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bleffent perfonne,qui n'intereffent point te qu'on doit le plus refpecter, je les permets, je les approuve, j'en use même quand l'occafion s'en préfente.

FULVIE.

Mais qui m'affurera qu'une raillerie eft innocente ! L'on trouve par tout des gens fi délicats que tout les bleffe, tout les inquiette & les alarme.

URANIE.

Pour ne bleffer perfonne en raillant, il faut que la raillerie foit tournée d'une maniere que ceux qu'on taille en puiffent rire comme les autres. N'écoutez jamais un homme que vous croirez être vôtre amant. L'amour dans fes commencemens fe contente de peu de chofe, tout l'entretien, tout le nourrit. Ne vous flattez point d'une fermeté dont tant de gens on été la duppe. Un homme qu'on fouffre, un homme qui fe voit écouté d'une femme croit être en droit d'en tout efperer. Défiez-vous de vôtre cœur, rien n'échappe plus aifé

ment.

FULVIE.

Je vous paffe les amans, on ne fçauroit

être trop en garde contr'eux, mai Vous me permettrez au moins d'avoir des amis.

URANIE.

Des amis auffi peu, à vôtre âge, Fulvie, & faite comme vous êtes. Soïez perfuadée qu'on n'en a point de quelque état que puiffe être l'ami prétendu tel, de quelque pretexte qu'il fe couvre quelque fageffe, quelque retenue qu'il faffe paroître, une amitié tendre eft toûjours dangereufe. Elle mene d'ordinaire plus loin qu'on n'avoit crû d'abord, c'eft le plus fouvent un amour déguifé. En un mot pour vous dire nettement ce que j'en penfe un ami tendre, fage, & retenu eft bien plus à craindre qu'un amant déclaré.

FULVIE.

Si cela eft ainfi le cœur dans une femme eft de bien peu d'ufage mais au moins ne peut-elle pas accorder fon

eftime ?

URANIE.

On doit encore en cela être fort refervée, il faut ufer d'un grand difcernement, qui donne fon eftime indife

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remment; qui loüe fans choix, fe fait tort à foi-même ; & ne fait honneur à perfonne. Mais il faut être encore plus retenue à blâmer, il y a de l'inhumanité à reprocher les défauts, à infulter aux foibleffes des autres. Elles ne doivent point produire d'autre effet

que

de nous donner du dégoût pour les nôtres, & de nous porter à fes corriger. Ce que je dis, fe doit entendre des défauts qui paroiffent & qu'on ne peut cacher; car pour les fecrets, une perfonne fage ne doit jamais les rechercher. De pareilles enquêtes font toûjours l'effet d'une curiofité maligne. Je dis bien plus, les perfonnes curieufes font prefque toûjours imprudentes, & rien ne fait plus de tort que la reputation d'être indifcrette. Après tout, quelle nous à fçavoir les fecrets d'autrui, & pourquoi fe charger d'un fardeau dont on eft toûjours tenté de fe décharger quoiqu'il en puiffe

utilité trouvons

arriver.

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FULVIE.

Je ne fuis pas naturellement fort cu rieufe; mais il eft des fecrets qu'on nous dit fans qu'on les cherche, & qu'on nous confie pour ainfi dire malgré nous.

URANIE.

Alors il faut bien fe garder de les divulguer. Le filence dans ces occafions doit être ficexact & fi profond, que l'imprudent qui vous a fait confidence du fecret d'autrui doute quelquefois s'il vous en a parlé. Ne fouffrez jamais qu'en vôtre préfence on vous loue des bonnes qualitez que vous n'avez pas. Une louange jufte peut plaire, il eft rare qu'on s'en défende, cependant un efprit bien-fait fera plus attentif à la meriter qu'il ne prendra de plaifir à l'entendre, En general défiez-vous des loüanges une jeune & belle perfonne y eft plus expofée qu'une autre ; mais rien n'eft plus capable de corrompre le cœur, & de gâter l'efprit. C'eft un écueil qu'on ne peut éviter avec trop de foin.

FULVIE.

La beauté eft d'ordinaire ce qu'on loue le plus dans les perfonnes de nôtre Sexe, & c'eft en même tems la chofe dont elles s'occupent le plus, approuveriez-vous les foins qu'on en prend ?

URANIE.

La beauté eft celui de tous les biens

dont les femmes font le plus d'eftime & c'est en même tems le plus fragile. Que d'accidens nous la peuvent ravir fans compter l'âge qui la détruit fans retour. Je ne voudrois pas être laide; mais je ne conviens pas qu'une grande beauté foit un avantage fi eftimable, elle est souvent la proïe d'un heureux temeraire, qui n'a ni merite, ni vertu, il en devient le plus fouvent le tiran, aprés en avoir été l'adorateur. Vous fçavez ce qu'il en coûta à Lucrece pour avoir été belle, & vous n'ignorez peut-être pas que les Hiftoires, qui nous parlent des grandes beautez, nous entretiennent prefque toûjours de leurs malheurs. En effet à quels dangers les belles ne font elles point expofées. Que de combats à foûtenir contre les attaques du dehors & contre elles même, eft-on bien sûre de vaincre toûjours, quand on a fans ceffe à combattre des ennemis qui ne déplaifent pas, & qui ont des intelligences fecrettes dans nôtre cœur. Ah! Fulvie, fi vous que je craindrois pour vous; étiez moins vertueufe. Pour ce qui eft des foins qu'on peut avoir de la beauté, vous êtes faite d'une maniere à n'avoir de long-tems befoin du fecours de

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