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moi vous fçavez que j'aime à m'inftruire, & vous avez pû remarquer que les veritez utiles m'ont toûjours fait plaifir. D'ailleurs le monde eft un païs que je ne connois point, ou que je ne connois pas affez; je fuis à la veille d'y entrer, j'ai besoin de regles pour m'y conduire, à qui pourrois-je mieux m'addreffer qu'à vous ? Vous y avez toûjours vêcu d'une maniere qui vous a acquis l'eftime & l'amitié de tout le monde; vous m'aimez, & la tendreffe que j'ai pour vous, ne vous doit pas permettre de m'abandonner à moi-même.

URANIE.

Vous me prenez par: mon foible, Fulvie, je ne puis rien refufer à une amitié qui m'eft auffi chere que la vôtre & je vous fatisferai d'autant plus volontiers que je fuis sûre que je ne vous dirai rien qu'une heureuse naissance n'ait déja prévenu dans vôtre cœur. Affez de gens s'emprefferont à vous plaire, & à. vous réjouir perfonne ne penfera à vous inftruire.

FULVIE.

J'en fuis très-perfuadée & c'est cela même qui m'oblige à vous demander

ce que je ne puis mieux apprendre que d'une amie fage & qui s'intereffe fincerement à ce qui me peut rendre heureuse.

URANIE.

Puifque vous le voulez, je vous dirai que j'airemarqué que naturellement vous êtes gaie. Je ne défapprouve point cette humeur, il ne fied point à feize ans d'être trifte & rêveufe, c'eft un âge où tout porte à la joïe & au plaifir; mais fi vous voulez être long-tems heureuse, n'aimez que les plaifirs innocens, foïez toûjours en garde contre tout ce qui peut corrompre la pureté des mœurs. La délicateffe fur un point fi importane ne fçauroit aller trop foin.

FULVIE.

Mais me croïez- vous affez habile pour diftinguer toûjours ce qui est innocent d'avec ce qui ne l'eft pas ?

URANIE.

Le fang dont vous fortez vous in ftruira fur cela mieux que je ne pourrois faire. Les perfonnes de vôtre naiffance ont toûjours un grand fonds d'honneur, Vous n'avez qu'à le confulter c'eft un

maître fevere qui n'accorde point de difpenfe, c'eft un juge rigoureux qui condamne jufques aux moindres apparences. Ne nous en plaignons pas, nôtre reputation y eft attachée, les hommes ne jugent guéres du fonds des chofes, ils faififfent toûjours ce qui paroit ce qui frappe leurs yeux, c'eft fur quoi ils décident.

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FULVIE.

N'eft-t-on pas bien fujet à fe trompèr quand on juge ainfi fur les apparences? J'ai toujours oui dire qu'il n'y avoit rien de plus trompeur.

URANIE,

On s'y trompe affez fouvent, mais que les jugemens fondez fur ce qui paroît foient vrais ou faux l'honneur en dépend, c'eft ce qui nous oblige à ni pas donner lieu.

FULVIE.

Cela eft un peu gênant, mais enfin ję conviens qu'il s'y faut affujettix,

URANIE,

Je voudrois que dans les converfa tions on évitât également l'enflûre & la

baffeffe des termes,qu'on ne donnâtpoint dans ces mots affectez & choifis dont tant de femmes fe piquent de parer tout ce qu'elles difent, qu'une noble fimplicité fit tout l'ornement de nos difcours. Qu'en un mot on en usât à peu près comme dans les habits. Une propreté bien entendue fied beaucoup mieux qu'une parure exceffive.

FULVIE.

Mais quoi voudriez vous qu'une femme fçavante, une femme bel efprit fût réduite aux termes fimples comme les femmes du commun ?

URANIE.

Convient-il à une femme de fe piquer d'être fçavante ? Mais quand on lui pourroit paffer la fcience, fied-t-il bien d'affecter de la paroître, ou plûtôt l'affectation des termes ne fait-elle pas voir plus de vanité que de fcience?

FULVIE.

Elles ne le croient pas ainfi.

URANIE.

Tant pis, ce n'eft pas la feule chofe où elles fe trompent, je voudrois enco

re bannir de la converfation ces médi fances, ces traits piquans qui vont jufques au cœur, ne fçauroit-on fe réjouir fans déchirer impitoïablement le prochain? Quel perfonnage pour une femme que celui de difeufe de bons mots. Sur tout point de railleries aux dépens de la pudeur, comme les paroles font ainfi dire les images de la penfée, que n'eft-on point en droit de croire d'une femme qui fe ménage fi mal, quel jugement ne peut-on point faire de fon efprit & de fon cœur ?

FULVIE.

pour

Si vous en étiez crûë, l'on banniroit donc la raillerie de toutes les converfa→ tions?

URANIE.

Je ne fuis nifi fevere, ni fi peu raionnable. Je blâme la licence, je veux de la retenue, mais je n'approuverois pas cette referve fcrupuleufe qui s'allarme de tout ce qu'on dit, qui foupçonne du myftere, des doubles fens dans les railleries les plus innocentes, qui fe retranche au moindre mot dans un férieux capable de tarir la conversation la plus vive. Il y a des railleries qui ne

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