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tuelle, qui ne confifte point en paro les, mais en des fentimens fecrets, & dans le foin de recommander à Dieu, les malades & les affligez: il ne faut pas même permettre à ceux qu'on employe à les fecourir, d'exagerer leurs maux, & de fe répandre en des difcours de tendreffe, mais les avertir d'éviter tous ces amusemens, & de ne. s'appliquer qu'à leur devoir; car cela eft également neceffaire, & aux fuperieurs mêmes, & aux autres. Aux fuperieurs, parce qu'ils doivent fe croire capables de fe laiffer flater; & aux autres, pour les délivrer entierement de cette mauvaife inclination.

XXIIL

Dans les états feculiers le falut du peuple eft la fouveraine loi du gouvernement, & on y rapporte toutes chofes; c'eft pourquoi quand il s'agit du bien public,on punit les coupables, fans aucune compaffion : & cette rigueur eft neceffaire. pour tenir tout le monde dans fon devoir. Au jour d'une bataille on voit tomber à fes pieds fon parent, fon frere, fon ami, fans qu'on s'y arrête un moment, ni qu'on

&c. III témoigne en être touché ; parce qu'alors il ne s'agit que de combattre les ennemis : & on ne fauroit ceffer un moment fans tout perdre.

XXIV.

C'eft la conduite qu'on doit tenir inviolablement dans les communautez, où on doit avoir toujours en vûe de garder la regle avec une entiere exactitude, & où chaque particulier doit être tellement appliqué à ce feul ouvrage, qu'il n'y manque jamais fous prétexte de témoigner de la compasfion aux autres : ce n'eft pas qu'il n'en faille avoir pour tous les affligez, & principalement pour les malades; mais il ne faut pas quitter fon travail, ni rompre le filence pour la leur marquer. Les particuliers doivent fe contenter de la répandre devant Dieu dans les prieres qu'ils lui offriront pour eux, & fe repofer du refte fur les fuperieurs, & fur ceux qui font chargez envers les perfonnes indifpofées, de la charité dont tous les autres leur font redevables. Ces perfonnes doivent elles-mêmes être bien-aifes que leurs incommoditez & leurs befoins ne troublent

en rien l'ordre & la difcipline de lamaifon; & que fous prétexte de leur marquer de la tendreffe aucun ne fe relâche, ni ne fe laiffe aller à des amufemens inutiles.

XX V.

Comme cela n'empêche pas qu'on ne doive une veritable compaffion aux malades, autant dans les communautez qu'ailleurs, on en doit auffi une entiere partout à ceux qui font affli-, gez d'autres maux. Quoique la pauvreté foit un grand bien pour ceux qui l'aiment, c'est une grande tentation pour ceux qui ont peu de vertu.

Il faut donc craindre pour nos freres quand ils font dans cette épreuve, & faire tout ce qu'on peut pour les foulager par des inftructions, par des marques de compaffion, & par des aumônes. Il faut porter avec eux une partie de leur croix, afin que la reste leur pefe moins : & confiderer qu'il n'y a tant de mauvais pauvres, qu'à caufe qu'il y a une infinité de mauvais riches. L'impatience des uns venant principalement de la dureté des autres,nous fe rions de ces mauvais riches,fi nous n'a

vions une entiere compaffion pour ceux qui manquent de tout, & fi elle ne nous portoit à nous acquitter de notre devoir à leur égard.

XXVI.

On compte pour rien les mépris & les injures des hommes quand on a l'humilité de Jefus-Chrift dans le cœur, mais comme cette vertu eft très-rare, les injures & les mépris font pour l'ordinaire de très-grandes tentations, & ont des fuites très-funeftes: car de-là naiffent les haines, les querelles, les procès, les meurtres & tant d'autres crimes; & on doit être touché d'une extrême compaflion pour ceux qui font expofez à ces dangers.

Lorfqu'on voit un homme prêt de s'empoifonner, ce feroit une extrême dureté de ne pas faire tout fon poffible pour l'en empêcher, & pour lui arracher même le poifon d'entre les mains. Or les injures font, pour la plupart des hommes, un poifon qui leur caufe la mort par la paffion qui les porte à s'en venger, ou au moins la haipar ne qu'ils conçoivent contre ceux qui les maltraitent. Lors donc qu'on les Tome 11.

K

voit dans une fi pernicieufe difpofition, il n'y a rien qu'il ne faille faire pour y remedier: & dequoi eft-on capable fi on ne fe rend fenfible à leurs maux, & fi on n'a une compaffion proportionnée à leur peril?

XXVII.

Quant aux maux fpirituels de nos freres, il eft certain qu'on ne fçauroit les regarder avec indifference, ni manquer de les fecourir, fans violer les plus importantes & indifpenfables loix de la charité. Jefus-Chrift fouffre encore de la part de tous ceux qui profanent fes mysteres, fa parole & fon nom,& qui foulent fon fang aux pieds. C'est la vue de ces pecheurs qui lui fit dire autrefois que fon ame étoit trifte jufqu'à la mort, & elle contribua plus que celle de fes douleurs futures à l'agonie, qui fit alors fortir de fon corps une fueur de fang. Si nous entrons veritablement dans fes interêts, nous devons être touchez auffi bien que lui de tant de crimes qui fe commettent tous les jours; & fi nous y fommes infenfibles, nous avons fujet de craindre que nous ne foyons très

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