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XIII.

Lorfque nous agiffons par notre propre fonds & fans réflexion, nous agiffons d'une maniere déreglée; nos ouvrages alors font toujours des productions de tenebres, & des fruits d'une terre de malediction. Nous devons donc autant de fois que l'occafion d'agir fe préfente, arrêter toute notre activité humaine, & ne nous empreffer de rien; ne nous laiffer jamais emporter par les objets qui s'offrent à nous; nous retirer dans quelque azile où nous foyons à couvert des tempêtes de nos paffions; ne nous laiffer point entraîner par les mouvemens de notre amour propre, & demeurer fermes & ftables dans une parfaite paix.

XIV.

Pour peu que nous foyons perfuadez que nous n'avons hérité de nos premiers peres, que l'ignorance & la corruption, & que nous fommes dans de profondes tenebres, nous n'entreprendrons point de nous conduire nous-mêmes, quelque aifé & commo

Exod. 28. 15.

Exod.

28. 30.

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de que paroiffe le chemin à notre faus– fe prudence. Si nous connoiffions quelle eft notre paralyfie pour les bonnes œuvres nous n'entreprendrions jamais rien par notre propre efprit ; nous nous donnerions le loifir de confulter la fouveraine verité, la justice de Dieu, fa volonté, fa mifericorde ; nous nous adrefferions à fon efprit ; nous le prierions de nous éclairer, de nous fecourir, de nous donner des forces, de nous faire agir; & fi norre priere étoit accompagnée de confiance & de perfeverance, elle feroit exau

cée.

XV.

Le grand prêtre des Ifraelites, lorfqu'il entroit dans le fanctuaire pour y exercer les fonctions de fon miniftere, portoit fur fon cœur, ce ce que l'Ecriture appelle, Rationale judicii; les noms des enfans d'Ifrael étoient écrits fur ce rational du jugement; il y avoit quatre rangs de pierres précieuses, & ces deux mots: Doctrine & verité y étoient gravez. Le rational du jugement eft la figure de ce qui eft en nous capable de raifonner, de difcerner le bien d'avec le mal, de choifir ce qui nous eft

utile, & de fuir ce qui nous peut être pernicieux. Quand nous le tenons expofé à l'air corrompu du monde, il perd bien-tôt toute fa beauté. Pour peu que nous nous laiffions aller aux coûtumes & aux maximes du ficcle notre raison fe change bien tôt en folie; nous jugeons alors de toutes chofes par notre propre inclination, & nous tombons neceffairement dans l'illufion & dans l'erreur.

XVI.

Que devons-nous donc faire? Il faut que nous gravions fur notre cœur le nom de tous nos freres; c'est-a-dire que la charité nous faffe comprendre que nous leur fommes redevables de tous les bons offices que nous pouvons exercer envers eux; que nous devons les aider dans tous leurs befoins fpirituels & temporels ; que nous devons porter avec une patience invincible toutes leurs foibleffes, & furmonter le mal par le bien de la patience & de la charité. Nous devons demander à Dieu des yeux de charité, qui nous faffent voir Jefus-Chrift dans les pauvres, & qui nous donnent pour leurs miferes

les mêmes fentimens que nous aurions pour le Fils de Dieu, fi nous le voyions dans l'état de fouffrance où ils font. Nous devons demander un cœur de charité, qui n'ait de pente que pour vifiter, affifter & nourrir les pauvres, & qui veille fi attentivement à leurs befoins, qu'il ne manque aucune occafion de les fecourir: enfin nous devons demander l'humilité de la charité qui nous empêche de nous attribuer les dons de Dieu, & qui nous porte à lui donner toute la gloire du bien qui eft en nous.

XVII.

Il faut auffi avoir un grand foin de graver au lieu le plus élevé de ce rationnal ces deux mots, la lumiere & la perfection; auffi-bien qu'imprimer fur notre ame un cachet qui en efface toute autre image, & qui y marque.le nom & la fainteté de Jefus-Chrift; car il eft feul le vrai foleil de juftice, qui rend nos vertus & nos cœurs dignes de lui, en les éclairant de fa lumiere. XVIII.

Que fi la lumiere de Jefus Chrift

Roma

eft veritablement en nous, elle nous le fera choifir pour être notre raifon, & nous portera à le prier de faire luimême toutes les réflexions & tous les difcernemens qui nous font neceffaires pour fuir avec fimplicité les moindres 16. 19. apparences du mal; & pour embraf- 1. Thef fer avec prudence le bien folide & ve- 5. 21. ritable. Comme le Fils de Dieu étant dans le monde, a toujours executé avec une parfaite fidelité la volonté de fon Pere, & qu'il n'a point agi par lui-même ; nous fommes auffi obligez de veiller tellement fur nos devoirs que nous ne penfions qu'à accomplir les deffeins de Dieu fur nous, & que nous foyons dans fes mains comme des inftrumens inanimez, dans celles de l'ouvrier. C'eft dans cette difpofi- S: Aug. tion qu'on peut dire à Dieu. Da quod jubes, & jube quod vis: Donnez-nouse. 29. la grace d'accomplir ce que vous nous commandez; & commandez-nous ce que vous voudrez.

XIX:

Si nous prétendons à la qualité d'enfans de Dieu; fi nous voulons l'avoir pour Pere; fi nous defirons faire un même corps avec Jefus-Chrift, il faut

lib. 10. Confeff.

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