dans ce pays ci, & le cœur me dit, que je ferai plus heureux au Me

xique. Je vous confeillerois de m'accompagner, fi vous aviez devant vous cent écus feulement.

Je ne ferois pas en peine d'en avoir deux cens, répondit Piquillo; j'entreprendrois volontiers ce voyage, fi j'étois sûr de gagner ma vie aux Indes. Là-deffus, fon ami lui vanta la fertilité de la nouvelle Espagne, & lui fit envisager tant de moyens de s'y enrichir, qu'Ambrofio fe laiffant perfuader, ne penfa plus qu'à fe préparer à partir avec lui pour Cadix. Mais avant que de quitter Salamanque, il eut foin de faire tenir une lettre à Bahabon, par laquelle il lui mandoit, que trouvant une belle occafion de paffer aux Indes, il vouloit en profiter, pour voir fi la fortune lui feroit plus favorable ailleurs que dans fon pays : Qu'il prenoit la liberté

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