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né contribuent pas peu à établir la bonne intelligence entre un mari & une femme. Puifque cela est ainsi, il ne faut plus penfer à vous féparer de lui.

XANTIPE.

J'y ai fouvent pensé, & je crois qu'à la fin il y faudra venir.

EULALI ET

Gardez-vous-en bien ; & fi cette pensée vous revient jamais, faites en même tems refléxion,combien une femme qui quitte fon mari perd de fa réputation, qu'elle devient d'autant plus méprifable, qu'elle eft hors de fon état ; que la nature, les loix, Dieu enfin, veulent que nous forons foûmifes à nos maris, & que nous fupportions leurs défauts comme ils excufent les nêtres; penfez enfuite à vos enfans, à ces gages qui vous doivent être fi chers, & dont vous devez un compte fi exact à Dieu, à l'Etat, & à vôtre famille. Si vous vous fépariez de vôtre mari, que déviendroient-ils ? Les prendrez-vous avec vous ? Mais ce feroit ravir à vôtre mari ce qui doit lui être le plus cher. Les abandonnerez-vous ? Vous priverez-vous d'une partie de

vous-même ferez-vous > ce que les bêtes les plus farouches n'ont jamais fait? Voïez avec quel foin elles élevent leurs petits, avec quelle ardeur elles les défendent, jufques à perdre fouvent la vie pour la leur conferver; en un mot n'avez-vous perfonne qui vous veüille du mal ?

XANTIRE.

J'ai une belle mere & une belle fou qui ne me veulent point de bien..

EULALIE.

Vous haïffent-elles ?

XANTIPE..

Elles voudroient me voir morte..

EULALIE..

C'eft encore à quoi vous devez pen. fer. Quelle joïe pour elles de pouvoir juftifier leur haine, de yous voir abandonnée, défolée,fans appui, fans refource; en un mot, veuve, & pis que veuve ;* car enfin une veuve peut le remarier

XANTI PE..

?

Vos avis font bons; mais quel'tems, quel travail ne faudra-t-il point pour

én recueillir le fruit, cela m'éffraïe, & me dégoûte, je ne me fens pas la force de l'entreprendre.

EULALIE.

Je vous ai vû apprendre à parler à vôtre Perroquet, quel tems n'y avez vous pas emploïé, quel travail ?

XANTIPE.

Cela eft vrai

EULALIE.

Et vous plaindrez le tems & la peine que vous prendrez pour vous former un mari commode, avec lequel vous puiffiez paffer vôtre vie agréablement ?

XANTIPE

M'y voilà resoluë, mais en un moť faut-il faire ?

que

EULALIE.

Je vous l'ai déja dit; aïez grand foin de vôtre ménage, faites enforte que tout y foit regle, propre, rangé de la maniere qui plaît le plus à vôtre mari; afin que n'y aïant rien qui le choque, ne foit pas obligé de quitter fa maifon pour s'aller divertir ailleurs. Soïez à

il

ca

fon égard douce, complaifante, reffante, enforte pourtant que vous n'oubliez jamais le refpect qu'une horrnête femme doit toûjours à fon mari. Ne foïez, ni trifte, ni negligée, mais n'aïez point non plus ces affectations ridicules, ces joïes outrées ; en un mot, ces manieres qui conviennent mieux à une courtifanne qu'à une femme, que la retenue, & la pudeur doivent toû jours accompagner. Vôtre mari aime le plaifir & la bonne chere; faites enforte qu'il trouve tout cela chez-lui. Faites-même quelque chofe de plus, tâchez d'aimer tout ce qu'il aime, recevez-bien fes amis, invitez-les fouvent à manger, faites leur bonne chere ; j'a voüe, que la dépenfe en fera plus grande, mais outre qu'elle fera beaucoup moindre que celle qu'il feroit hors de chez lui, vous gagnerez vôtre mari vous vous l'attacherez & vous le corrigerez, de ce qu'il pourroit y avoir de trop & de blâmable dans fa conduite. Car enfin ne doutez point qu'il ne faffe un jour ces réflexions, ( & ce jour n'eft peut-être pas éloigné,) ne fuis-je pas bien fol, & bien malheureux? Je me perds de réputation, je me ruine, je détruits ma fanté j'abrege ma vie

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par mes excez, & par mes débauches pendant que je puis vivre chez-moi heureux content & qu'il ne tient qu'à moi, d'y goûter des plaifirs purs & innocens. Čes refléxions purement bumaines en ameneront d'autres plus chrétiennes ; en un mot, ma chere Xantipe, la paix, la douceur, une liberté honnête regneront enfin chez vous. Alors vous connoîtrez, que ces biens ne le peuvent trop acheter & vous vous repentirez même d'avoir tant tardé à vous les procurer.

XANTIPE

Mais, croïez-vous tout de bon. je réüffiffe fi je l'entreprends ?

EULALIE.

que

Je vous en réponds, bien plus, je prétends vous aider; vôtre mari vient me voir quelquefois, je lui dirai ce qu'il lui faut dire.

XANTIPE.

Vous me ferez plaifir; mais prenez garde au moins de ne lui rien faire connoître de ce que je vous ai dit ; ce seroit tout gâter.

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