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paffionnées qui ont des vuides infinis à remplir, parce qu'il faut remplir dans leur cœur toute la place que Dieu y tiendroit, s'ils avoient pour lui l'amour & la confideration qu'il exige d'eux.

IV.

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Enfin, faint Auguftin entend par le mot de monde, tous ceux qui aiment les creatures, qui fervent le monde qui fuivent fes maximes & fes pratiques, qui défendent fes interêts, qui fe confient en fes promeffes, qui cherchent fes faux biens, & qui vivent de fon efprit.

L'ancien & le nouveau teftament nous commandent de fuir ces fortes de perfonnes, & la neceffité de cette féparation eft fondée fur l'extrême danger où fe trouvent les foibles de fe corrompre quand ils font exposez à un air contagieux. Il eft très-difficile de demeurer long-tems parmi des peftiferez fans contracter leur maladie ; mais la pefte qui corrompt les ames eft infiniment plus dangereufe que celle du corps. On fe porte naturellement à vivre comme on voit vivre les autres l'exemple de ceux avec qui

,

hous converfons & qui font nos amis, nous accoutume à leurs déreglemens & nous les fait aimer. Les vices font des monftres que nous ne voions avec horreur que quand ils font éloignez; mais fi nous les laiffons approcher, ils charment nos yeux : & ne paroiffant plus ce qu'ils font, ils ont affez d'agrément pour nous plaire jufqu'à occuper nos fens, & à fe rendre enfin par tous ces degrez les maîtres de notre cœur. C'eft pourquoi fi nous voulons les vaincre, il faut les combattre de loin, & mettre, s'il fe peut, un grand efpace entre nous & eux. Il ne fe faut jamais trouver avec les amateurs du monde, dont la feule vûe & encore plus la converfation eft capable d'exciter en nous tout ce que nous a vons de corrompu; car nous fommes très-difpofez à recevoir les impreffions du peché; & nos fens, notre imagination, toutes les puiffances de notre ame font autant de canaux par où toute forte d'iniquitez fe coulent & s'infinuent dans le fond de notre cœur; tous les mauvais difcours que nous entendons & toutes les actions dére glées que nous voions produifent de pernicieux effets dans notre ame. C'est

pourquoi l'unique moien d'empêcher que les perfonnes corrompues ne nous corrompent, eft de nous en féparer autant que nous le pouvons.

ས.

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Il eft certain que pour être chrétien il faut avoir le cœur éloigné du monde, en hair les maximes, & en éviter les défordres; mais cela ne nous oblige pas de vivre dans le défert. Saint Paul déclare aux Corinthiens, que quand il leur a commandé de n'avoir point de commerce avec de certains pecheurs, il ne leur a point parlé des paiens; parce que le monde en étant alors rempli, il auroit fallu en fortir & renoncer entierement à la vie civile, pour n'avoir, point de commerce avec eux. Or ce que l'Apôtre dit du monde paien, nous le pouvons dire maintenant du commun des chrétiens qui font devenus paiens eux-mêmes. Il nous eft permis de trafiquer avec eux, de les fervir, de leur commander, de nous emploier à leurs affaires, de leur donner le foin des nôtres, de les voir & de converfer avec eux autant qu'il est néceffaire pour tous

tes divers befoins. Mais il faut en cela observer la regle que le même faint Paul prefcrit aux premiers chrétiens, de communiquer en telle forte avec les perfonnes du monde, que nous en demeurions féparez d'efprit, & que nous ne prenions aucune part à leurs œuvres infructueufes de tenebres; c'està-dire à leurs pechez; il faut que, loin de marcher avec eux dans la voie large, nous condamnions leur conduite & leurs mœurs par la pureté de notre vie, & même en de certaines occafions par nos paroles.

V I.

Saint Paul explique encore plus particulierement cette verité, quand il ordonne aux femmes chrétiennes de demeurer avec leurs maris, quoiqu'ils foient ennemis de Jefus-Chrift; & aux ferviteurs chrétiens, de ne point quitter leurs maîtres, quoiqu'ils foient infideles & idolâtres: car cela nous apprend à ne fortir pas de notre état fans de grandes raifons, & à nous foumettre à l'ordre commun du monde, quand il n'eft pas contraire à celui de Dieu, puifqu'il n'y a point de peché

à demeurer dans un lieu d'où l'on në peut fe retirer. Mais quelque grande que foit la néceffité qui nous contraine d'habiter avec les pecheurs; & quelque puiffance qu'ils aient fur nous, nous fommes obligez de ne leur en donner aucune fur notre ame. Nous devons nous féparer d'eux en efprit, & réfifter à leurs violences ou à leurs flateries, quand ils s'en fervent pour nous porter au peché : nous devons d'autant moins nous laiffer jamais aller à faire aucun mal pour leur plaire, ou de peur de les irriter; que felon la parole de faint Pierre, il faut plutôt obeïr à Dieu qu'aux hommes. Enfin nous devons veiller avec tant de foin fur nous-mêmes, que nous évitions les pernicieux effets de leurs mauvais exemples, auffi-bien que travailler à obtenir de Dieu leur converfion par nos gémiffemens & par nos prieres jointes à la pureté de notre conduite; & nous fouvenir que fi nous fommes contraints de demeurer avec eux, il n'y a jamais aucune néceffité, de les fuivre dans leurs défordres, puifque la feule néceffité d'un chrétien eft de s'abftenir de tout peché,

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