FABULLE. Oui, felon vous autres hommes. Mais dites-moi, je vous prie, les hommes ont-ils plus de fanté que les femmes, vivent-ils plus long-tems ? EUGEN K. Quelquefois; mais vous ne pouvez pas nier qu'en géneral les hommes ne foient plus forts & plus robuftes. FABULLE. Il est vrai, mais par cet endroit les chevaux & les taureaux l'emportent fur eux. EUGENE. L'homme a été fait le premier. FA BULLE. Adam a été fait devant JESUSCHRIST; cependant il lui cede en toutes choses. Les premiers Ouvrages même ne font pas les meilleurs, les plus habiles ouvriers ne les regardent que comme des effais des feconds qui valent toujours beaucoup mieux. EUGENE. Mais Dieu a foûmis la femme à l'homme. FABULLE. Combien y a-t-il de Superieurs qui valent moins que ceux qui leurs font foûmis. De plus en general, Dieu n'a point foumis les femmes aux hommes, mais feulement les femmes mariées à leurs maris, & cette dépendance prouve moins l'excellence des derniers que leur ferocité. Ne voit-on pas tous les jours que les plus fages cedent aux plus fous, & au plus emportez: & de bonne foi, Eugene, voudriez-vous foûtenir que ceux à qui l'on cede valent toû jours mieux que ceux qui cedent, EUGENE.. Je vous dirai ce que j'en penfe, quand vous aurez répondu à l'autorité de faint Paul. Vous fçavez, qu'écrivant aux Corinthiens, * il dit que comme JESUS-CHRIST eft le Chef, & la tête de l'homme; l'homme eft le chef de la femme : Que l'homme eft l'image, & la gloire de Dieu. Au lieu * C67, 1, ch. 11. que la femme eft la gloire de l'hom me. FABULLE. Je répondrai à cette difficulté quand' Vous aurez fatisfait à une question, n'y a-t-il que les hommes qui foient les membres de JESUS-CHRIST ? EUGENE. Tous les Chrétiens ont cet avantage de quelque fexe, & de quelque condition: qu'ils puiffent être. FABULLE.. Si les femmes, font les membres de JESUS-CHRIST auffi bien que les hommes, il eft conftant qu'il n'eft pas moins leur Chef qu'il l'eft des hom→ mes. De plus lorfque Dieu fit l'hom me à fa reffemblance mit - il cette: reffemblance dans le corps ou dans Fefprit ? EUGENE. Nous ne reffemblons point à Dieu par le corps, puifqu'il n'en a point; il n'y a que l'ame qui porte fon image, fon caractere.. & FABULLE. Fort bien ; mais de ce côté là, qui a F'avantage des hommes ou des femmes ? Sont-elles ou moins raifonnables ou moins vertueufes ? Voit-on parmi elles, comme parmi les hommes des ivrogneries, des combats, des meurtres, des affaffinats volent-elles fur les grands chemins, mettent-elles tout à feu & à fang, & ces débauches outrées qui deshonnorent la nature en même tems qu'elles la détruifent, qui en eft coupable, font-ce les femmes ou les hom mes ? EUGENE. Cependant il n'y a que les hommes qui défendent la Patrie, & qui combattent pour elle, où en feriez-vous fi lorf qu'un puiffant ennemi vient l'attaquer, ils ne vous faifoient pas un rampart de leurs corps avec toutes vos vertus que deviendroit vôtre honneur & vôtre vie, à quelles miferes, à quelles calamitez ne feriez-vous point expofées, fi les hommes ne vous défendoient pas au dépens de leur fang, & souvent même de leur vie 2 FABULLE. Ne vous vantez point tant, vous ne faites que nous rendre ce que vous avez reçû de nous quand nous vous avons donné la vie. Ĉar je voudrois bien fçavoir combien il y a d'hommes qui combattent dans une bataille; les uns font à la garde du bagage, les autres à Farriere garde ou au corps de referve, fes uns s'enfuïent, d'autres fe rendent. Pour nous quand il s'agit de vous mettre au monde, quelles douleurs ne nous faut-il point fouffrir? Qui nous foulage: dans ces occafions qui partage nos maux ? Combien de fois fommes-nous aux prifes avec la mort, combien de fois fe préfente-t'elle à nous avec toutes fes horreurs, avec tout ce qu'elle a de plus terrible, & de plus éfraïant ; & tout cela pour conferver, pour perpetuer le genre humain & non pas pour le détruire comme vous faites le plus fouvent. Voilà ce qui s'appelle aimer, fervir, & conferver la Patrie. Mais pour vous autres hommes, c'eft bien moins l'amour que vous avez pour elle, que l'avarice, l'ambition, & le libertinage qui vous portent à aller à la guerre. Pour une païe très modique, |