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rance, & en priant Dieu qu'il foit luimême leur confolation & leur force.

XVIII.

Si les maux corporels ne caufoient la mort qu'au corps, il feroit peut être permis de n'en point avoir de compaffion; mais comme ils donnent lieu à une infinité de tentations qui peuvent jetter l'ame dans l'impatience & le murmure, & la perdre entierement, cela en fait un juste sujet de nos gemiffemens & de nos larmes. Une vive douleur eft capable d'occuper tellement l'efprit, qu'il en oublie la priere, les bonnes œuvres & tous fes devoirs. Les personnes imparfaites, dédicates, lâches & pareffeufes, le deviennent encore plus quand elles font malades, & fe laiffent aller plus hardiment à tous les defirs de leur cœur. Ceux mêmes qui ont de la vertu, peuvent s'affoiblir& s'ennuyer quand leurs fouffrances font longues & violentes. Enfin fi on ne peut regarder fans compaffion le fupplice d'un miferable qui fouffre la jufte peine de fes crimes, on doit regarder avec une femblable com. paffion les malades, comme des crimi

nels réduits en cet état par la juftice de Dieu, quoiqu'elle ne leur faffe fouffrir que les peines qu'ils ont me

ritées.

XIX.

La même loi de charité qui enga⇒ ge à les foulager par les remedes de la medecine, engage auffi d'autant plus à leur témoigner qu'on reffent leurs maux, qu'on y prend part, & qu'on veut fincerement les fecourir; qu'ils defirent ces témoignages d'affection & que cela les foulage même beaucoup; car il femble qu'ils ne fentent pas tant leurs maux, quand ils voyent que les autres les fentent auffi; & leur croix au contraire leur eft plus pefante quand ils la portent feuls: c'eft pourquoi ceux qui font dans quelque grande affliction, fe plaignent comme d'un grand mal, de ce que perfonne ne les plaint; ils cherchent un ami qui les confole, & ils fe réjouiffent quand ils le trouvent. Jefus-Chrift même a bien voulu prendre & exprimer leurs fentimens dans les pfeaumes, où il met entre les plus fâcheufes circonstances de fa paffion, de n'avoir trouvé perfonne qui le confolât, ni qui prît part à

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fes peines, quoiqu'il le fouhaitât, & qu'il attendît ce foulagement. Puis donc qu'il a autorifé par fes paroles la difpofition de ceux qui le desirent, & condamné la dureté de ceux qui le refufent; il faut s'accommoder à l'une & éviter l'autre, en témoignant aux affligez la compaffion dont ils ont befoin.

X X.

Mais afin qu'on n'abuse pas de cette regle, il eft à propos d'expliquer plus particulierement les circonstances & les manieres dans lefquelles on doit l'observer.

19. Il faut que la compaffion foit fincere & veritable, & qu'elle ne reffemble à celle des pas du monde, qui en font d'autant plus paroître au dehors, qu'ils en ont moins dans le

cœur.

gens

29. Il faut éviter de témoigner une grande compaffion pour de petits maux; parce que cela ne vient que d'une affection aveugle & déreglée, ou d'un efprit hypocrite & flateur. Si les malades le prennent autrement, on les trompe; & s'ils connoiffent que nos fentimens interieurs ne correfpondent

pas à ces marques exterieures, cela leur infpire du mépris & de l'indigna

tion même contre nous.

39. Il ne faut pas s'ingerer de témoigner de la compaffion aux affligez & aux malades,quand il n'eft pas permis de les vifiter, ni de les entretenir:toute la compaffion doit alors être renfermée dans le cœur, & s'employer principalement auprès de Dieu, ou de quelques perfonnes en faveur de celle à qui on ne peut rendre d'autre fervice. Cette regle eft neceffaire dans les communautez pour empêcher la confufion, qui fans cela y cauferoit de grands defordres ; car outre l'obligation qu'on a d'y garder l'ordre & le filence, fi chacun s'empreffoit ou prenoit la liberté de témoigner fa douleur aux malades, ou aux affligez, ce feroit ce qui en feroit paroître une plus grande; & il arriveroit fouvent dans ces maifons, auffi bien que dans le monde, que ceux qui feroient le moins touchez, paroîtroient l'être davantage.

XX I.

4. Il eft furtout très-important que les fuperieurs & ceux qui font dans

les premieres charges ne fouffrent pas que les particuliers fe mêlent de parler de ce qui regarde les malades, qu'ils leur témoignent combien ils font touchez de leurs maux; car fi on ne s'oppofe à ce defordre, il arrivera fans doute que ceux qui ont beaucoup de tendresse, la feront paroître le plus qu'ils pourront, & croiront même que ceux qui n'en témoignent pas tant, manquent de charité. Ces flateries déplaifent affez aux fuperieurs, mais s'ils ne les condamnent & ne les éloignent fortement; & fi au lieu de les permettre ou de les tolerer, ils n'employent les plus grandes rigueurs pour en arrêter le cours, les particuliers prendront leur peu de réfiftance pour un confentement tacite, & chacun croira fuivre leur intention en paroiffantfort affectif & fort tendre.

XXII.

Il faut donc couper les racines de toutes les flateries, complaifances & attaches humaines, & que pour les retrancher entierement, les fuperieurs ne fouffrent dans les particuliers qu'une compaffion raifonnable & fpiri

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