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leur ôter la paix qui eft un fondement fans lequel nous ne pouvons bâtir de maifon à Jefus-Chrift, ni l'obliger de faire fa demeure dans notre cœur.

Ce n'eft pas affez d'avoir pour regle en general l'Evangile, mais on a befoin d'une intelligence de grace, qui en tire des veritez particulieres pour regler jufqu'aux moindres de nos actions. Il n'y a point de chrétien qui n'admire les principes de la morale de l'Evangile; mais il y en a très-peu qui fe les appliquent en particulier. Nous fçavons qu'il n'y a qu'une feule chose néceffaire, qui doit occuper notre efprit, notre cœur & nos mains ; mais qui de nous a tout le foin qu'il doit avoir pour veiller fur fes penfées, fur fes defirs, fur fes paroles, fur fes actions? Qui de nous a affez de difcernement pour y diftinguer ce qu'il y a de bon & de mauvais, & la force néceffaire pour retrancher jufqu'au vif tout ce qu'on y reconnoît de gâté de corrompu & d'inutile? on

On blâme avec juftice ceux qui font de grandes dépenfes pour leur divertiffement & pour contenter leur fantaifie & une vaine curiofité: on leur confeilleroit d'employer à racheter Tome II.

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leurs pechez, l'argent dont ils font un fi mauvais ufage. Mais fi ces perfonnes vouloient nous écouter, nous ferions obligez d'étendre cette regle plus loin, de la faire defcendre dans le particulier, & jufqu'à leur ordonner de ne faire aucune dépenfe en des chofes mêmes de peu de conféquence, lorsqu'elles font inutiles.

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Les riches font de grandes injuftices aux pauvres, quand ils fe mettent hors d'état de les affifter, en confumant leurs biens en mille fuperfluitez; mais lorfque ces dépenfes inutiles font mediocres, & ne les empêchent que faire leurs aumônes auffi abondantes qu'elles le devroient être, ils ne laiffent pas de pecher contre la charité & la justice, dont ils font redevables à leurs freres. Cependant, qui de nous veille exactement fur cette regle? On achete des tableaux, des bijoux des bagatelles qui ne fervent de rien; & on fe croit affez juftifié quand on dit que cela ne coûte gueres: on fe diffimule à foi-même, que l'Evangile défend en general toutes les inutilitez, foit qu'elles coutent peu, ou qu'elles coûtent beaucoup ; mais malheur à ceux qui s'aveuglent jufqu'à ne pas II GMT

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voir que le fuperflu, grand, ou petit, appartient aux pauvres. L'Evangile ne condamne pas feulement les menfonges, les parjures, les médifances, mais encore les moindres paroles inutiles: nous devons juger le même de tout le refte de nos actions, & reconnoître que nous rendrons compte de nos vifites, de nos promenades, de nos joies, de nos trifteffes toutes humaines, & en general de tout ce qui étant fait par cupidité, ne peut être rapporté à Dieu.

Il y a affez de gens qui jeûnent par avarice, ou pour conferver leur fanté : mais il eft rare de trouver des gens qui jeûnent pour faire l'aumône aux pauvres, quoique ce foit une des raifons de l'inftitution des jeûnes, qui ont été établis en partie pour donner lieu aux fideles d'épargner par leur abftinence, dequoi donner plus abondamment à ceux qui en ont befoin.

Nous devons fuppofer que tout ce que nous avons eft à Dieu. Le tems de notre vie ne nous eft donné qu'afin que nous l'appliquions tout entier à fon fervice. Tout le tems que nous employons à quelque autre chofe eft perdu pour nous, & marque notre ne• Nij

gligence pour le fervice de notre fouverain maître. Ce que nous donnons de trop au fommeil, aux conversations, aux lectures inutiles, à écrire des lettres, à des divertissemens, à des affaires non nécessaires, à de vaines curiofitez & à tout autre amusement nous accufe au tribunal de Dieu.

Rien n'eft fi précieux que le tems,' puifque fi nous l'employions, comme Dieu nous l'ordonne, à la penitence & aux bonnes œuvres, il n'y a point de graces, que nous ne puiffions obtenir. Combien donc fommes-nous coupables, & quel eft notre aveuglement de laiffer écouler nos jours d'une maniere fi fterile, lorfque nous les pouvons employer aux ouvrages de Dieu & de notre falut?

C'est ce qui nous oblige d'avoir une continuelle attention fur nous - mêmes, pour voir & examiner à toute heure à quoi nous nous occupons, afin de quitter notre ouvrage s'il n'est pas digne d'un chrétien, ou fi nous fentons que Dieu en demande un autre de nous; nous fouvenant que nous fommes les ferviteurs de Dieu, & que nous devons tout notre tems à celui qui nous a promis en récompen

fe une éternité bienheureufe.

Nous ne devons pas moins à Dieu notre efprit que notre tems, & cela nous oblige d'affujettir à la foy nos connoiffances, nos lumieres, nos penfées, nos études. Nous devons fuir toute fcience vaine & fterile ; renoncer à toutes les nouvelles du monde, qui ne fervent qu'à nous diffiper; retrancher toute forte d'affaires non néceffaires, qui ne peuvent en occupant notre efprit que le défoccuper de notre falut.

Comme Dieu veille toujours fur nous, il faut que nous y veillions auffi continuellement, afin de lui obéir: que nous tenions toujours les yeux ouverts, afin de ne marcher que dans fa lumiere; que nous le confultions fur tout ce que nous avons à faire, étant affurez qu'il ne manquera pas de nous répondre, & de nous enfeigner toute chofe, fi nous nous tenons attentifs à l'écouter: Loquere Domine, quia audit fervus tuus.

Cette vigilance eft néceffaire pour toutes les œuvres de pieté. Nous ne prierions jamais, fi en veillant fur notre cœur nous ne nous appercevions de nos miferes interieures, & du be

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